Bureaux des producteurs, Studios Universal, il y a quelques mois…
– Bon les gars, j’ai eu une super idée de film pour tout exploser au box-office… Vous le savez, ce qui marche au box-office, aujourd’hui, ce sont les films fantastiques gothiques à l’ancienne…
– Ouais, c’est vrai, John… Il n’y a qu’à voir le succès de Twillight pour s’en convaincre.
– Le problème, c’est que les vampires, du coup, c’est vu et revu… Les sorciers, je n’en parle même pas, il reste encore deux Harry Potter à venir et déjà, la saga s’essouffle…
– Les momies, peut-être ?
– Tu rigoles ? Brendan Fraser les a toutes exterminées. La dernière, il a fallu aller la chercher en Chine. Pff… Tu penses si c’est pratique. Et oubliez aussi les monstres de la mythologie grecque, c’est aussi booké pour les années à venir avec Percy Jackson, Le choc des titans et autres… Non en fait, je pensais plutôt à un mec à poils…
– Un mec à poil ?!? Tu déconnes ?
– Euh… C’est sûr, en fonction de qui va se déshabiller, ça peut faire un sacré film d’horreur, ça… Et puis, même si tu prends un beau gosse, ça reste un spectacle indécent pour les pures et innocentes jeunes filles qui ont « peur de la bête »…
– Mais non, idiot ! Un homme à poils, au pluriel…
– The Full Monty ?
– Rhôooo, Bill, t’es trop naze. Un homme à poils = un loup-garou. Tu piges ?
– Euh… John. Tu sais que des loups-garous, il y en a aussi dans Twillight, à partir du deuxième épisode ?
– Mince ! Euh… Oui mais c’est nous qu’on est les meilleurs. On va prendre de vrais acteurs pour jouer dedans. Pas des prépubères bodybuildés incapable d’exprimer des émotions ou des blancs-becs genre Robert Machinchose… Tiens, on va prendre Benicio Del Toro pour jouer le rôle principal.
– Un taureau pour jouer un loup ? J’comprends rien à vos trucs, les gars…
– Bill : rendors-toi…
– Et pour le scénario, on fait quoi ? C’est qu’il y en a eu plein des loups-garous au ciné avant le nôtre : des vrais, des faux, des laids, des beaux, des p’tits joufflus des gros ridés… euh, pardon, des bouseux et des citadins – à Londres ou à Paris, par exemple – des méchants et des gentils…
– Pff… On bosse chez Universal, alors on n’a qu’à ressortir le scénario du film de 1941, avec Lon Chaney Jr. Plus personne ne connaît, alors on peut repomper le truc à l’identique. Tiens, on n’est même pas obligés de moderniser l’intrigue. Ca donnera un petit côté « vintage » au truc. Les jeunes adorent…
– Yes ! Bonne idée John ! Allez, on se lance…
– Ouais mais pourquoi le taureau il se transforme en loup ?
– Er… Bill. Please shut the f*** up !
Et voilà… Quelques pleines lunes plus tard bondit sur nos écrans Wolfman, de Joe Johnston, avec Benicio Del Toro dans le rôle principal et un casting correct pour l’épauler : Anthony Hopkins, Hugo Weaving et Emily Blunt (WOoooooo ! Belle à faire chavirer la bête). Et Géraldine Chaplin en sorcière gipsy (l’héroïne d’Ana et les loups dans un film de loup-garou, il fallait oser!)
Je ne sais pas si on peut utiliser le terme pour autre chose qu’un film de vampires ou une œuvre coquine classée entre W et Y, mais bon, Wolfman est une énième « resucée » du mythe du lycanthrope, plus communément appelé loup-garou.
Rien de bien nouveau pour les amateurs de films fantastiques, mais au moins, cette nouvelle variation autour du thème de l’homme-loup ne tombe ni dans les travaers du teen-movie édulcoré, ni dans la parodie débile. Au contraire Johnston et ses scénaristes ont privilégié une approche au premier degré, qui vise à faire gentiment frissonner en jouant sur des peurs ancestrales et sur une l’ambiance lugubre des forêts britanniques quand tombe la nuit…
Le film reprend donc à peu près la trame écrite par Curt Siodmak en 1941, pour le film éponyme de George Waggner : Suite à la disparition de son frère, Lawrence Talbot revient dans le domaine familial de Blackmoor, au cœur de la campagne anglaise, après des années de brouille avec son père. Gwenn Conliffe, la fiancée du défunt, l’enjoint de découvrir la vérité sur la mort atroce ce dernier. L’enquête le conduit à un camp de gitans voisin, mais alors qu’il s’apprête à poser des questions, un loup gigantesque, féroce et véloce, vient dévorer quelques-uns des romanichels. Lawrence tente de le suivre, mais manque d’être dévoré. Il s’en tire avec une morsure sérieuse, mais est désormais contaminé et contraint de se transformer, les nuits de pleine lune, en un féroce loup-garou…
Reprendre en l’état le script du film original – à quelques détails près, mais d’importance –est à la fois la meilleure idée et la principale limite du film.
L’avantage de reprendre le matériau existant, c’est qu’à l’époque, on savait faire des films bien structurés sans avoir besoin de recourir à un humour lourdingue ou des déluges d’effets numériques. On savait créer une ambiance avec trois fois rien et faire peur quand même.
Avec cette trame de base, le cinéaste réussit à trouver le bon équilibre entre l’intrigue fantastique, la romance Gwenn/Lawrence et le drame familial.
Il a également pris le parti de montrer le plus tardivement possible les créatures, comme dans le film original. Et de suggérer plutôt que de montrer les attaques, hormis une ou deux saillies gore réjouissantes. Les effets horrifiques en sortent renforcés et les premières attaques de la bête sont impressionnantes. Accrochez-vous à vos fauteuils car le film ne manque pas de mordant !
L’inconvénient, c’est que le film original a aussi assez mal vieilli. Certains artifices qui terrorisaient nos parents ou grands-parents semblent aujourd’hui assez kitsch, pour ne pas dire complètement ridicules. Ainsi, les auteurs de ce Wolfman version 2010 auraient pu s’abstenir de faire entendre des grognements de loup à chaque fois que la caméra insiste lourdement sur une des têtes d’animaux empaillés du manoir des Talbot… C’est débile…
De la même façon, il aurait été intelligent de mettre à profit les avancées technologiques dans le domaine des effets spéciaux pour rendre la transformation en loup de Benicio Del Toro réaliste plutôt que de lui coller de la moquette marronnasse sur le visage…
Enfin, les auteurs auraient pu apporter un peu de densité, d’ambiguïté à un récit un peu trop linéaire pour convaincre pleinement. Mais non, au contraire ! Les modifications apportées au scénario original, qui touchent surtout à la relation conflictuelle entre Lawrence et son père, vaguement shakespearienne, ajoutent encore au côté ultra-prévisible, très conventionnel, de la chose.
Ce qui manque sûrement à Wolfman, c’est une vraie griffe de metteur en scène. Joe Johnston est un habile faiseur, auteur de quelques œuvres honorables (Chérie j’ai rétréci les gosses, Jumanji, Rocketeer,…), mais certainement pas un grand cinéaste. Sa direction d’acteur laisse un peu à désirer, entre un Anthony Hopkins qui en fait des tonnes et un Benicio Del Toro trop effacé. Et il n’arrive jamais à transcender vraiment son sujet, à livrer autre chose qu’un hommage appliqué, respectueux du modèle. Ca aurait pu être pire, d’accord… Mais ça aurait aussi pu être mieux, d’où un sentiment mitigé au moment de sortir de la salle…
Pas de quoi hurler à la mort, mais pas de quoi affoler la bergerie non plus…
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Réalisateur : Joe Johnston
Avec : Benicio Del Toro, Anthony Hopkins, Emily Blunt, Hugo Weaving, Géraldine Chaplin
Origine : Etats-Unis
Genre : Fantastique à l’ancienne / Universal “revival”
Durée : 1h39
Date de sortie France : 10/02/2010
Note pour ce film : ●●●○○○
contrepoint critique chez : Filmosphère
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Salut,
Le compte-rendu du probable dialogue chez Universal est tordant, et je pense que tu ne dois pas être très loin des réflexions de ces marketologues, marqueteurs, ou market-chin-choses qui sont à l’origine de ces produits emballés sous vide qu’on nous sort régulièrement.
K.