De quoi ça parle ?
D’un groupe d’amis, réunis dans une jolie villa italienne pour fêter les cinquante ans de la maîtresse de maison, Elsa (Claudia Gerini).
Et d’une menace invisible qui pèse sur eux et l’ensemble de l’humanité : Un astéroïde gigantesque se dirige vers la Terre, à grande vitesse. Les scientifiques l’avaient bien aperçu dans leurs télescopes mais ont mal jugé sa vitesse de déplacement. Et là, il est beaucoup trop tard pour intervenir en envoyant Bruce Willis détourner le caillou de sa trajectoire… Personne ne semble au courant de la catastrophe imminente, sauf la domestique de la villa, Isabel (Mariana Tamayo), qui supplie ses employeurs de lui donner congé pour qu’elle puisse rejoindre au plus vite ses proches et l’un des convives, Enrico (Eduardo Leo), expert en astrophysique, vient justement de participer au recalcul de la trajectoire de l’astéroïde. La mauvaise nouvelle, c’est que la probabilité de collision, évaluée initialement à 1 sur plusieurs millions, est subitement passée à une chance sur 20 et que l’impact peut intervenir d’ici quelques heures. Quant aux dégâts potentiels, eh bien disons que la dernière fois qu’un astéroïde de cette ampleur a frappé notre planète, les dinosaures ont disparu…
Pour la plupart des invités, l’annonce d’une apocalypse imminente agit comme un déclic et pousse les langues à se délier. Chacun cherche à se libérer de ses petits secrets et mensonges, ses frustrations. Des couples apparemment solides se délitent. Des célibataires qui se tournaient autour depuis des années se rapprochent subitement. Des liens amicaux évoluent.
Après tout, qu’importe, si la fin du monde est pour demain. Et si par miracle, la Terre venait à être épargnée, ce serait juste la fin d’un monde, d’un microcosme et un potentiel renouveau.
Quoi qu’il arrive, à la fin de cette réunion amicale, plus rien ne sera comme avant.
Pourquoi le temps ne joue pas en la faveur du film ?
Si l’histoire du cinéma commençait là, maintenant, où si on était né de la dernière averse, on trouverait sûrement le scénario du film de Liliana Cavani très original et audacieux. Mais ce n’est pas le cas. Le cinéma a plus d’un siècle et on peut facilement accéder à plusieurs milliers d’oeuvres, dont certaines sont sur des sujets similaires. Pas de chance, L’Ordine del tempo agit sur nous comme une passerelle temporelle.
Hop, d’un saut, on revient en mai dernier, à la date de sortie de Hawaï de Mélissa Drigeard. Le principe est un peu le même. Dans cette comédie, l’annonce d’un cataclysme imminent poussait des amis à se dire des vérités jusqu’alors soigneusement dissimulées avant de réaliser qu’il ne s’agissait que d’une fausse alerte.
Hop! Autre voyage dans la machine à remonter le temps du cinéma ! Cette fois, nous voilà en 2011. Sortie du film de Julie Delpy, Le Skylab, qui décrit une réunion de famille perturbée par l’annonce de la chute d’une station spatiale et son entrée prochaine dans l’atmosphère terrestre. Une comédie, là encore, mais en plus grinçante, plus amère.
Hop! Partons encore plus loin dans le temps. Nous atterrissons en 1986, pour la sortie du Déclin de l’Empire Américain. Là, aucun cataclysme cosmique ne menace la réunion d’un groupe de vieux amis québécois, mais elle se retrouve malgré tout perturbée par des échanges souvent rudes entre les personnages, qui profitent du moment pour exprimer quelques vérités blessantes.
On pourrait citer bien d’autres films ou pièces de théâtre qui fonctionnent un peu sur ce schéma-là. Et, malheureusement, la plupart de ces oeuvres sont supérieures au nouveau film de Liliana Cavani.
L’Ordine del tempo n’est pas un mauvais film. Il est réalisé de façon très sobre, assez élégante, mais aussi sans relief. Le casting comprend quelques-uns des meilleurs acteurs transalpins, mais les personnages qu’ils défendent ne sont pas très intéressants ou attachants. Le scénario joue la carte de la comédie douce-amère, se focalisant sur des problèmes assez dérisoires – des adultères passés, des romances pataudes et des passions refoulées…-, alors que le principal ressort dramatique, la possible fin de l’humanité, aurait pu donner une vraie comédie de moeurs grinçante, mettant les personnages et les spectateurs devant leur responsabilité quant à d’autres catastrophes possibles, plus probables que la destruction de la planète par un astéroïde.
La cinéaste aurait pu aussi développer un peu la seule bonne idée du récit. Une bonne partie de la problématique du récit vient du fait qu’un téléscope ne peut pas restituer une image du présent, en raison des distances et la vitesse de la lumière, et que si un phénomène menaçant est observé, il est probablement déjà trop tard pour réagir. Le script semble faire le parallèle avec certaines relations humaines, notamment des relations de couple, qui, vues de l’extérieur, peuvent paraître parfaitement équilibrées et sans nuages, alors que la crise est déjà en train de couver. Hélas, tout ceci est finalement mis de côté au profit de situations assez convenues, sans grands enjeux. Le scénario, tiré du roman éponyme de Carlo Rovelli, beaucoup trop plat, manquant de cruauté, de cynisme ou tout simplement d’idées intéressantes.
Il ne se passe pas grand chose à l’écran et l’ennui finit par s’installer. On en viendrait presque à souhaiter se faire écraser par l’astéroïde plutôt que d’avoir à subir plus longtemps les jérémiades de ces personnages BCBG déconnectés des réalités.
Au moins, la cinéaste a le bon goût de ne pas faire tomber son récit dans le mélodrame larmoyant. Ses acteurs sont plus sur le registre de l’émotion contenue, évitant des scènes qui auraient fait du film une oeuvre particulièrement indigeste.
C’est un point à mettre au crédit du film. Mais insuffisant pour susciter l’adhésion. On a connu la cinéaste plus inspirée (Portier de nuit, notamment) et il est dommage que, pour la remise d’un Lion d’Or récompensant l’ensemble de sa carrière, une oeuvre aussi médiocre soit proposée au public.
Contrepoints critiques
”Any inherently promising threads (…) are torpedoed by hackneyed platitudes and some particularly creaky dialogue. It might have worked on stage, as the one-location setting could make for a semi-decent huis-clos, but dies a slow death on the big screen. (…) Which leads us to the more pressing question: How do you make the threat of the sixth extinction so breathtakingly dull?”
(David Mouriquand – Euronews)