Les amateurs de football savent qu’Eric Cantona est, dans le milieu, la sagesse personnifiée. Un philosophe du ballon rond, à la fois émule de Platini et de Platon, doublé d’un esprit libre qui n’a pas peur de dire les choses franchement.
Aussi, quand Eric The King dit quelque chose, on a tendance à l’écouter – et pas seulement par peur de se prendre un coup de crampon sur la gorge…
Donc, quand dans Switch, le nouveau film de Frédéric Schoendoerffer, il affirme “Il y a quelque chose qui cloche dans cette histoire”, on le croit sur parole…
Il a raison, Canto… L’intrigue de Switch vire rapidement au grand n’importe quoi, cumulant les aberrations et les rebondissements ridicules avec un aplomb qui force le respect.
Pourtant, avec un scénario né de la plume experte de Jean-Christophe Grangé, écrivain réputé pour ses thrillers ultra-noirs, on pouvait s’attendre à quelque chose d’intéressant. Et d’ailleurs, le point de départ était plutôt prometteur : Sophie Malaterre, une jeune québécoise, traverse une mauvaise passe. Pas de travail, pas de fiancé et pas de bon plan pour les vacances. Au cours d’un rendez-vous professionnel foireux, on lui parle du site switch.com, qui permet à des particuliers d’échanger leurs maisons, le temps des congés. Sophie trouve à échanger sa cabane au Canada contre un luxueux duplex à Paris, avec vue sur la Tour Eiffel. La transaction se fait entièrement sur internet, les clés respectives sont échangées par courrier express. Elle a juste à se rendre à Paris pour découvrir sa location.
Le premier jour, tout se passe pour le mieux. Sophie savoure son séjour et sa vie parisienne. Mais le lendemain matin, le réveil est pénible… Des policiers investissent les lieux et l’interpellent. Un corps décapité a été trouvé dans la chambre d’à côté et elle est évidemment la principale suspecte. La jeune femme tente bien d’expliquer la situation, mais lorsqu’elle cherche à prouver son identité, elle réalise avec effroi que ses papiers d’identité ont été remplacés par d’autres au nom de Bénédicte Serteaux, la propriétaire de l’appartement. Sophie comprend alors qu’elle a été piégée par Serteaux et, face à l’incrédulité des flics chargés de l’enquête (sauf Canto le clairvoyant, qui a des doutes dès le départ…), elle préfère s’enfuir et trouver elle-même de quoi prouver son innocence…
C’est là que ça se gâte…
Plutôt que de demander tranquillement à ce que ses dires soient vérifiés auprès des autorités canadiennes, notamment en faisant intervenir sa mère, le personnage principal préfère régler l’affaire elle-même.
Drôle d’idée…
Elle s’évade de façon spectaculaire, avec des réflexes dignes d’une criminelle multi-récidiviste ou d’une reine de la belle.
Curieux…
En chemin, elle agresse une automobiliste et lui vole sa voiture et son argent, avant de lui promettre de tout lui rembourser. Ah? On croyait qu’elle était au chômage, la blondinette… Elle va rembourser comment?
C’est un détail, mais bon…
Sophie se réfugie ensuite dans la boutique d’un grand black vendeur de babioles diverses, qui l’aide dans son audacieuse cavale. Hum, les deux personnes “de couleur” du film, ce vendeur noir et un étudiant iranien, sont celles qui aident la criminelle présumée dans sa cavale.
On ne va pas faire de procès d’intention au cinéaste, mais quand même, ça fait cliché douteux…
Là, elle achète de nouvelles fringues, un téléphone, etc… La seule chose qu’elle ne pense pas à acheter, c’est une perruque, qui aurait pu l’aider à passer inaperçue. Pourtant, elle les a juste devant ses yeux…
On ne peut pas penser à tout, pas vrai?
Sophie se rappelle aussi qu’elle a une mère, mais plutôt que de l’envoyer voir les policiers québécois ou de la faire venir en France pour étayer son identité, elle ne trouve rien de mieux que de l’envoyer à son domicile, là où est supposée se trouver l’usurpatrice d’identité/meurtrière. D’ailleurs cette dernière semble aimer les voyages, puisqu’elle passe son temps à faire la navette entre Paris et Montréal, allez donc comprendre pourquoi… Enfin bref, Maman se rend donc sur place, sent le truc louche et, plutôt que de prévenir la police, se rue à l’intérieur un fusil à la main… Ca c’est le côté pionnier du grand nord qui ressort… Ou Grangé qui a fumé la moquette…
On opte plutôt pour la deuxième option, vu le virage absurde du film vers le psychodrame familial, à base d’obscures histoires de chromosomes… Du N’importe Nawak avec un N majuscule…
Du coup, tout le monde fait n’importe quoi… Les flics bâclent le travail, incapables de trouver des traces de sang à un endroit pourtant évident sur le lieu du crime, les légistes mettent des plombes à trouver des indices qu’un gamin de dix ans aurait trouvé tout seul, l’assassin promène la tête de sa victime d’un endroit à l’autre sans jamais être inquiété –Ah, bravo la sécurité aux aéroports de Paris et de Montréal! Même pas fichus de voir une tête coupée aux rayons X…
Les acteurs aussi font un peu n’importe quoi.
D’accord, il faut avouer que Karine Vanasse, en première ligne, ne s’en sort pas si mal, vu le côté hautement improbable de ce personnage, fille ordinaire soudain transformée en super woman capable de déjouer la vigilance de cohortes de flics et de leur mettre la raclée à la course, sur 800 mètres. Bon, il faut dire qu’Eric Cantona s’est un peu empâté depuis qu’il a arrêté le foot, ça aide…
Ce n’est pas de sa faute, le pauvre… Il a dû arrêter le footing pour prendre des cours de comédie. Et il reste du boulot, car il surjoue la plupart de ses scènes, à milles lieues de sa performance plus subtile dans L’Outremangeur…
Mais au moins, il fait l’effort de jouer, lui.
On n’en dira pas tant de certains seconds rôles, qui semblent être là par hasard ou se moquer comme d’une guigne de leur “texte”… Cela dit, il est également vrai que certains personnages sont totalement inconsistants, voire franchement inutiles… (le chef de Canto et son collègue joué par Aurélien Recoing, par exemple…)…
Pas facile de jouer dans ces conditions…
D’autant que Frédéric Schoendoerffer, tout focalisé sur le rythme de son film, qu’il tente vainement de dynamiser à coups de courses-poursuites très moches et de mouvements de caméra qui font mal au crâne, semble se désintéresser totalement de la direction d’acteurs.En même temps, ce n’est pas nouveau, déjà dans Truands, il avait réussi la prouesse de faire jouer faux l’immense Philippe Caubère…
Le reste oscille entre platitude et esbroufe, avec une semblable médiocrité.
Est-ce bien le même cinéaste qui signait, en 1999, le très bon Scènes de crime? Apparemment non, puisque la bande-annonce proclame fièrement “par le réalisateur de Agents secrets et Truands”…
Deux nanars… Et comme jamais deux sans trois, Switch vient compléter la trilogie…
Aïe… Après le calamiteux La proie, voilà qui ne va pas arranger la crédibilité du thriller à la française…
Bref, on switcherait volontiers avec un autre film de meilleure facture que celui-ci.
Ce qui, entre nous, ne devrait pas être bien compliqué à trouver…
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Switch
Switch
Réalisateur : Frédéric Schoendoerffer
Avec : Karine Vanasse, Eric Cantona, Karina Testa, Aurélien Recoing, Bruno Todeschini, Maxim Roy, Stephan Guérin-Tillié
Origine : France
Genre : nanar-éprouvette
Durée : 1h40
Date de sortie France : 06/07/2011
Note pour ce film : ●○○○○○
contrepoint critique chez : Excessif