Léon (Laurent Lafitte) est un ex-champion de tennis qui a raté sa reconversion et qui, à cause de son attitude de “beauf” macho et coureur de jupons, a torpillé son couple. Constamment fauché, il traîne son spleen à bord de l’ultime vestige de sa gloire passée, une vieille Porsche cabossée.
Son demi-frère cadet, Bruno (Vincent Macaigne) a mieux réussi sa carrière professionnelle, en créant un site de rencontres sur internet particulièrement rentable. Mais il n’a pas vraiment profité du service proposé, puisque, à près de quarante ans et alors qu’il est déjà en proie à la calvitie, il est toujours puceau.
L’annonce de la mort de leur père, qui ne s’est jamais occupé d’eux, préférant courir la gueuse et se préoccuper de son bien-être personnel, les oblige à se rendre ensemble dans le village de leur enfance, en province, pour assister à la crémation du défunt et la lecture du testament.
Mais sur place, il ne trouvent personne, à l’exception d’une jeune femme, Chloé (Ludivine Sagnier), qui prétend être leur petite soeur…
Le temps d’un weekend dans la maison familiale, le trio va se replonger dans les méandres de l’histoire familiale, chacun exposant les blessures psychologiques infligées par ce père qui n’a pas su les aimer correctement…
Telle est la trame de Tristesse Club, le premier long-métrage de Vincent Mariette. Une oeuvre que la campagne promotionnelle n’hésite pas à présenter comme “Un premier film emballant, entre Les Valseuses et Wes Anderson”.
Mouais…
Alors déjà, on ne voit vraiment pas ce qui peut évoquer le cinéma de Wes Anderson dans cette curieuse histoire de famille. Peut-être, à la rigueur, le côté apathique et gentiment dépressif des héros, qui peut évoquer celui des frangins de A bord du Darjeeling Limited. Mais on est loin, très loin du charme désuet, de la poésie et du brio narratif du cinéaste texan.
On est plus proche, d’accord, du cinéma de Bertrand Blier, quand le trio croise la route de personnages étranges, ayant un rapport complexe au sexe ou à la mort. Rebecca, le personnage joué par Noémie Lvovsky, habite une maison à la déco… particulière, constituée de moulages de pénis et de statues de nus masculins, et elle possède une arme à feu. La jeune Délia Espinat-Dief incarne une troublante Lolita, qui ne laisse pas insensible Léon. Et les relations entre Bruno et Chloé sont empreintes de pensées incestueuses…
Le hic, c’est qu’on ne retrouve pas le génie provocateur de Bertrand Blier, son humour noir et ses répliques aux petits oignons. Et surtout, il manque toute la portée sociale que l’auteur de Buffet froid sait apporter à ses oeuvres. Ici, les enjeux sont plus faibles. Pas de critique féroce de la société, pas de démonstration par l’absurde des maux de notre époque, juste une banale étude psychologique autour de la déprime chronique de trois grands gamins abandonnés par leur queutard de père. En somme, rien de bien nouveau dans le paysage du néo cinéma d’auteur français…
Non, comparer cette oeuvrette assez anodine aux oeuvres de Blier ou d’Anderson n’est pas un service à rendre à son cinéaste, Vincent Mariette, d’autant que ce dernier récuse lui-même ces références, avouant avoir lorgné plutôt vers des films comme Harold & Maud.
Hum, pas sûr que ce soit non plus une bonne idée non plus, car le lien est alors encore moins évident, hormis, sans doute, l’ambiance funèbre qui parcourt Tristesse Club…
Reconnaissons tout de même à l’auteur le mérite de proposer quelque chose d’assez singulier pour le cinéma français contemporain, d’aller au bout de sa démarche artistique. et d’offrir de belles partitions à ses comédiens.
Pour une fois, Laurent Lafitte est assez convaincant dans la peau de ce grand gamin frustré d’être passé à côté de son rêve et d’avoir été lâché, trahi par son père. Il excelle aussi bien dans le registre du macho odieux que dans celui du looser meurtri, victime de la malédiction familiale.
On est également heureux de retrouver la trop rare Ludivine Sagnier dans un rôle ambigu de séductrice/manipulatrice et de femme meurtrie.
Quant à Vincent Macaigne, il se glisse une fois de plus dans la peau du type lunaire, maladroit avec les femmes, mais qui finit quand même par “conclure”. Il le fait bien, d’accord, mais après plusieurs films où on l’a vu fricoter successivement avec les divines Vimala Pons, Laetitia Dosch, Maud Wyler et Solène Rigot, on commence à avoir du mal à gober que le look cheveux gras filasse et calvitie naissante puisse avoir à ce point un effet envoûtant sur les jeunes femmes…
Grâce à ces trois comédiens, plutôt complices devant la caméra, on suit sans déplaisir les tribulations de ce drôle de trio. Mais on n’a pas envie pour autant d’adhérer à ce terne Tristesse Club qui, contrairement aux promesses publicitaires, n’a rien de véritablement emballant. On attend cependant avec une certaine curiosité de voir comment le cinéaste va négocier le passage délicat du second film, en espérant qu’il saura aller plus loin dans la provocation et l’humour noir et affirmer sa singularité de metteur en scène…
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