En 1966, après plusieurs longs-métrages à l’accueil mitigé, Claude Lelouch relançait sa carrière de façon spectaculaire, en remportant la Palme d’Or à Cannes et en glanant une reconnaissance internationale qui lui permettra, l’année suivante, de remporter deux Oscars à Hollywood. La recette de ce succès? Elle est contenue dans le titre, simple, limpide, évocateur d’une histoire aussi singulière qu’universelle : Un homme et une femme. Dans ce film, centré sur la rencontre amoureuse de deux âmes brisées, en proie au deuil et à la solitude, Lelouch parvenait à restituer l’essence d’une relation sentimentale et la complexité des rapports humains, grâce à une mise en scène atypique et personnelle, contenant presque tous les éléments constitutif du style Lelouch.
Près de cinquante ans après, le cinéaste semble vouloir effectuer un retour aux sources de son succès avec son nouveau long-métrage, Un+Une. Là aussi, il raconte l’histoire d’une rencontre amoureuse entre un homme et une femme, à la fois simple et complexe.
Antoine Abélard (Jean Dujardin), compositeur de musiques de films réputé, arrive en Inde pour travailler avec un metteur en scène emblématique de la Nouvelle Vague indienne. Le premier soir, il est obligé d’assister à un dîner organisé par l’Ambassade de France. Il y rencontre Anna Hamon (Elsa Zylberstein), la femme de l’Ambassadeur (Christophe Lambert). Bien qu’ils soient tous deux très différents – Elle, éprise de mysticisme et des croyances indiennes; Lui, cartésien cynique – ils sympathisent et passent un agréable moment ensemble. Ils se croisent encore les jours suivants, avant de partir ensemble pour un périple le long du Gange, dans le but de rencontrer Mata Amritanandamayi, “Amma”, l’une des grandes figures spirituelles hindouistes. Au fil du temps, leur complicité évolue vers des sentiments plus profonds, mais aucun des deux n’est préparé à cela. Anna aime son mari et fait ce périple purificateur pour avoir un enfant de lui. Antoine est très amoureux de sa compagne (Alice Pol), une pianiste aussi belle que talentueuse. Tour à tour, ils tentent de s’attirer et de se fuir, se demandant où tout cela va bien pouvoir les mener…
De notre côté, on ne se pose pas trop de questions car le film suit une logique de comédie romantique on ne peut plus conventionnelle, déjà vue des dizaines de fois au cinéma. Le principe d’un homme et d’une femme que tout oppose et qui finissent par tomber dans les bras l’un de l’autre est en effet l’un des archétypes du genre. Bien utilisé, il a servi de terreau à plusieurs excellents films, voire à quelques chefs-d’oeuvres du 7ème Art. Ce n’est pas le cas ici.
Déjà parce Claude Lelouch encombre son scénario d’éléments parfaitement superflus, mal exploités comme ce film dans le film, tourné par le cinéaste indien, dans lequel les acteurs rejouent leur propre histoire devant les caméras, ou venant appuyer lourdement le message philosophico-mystique de bazar véhiculé par le film. Lelouch n’a pas pu s’en empêcher, surtout en Inde, pays de spiritualité, de croyances religieuses et de superstitions. Il a construit son scénario autour de l’idée que nos vies ne sont pas de longs fleuves tranquilles mais des eaux bouillonnantes, où l’on peut se noyer ou renaître. Nos parcours sont jalonnés de rencontres, de tentations, d’épreuves qui font grandir l’âme et la préparent de futures incarnations. Pourquoi pas, mais ici, c’est inutilement surligné et cela mène même à des moments embarrassants, notamment quand le personnage du cinéaste indien utilise cette croyance pour justifier la condition de ses compatriotes les plus miséreux.
Par ailleurs, la mise en scène manque singulièrement d’inspiration. Celle d’Un homme et une femme avait séduit, en son temps, par sa modernité. Ici, elle frappe par sa platitude, si l’on excepte les scènes oniriques plus vraies que nature qui viennent pimenter un peu le récit. On est dans une banale comédie romantique où la fameuse “patte” Lelouch ne se retrouve que par le contexte mystico-philosophique et la musique de Francis Lai.
Enfin, il y a un gros problème de direction d’acteurs. Christophe Lambert est mauvais, Alice Pol surjoue – avec charme, certes, mais elle surjoue quand même – et le couple de vedettes, visiblement très complice, passe le plus clair de son temps à se bidonner, sans doute hilare face à l’inanité des dialogues et le ridicule des situations.
Cela dit, on ne peut pas dire que l’on s’ennuie devant cette comédie romantique parfumée au santal. Episodiquement, Claude Lelouch se souvient qu’il est un bon cinéaste et nous offre de beaux moments de grâce, Elsa Zylberstein et Jean Dujardin cessent de ricaner et nous offrent un aperçu de leur talent, indéniable. On devra se contenter de cela, mais cela ne fait que renforcer notre frustration face à ce film très mineur dans la carrière de Claude Lelouch.
Mieux vaut voir ou revoir Un homme et une femme, Roman de gare ou, si on tient absolument à la veine mystique du cinéaste, Il y a des jours et des lunes et Hasards ou coïncidences, autrement plus aboutis.
Réalisateur : Claude Lelouch
Avec : Elsa Zylberstein, Jean Dujardin, Alice Pol, Christophe Lambert, Rahul Vohra, Venantino Venantini, Shriya Pilgaonkar
Origine : France
Genre : équation trop simplifiée
Durée : 1h53
date de sortie France : 09/12/2015
Contrepoint critique : Metronews