Chaloha les humains,
Quand on a reçu l’invitation à la projection presse de Surfin Steven, The X-Perience à la rédaction, tout le monde s’est demandé ce que pouvait bien être ce curieux film-évènement dont personne n’avait entendu parler auparavant.
Qui était ce Surfin Steven que personne ne connaissait ? Et quelle pouvait bien être cette expérience promise par le long-métrage du dénommé Jeremy Angelier? Un système d’immersion 3D surpassant les grands bleus d’Avatar? Un nouveau dispositif sonore plus fort que le Dolby Atmos? Un film en Odorama plus à la pointe que le Polyester de John Waters? Une expérience de surf live dans la salle, avec projections de seaux d’eau sur les spectateurs?
Bon, en fait, j’avoue que j’étais le seul à me poser des questions. Et comme nous autres chats sommes curieux de nature, je n’ai pas hésité à braver la foule parisienne pour me rendre à cette fameuse avant-première, au Pathé Beaugrenelle.
Hop, me voilà devant l’entrée du cinéma. Deux filles sont assises à un petit stand, une liste à la main. A côté d’elles, une planche de surf. Bingo! C’est là qu’il faut se rendre.
Première émotion : Mon nom n’est pas sur la liste.
”Ah non Monsieur, vous n’êtes pas inscrit. Et comme il y a le même nombre de siège que d’invités sur la liste, vous n’allez pas pouvoir voir le film…
Non, on vous dit qu’on n’a pas de Scaramouche sur la liste, ni d’Angle[s] de vue… “
J’insiste. Regardez mieux…
”Non, non, non… Vous ne pouvez pas entrer. Si vous voulez, vous pouvez faire des photos de l’équipe devant la salle. Mais vous ne verrez pas le film”
Ah ah, très drôle. [mode “wolverine” on, toutes griffes dehors”] Bon écoutez les cocotes, je n’ai pas renoncé à ma sieste du jeudi soir, galéré deux heures dans le RER, puis le métro, et navigué jusqu’à l’autre bout de Paname juste pour prendre des photos d’un surfeur qu’on ne connaît ni d’Eve ni d’Adam, ni de Kelly Slater ni de Brice de Nice. Alors, je veux un siège, capisce?
“OK, on va voir avec Steve…” .
Steve, c’est Steve Lisima, l’attaché de presse – ou plutôt, l’attaché de “presque”, comme il se présente à moi. Grand, Noir, félin. (Presque) comme moi, mais en humain. Tout va bien : je suis sur sa liste.
Hop, j’entre dans le hall. Une (presque) hawaïenne me colle un collier de fleur autour du cou et je dois me retenir de ne pas les manger. Non, il ne faut pas… Non… Non… Car généralement, ingurgiter ces végétaux à des conséquences plutôt fâcheuses. Que je vomisse au milieu des spectateurs de la salle serait effectivement une expérience traumatisante pour eux, mais je ne pense pas que mon maître apprécie la plaisanterie, vu que je représente le site ce soir.
A la place, je bois le punch offert par les hôtesses. Fameux et surtout raffraîchissant, ce qui ne fait pas de mal dans cet espace de 3m² où, serré les uns contre les autres, les invités commencent à avoir chaud.
Pendant ce temps, Surfin’ Steven, la star du film, se prête au jeu du photo-call, (presque) ambiance bush australien.
Hop, je me faufile dans la salle. La séance est effectivement bien complète. Ses fans attendent Surfin’ Steven. Parmi eux, Mac Lesgy de E=M6. Comme quoi, on peut être calé en astrophysique et aimer les sports de glisse…
Un chauffeur de salle tente de détendre l’atmosphère avec des petites plaisanteries et électrise le public en lui faisant faire une ola comme au stade. Des blagues pouraves, une vague pourave…
On nous explique brièvement le concept. On va voir un film participatif. Notre mission, si on l’accepte : faire du bruit, applaudir à tout rompre, répondre aux sollicitations du chauffeur de salle pendant la projo.
Qu’est-ce que c’est que ce traquenard?
Il y a de caméras partout. Et notamment une qui filme le public. Mon poil se hérisse. Je me demande si l’expérience promise par le titre ne va consister à laisser les spectateurs faire le film en direct, d’autant que l’affiche annonce “en présence de la (presque) équipe du film”.
Ouf! Le réalisateur/acteur, Jeremy Angelier vient dire quelques mots et lance la projection. Noir. Le film commence.
En guise d’introduction, on a droit à un cartoon amusant où un prof se transforme en monstre Hulk-esque pour calmer ses élèves turbulents.
Ca commence bien.
Le film proprement dit démarre. Surfin’ Steven est sur le divan d’un psy. Il lui parle du lien affectif qui l’unit à sa planche de surf. Le médecin creuse un peu, lui demande quelles sont ses relations avec son père. Et là, Dark Vador apparaît, avec son habituelle respiration asthmatique. Wtf?!?
Là, je suis assailli d’un gros doute. Le truc, tourné en vidéo, ressemble à une série Z, une blague de mauvais goût…
Je déclenche le chrono pour estimer au bout de combien de minutes je vais fuir, mais je laisse quand même sa chance au “film”.
Sur l’écran, le psy n’a pas vu Dark Vador. Il écoute son patient, qui abuse du mot “presque”. Pour lui, c’est la clé de son mal-être – et du nôtre? Steven, presque australien, presque blond, presque surfeur et presque connu, est un narcissique frustré qui n’arrive pas à s’accomplir.
Mais le héros s’insurge. Il n’est pas fou. Il est vraiment surfeur, mais son style particulier le pousse à chercher la vague dans les grandes villes du monde, où il n’y a ni mer ni océan…
Là, ça devient déjà plus amusant : Surfin’Steven, torse poil, en bermuda et tongs et la planche sous le bras, part à l’assaut de la capitale française, demandant à des passants médusés où se trouve la plage – sans doute la mondialement célèbre Paris Plage…- et tente des rides sur le bitume. Mais, avant qu’il ne soit arrêté par la police ou les services de la clinique Sainte Anne, il est kidnappé par de mystérieux individus et emmené…
… au cinéma Pathé Beaugrenelle, là où est projeté son film! Le spectacle a désormais lieu autant dans la salle que sur l’écran. A l’image, le cinéaste tente d’entamer le dialogue avec son personnage. Il lui annonce que, faute de budget, il doit interrompre le film. Surfin’ Steven s’énerve. Il est là pour surfer, le public est là pour le voir surfer. Il faut continuer le film…
Mais Jeremy Angelier n’en démord pas. Ce n’est quand même pas une de ses créations – un personnage irréel, donc – qui va lui dire ce qu’il a à faire. Et de toute façon, il n’a pas les moyens de tourner son film. A la place, il peut proposer au public quelques courts-métrages qu’il a tournés par le passé.
On regarde donc successivement :
Un documentaire sur le festival Nowhere, en Espagne, où se retrouve chaque année une communauté d’individus venus de tous horizons, dans l’esprit du festival “Burning Man” aux Etats-Unis.
Un autre sur le rhum de Martinique, avec une nouvelle tournée de punch offerte aux spectateurs par d’affriolantes hôtesses.
Puis une parodie du Bon, la Brute et le Truand, un happening façon Rémi Gaillard autour d’un concours de traversées de banquette arrière, une analyse filmique de Fight Club, un reportage sur le tournage de Vine autour des films de Cannes 2013, une parodie de Stade 2 avec des épreuves sportives improbables et enfin, une micro-aventure de Surfin’ Steven et des nageurs australiens en route pour London 2012.
Un vrai bric-à-brac. Un assemblage hétéroclite de films sans liens les uns avec les autres, si ce n’est qu’ils ont tous été réalisés/joués par Angelier.
En fait, le garçon a orchestré ce simulacre de mise en scène dans le seul et unique but de se faire connaître et de diffuser ce qui s’apparente à un CV sur grand écran, une démonstration de toute sa palette artistique à l’attention d’un producteur – et pas d’un “presque”.
La méthode est très limite. Il n’est pas certain que tous ceux qui ont fait l’effort de se déplacer pour cette avant-première bidon et sont finalement retrouvés pris en otage par ce jeune artiste arriviste aient goûté la plaisanterie.
Mais il faut bien reconnaître que le montage du canular est assez gonflé, et que le jeune cinéaste possède un certain talent et une sacrée imagination.
D’ailleurs, l’idée de cette fausse avant-première lui est venue après avoir gagné un concours de courts-métrages. Le premier prix était la mise à disposition d’une salle du Pathé Beaugrenelle pour une projection de ses films…
A vrai dire, j’aimerais qu’il parvienne à monter réellement le long-métrage Surfin’Steven, en combinant son humour potache à ses aptitudes de documentariste. Cela pourrait donner quelque chose de très rigolo.
En tout cas, même si la soirée ne s’est pas déroulée comme prévu, j’ai passé une (presque) bonne soirée.
Bon, il faut que je vous laisse. Je vais me planquer pendant que mon maître pique sa crise. Pfff… Je savais bien que tenter le ride dans l’évier de la cuisine était une mauvaise idée…
Plein de ronrons,
Scaramouche
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