Budapest, dans un futur proche. Lili, une gamine de treize ans, est contrainte d’aller vivre chez son père, un ex-professeur qui travaille désormais dans un abattoir, faute de travail dans sa branche. Elle emmène avec elle son chien, Hagen, croisement entre un labrador et un sharpeï. Hélas, sur place, son père refuse de le garder. Cela fait une bouche de plus à nourrir et les autres occupants de l’immeuble sont contre la présence de l’animal. Par ailleurs, une loi vient d’être votée pour favoriser les chiens de race. Les propriétaires de bâtards doivent les régulariser en payant une lourde taxe.
Malgré les protestations de la jeune fille, Hagen est abandonné au bord de l’autoroute. Il mène alors une vie d’errance, poursuivi par les employés de la fourrière et les organisateurs de combats de chien, conscients de son potentiel physique. Hagen devient de plus en plus sauvage et organise la révolte des chiens contre les humains…

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Après les projections de Johanna en 2005, Delta en 2008 et Tender son, the Frankenstein project en 2010, on peut dire que Kornél Mundruczo est un habitué du Festival de Cannes. Il y est retourné cette année pour y présenter White God, son nouveau long-métrage, dans la catégorie “Un Certain Regard”. Et le moins qu’on puisse dire, c’est qu’il a fait sensation. Nombreux s’accordaient à penser que ce film aurait mérité de concourir en compétition officielle, où il aurait constitué un solide prétendant à la Palme d’Or. Nous faisions partie de ceux-là, car cette fable fantastique nous a réellement enthousiasmés, tant sur le fond que sur la forme.

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White God est déjà une prouesse technique, puisque le cinéaste a dû gérer simultanément plusieurs centaines d’acteurs canins plutôt remuants. Mais heureusement, les cabots ont joué plutôt juste. Les deux chiens qui jouent Hagen, Luke et Body, ont d’ailleurs remporté la très convoitée  Palme Dog, qui récompense la meilleure performance canine du Festival de Cannes.

Le film de Mundruczo est aussi une véritable démonstration de mise en scène. On retrouve la “patte” du cinéaste hongrois dans les cadrages, ultra-précis, et dans la façon de composer des images saisissantes, hors normes, mais ce film marque une rupture avec ses réalisations précédentes. Le rythme y est plus soutenu, les mouvements de caméra sont plus amples, plus ambitieux, et les images sont plus travaillées qu’à l’accoutumée. Le jeune chef opérateur Marcell Rév a créé une ambiance singulière, opposant les prises de vue diurne très lumineuses, d’un réalisme brut et sec, à des images nocturnes aux tonalités jaunâtres, plus oniriques. Ce qui commence comme une chronique sociale émouvante se mue peu à peu en conte fantastique inquiétant, dans l’esprit des Oiseaux d’Alfred Hitchcock. Dans le dernier acte du film, Mundruczo “lâche les chevaux” (au sens figuré)sur sa mise en scène en même temps qu’il lâche les chiens sur la ville (au sens propre), et nous offre des plans magistraux, inoubliables, qui procurent d’intenses émotions cinématographiques. Là aussi, cela tranche plutôt radicalement avec ses films précédents, plus froid et plus secs.

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Enfin, c’est aussi  un film fort, véhiculant un message politique et humaniste subtil. Cette fable animalière n’est qu’un prétexte à une réflexion sur l’état de la Hongrie, de l’Union Européenne et du monde en général, ainsi qu’à un pamphlet virulent sur les inégalités entre les différents peuples, les différentes races qui peuplent notre planète.
L’allégorie est évidente. Les chiens errants symbolisent tous les individus qui sont exclus de la société, écrasés par un système politique, économique et social impitoyable. Ce sont les immigrés, les SDF, les marginaux, les Roms… Tous ceux que la société relègue dans les bas-fonds. Tous ceux qui sont traités comme des chiens par les autorités, tous ceux qui sont ignorés par le reste de la population.
Il en existe en Hongrie comme dans les autres pays de l’Union Européenne et leur nombre augmente à mesure que les politiques économiques se font de plus en plus rigoureuses.

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Mais le cinéaste va plus loin que le simple cadre d’une Europe en crise. Il parle aussi des profondes inégalités entre l’Occident et le reste de la planète, les pays dits “civilisés” et le “Tiers-Monde”, les Blancs et les autres races…
Le “Dieu Blanc” du titre (1), c’est le stéréotype de l’Occidental de race blanche, dominateur et conquérant, détenteur du pouvoir, de l’autorité et du droit de vie ou de mort sur les peuples “inférieurs”, représentés par les bâtards, les “races impures” qui doivent une obéissance aveugle à leur maître.
A travers la révolte de Hagen et de l’espèce canine, Mundruczo annonce l’imminence d’une révolution des peuples opprimés. Quand, à l’instar des chiens de Budapest, lassés d’être exploités, abandonnés, battus, brimés, humiliés, ceux-là se soulèveront, leur vengeance risque d’être à la hauteur des outrages subis.
Il invite donc à réfléchir à une société plus juste, plus égalitaire, plus ouverte, permettant à chacun de vivre dignement, en bonne harmonie les uns avec les autres.

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Que ceux qui n’aiment pas trop les oeuvres chargées de symboles se rassurent, White God fonctionne aussi très bien au premier degré. Il montre que si les humains retournant à l’état animal effraient l’inconscient collectif, le plus dangereux serait que les animaux mutent à l’état humain, et retournent contre nous nos propres comportements belliqueux.

Alors, aboyons haut et fort que White God est un des meilleurs films de l’année. Une oeuvre forte, intelligente, truffée de grands moments de cinéma et portée par un souffle humaniste bouleversant et un esprit de révolte communicatif. Woof! Rien que ça! Qu’attendez-vous pour aller le découvrir au cinéma?.


(1) : Pour les non-anglophones, White God signifie “Dieu Blanc”. Le titre est un jeu de mots avec White Dog, “Chien Blanc”, qui est le titre original de Dressé pour tuer de Samuel Fuller. Une autre fable animalière traitant du racisme envers la communauté Noire aux Etat-Unis et des mécanismes conduisant à la haine raciale.

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White GodWhite God
Fehér Isten

Réalisateur : Kornél Mundruczo
Avec : Zsofia Psotta, Luke, Body, Sandor Zsotér, Szabolcs Thuroczy, Lili Monori
Origine : Hongrie, Allemagne, Suède
Genre : fable politique qui a du chien
Durée : 1h59
date de sortie France : 03/12/2014
Note :
Contrepoint critique : Studio Ciné-Live

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