Chalut les gens,
Il faut que je vous dise un truc, j’adore les jeux vidéos. Enfin, je n’y joue pas vraiment comme vous. Mes pattes griffues s’accommodent assez peu aux joypads et je ne vois pas trop l’intérêt de s’exciter sur le pavé directionnel et les différents boutons si le bidule ne distribue aucune croquette. Non, mon plaisir à moi, c’est de regarder mon humain de compagnie jouer, ultra-concentré sur sa tâche, et guetter le moment fatidique où il est sur le point de passer au niveau suivant, après avoir sué sang et eau, les pouces en feu, pour au choix lui filer un coup de patte, m’intercaler entre ses yeux et l’écran, bondir sur ses genoux toutes griffes dehors, ou tout autre subterfuge destiné à lui faire perdre sa concentration et la partie au passage. J’adore ce moment où il se met à hurler, au bord de la crise de nerfs, pendant que je me bidonne, planquée derrière le canapé ou perchée tout en haut de l’arbre à chat.
Bon, était-ce une raison suffisante pour m’envoyer voir Super Mario Bros. au cinéma? Pas sûr…
Inutile de vous présenter le personnage principal, j’imagine. Même sans être un gamer aguerri, vous avez forcément déjà vu ou entendu parler de ce petit plombier moustachu, habillé d’une salopette bleue, de gants blancs, d’un T-shirt à manches longues rouges, et d’une casquette, rouge également, frappée d’un M. Depuis le début des années 1980, il est la star incontestée de la société Nintendo, qui a produit plus d’une centaine de jeux le mettant en vedette, sur différents types de consoles – jeux de plateformes, de sport, de course automobile, en tant que héros ou invité d’honneur… Au cinéma et à la télévision, en revanche, il se faisait plutôt discret ces dernières années, après un premier long-métrage d’animation japonais (Super Mario Bros.: Peach-Hime Kyushutsu Dai Sakusen! de Masami Hata, en 1986) et deux séries d’animation américaines, et surtout Super Mario Bros de Rocky Morton et Annabel Jankel, film en live motion avec Bob Hoskins. L’échec critique et commercial de ce long-métrage a refroidi les ardeurs des producteurs avant que le studio Illumination ne décide de délaisser un temps ses Minions pour se lancer dans un nouveau long-métrage d’animation dédié à Mario.
Force est de constater que les auteurs ont souhaité respecter le plus possible l’univers coloré du jeu vidéo. Les personnages ont exactement le même design que dans le jeu vidéo. On retrouve, outre Mario, tous les personnages emblématiques de la sage (enfin, presque tous) : Luigi, le frère de Mario, son quasi sosie, en plus grand et plus maigre, et portant du vert plutôt que du rouge, la princesse Peach, Toad le champignon, Donkey Kong et l’affreux Bowser. Pas de Yoshi en revanche, sauf dans la scène post-générique, où il est encore dans son oeuf, prêt éclore pour une probable suite.
Tous évoluent dans différents univers merveilleux, le Royaume champignon, l’île de Kongo, le royaume des Koopa qui reprennent tous l’esthétique et les codes des décors du jeu. Et évidemment, les personnages peuvent se déplacer dans l’espace à l’aide de plateformes sur lesquels sont posés des bonus donnant des pouvoirs aléatoires, dont celui de se métamorphoser en chat, ce qui est bien pratique pour sauter en toute sécurité (et en élégance) sur des endroits inaccessibles. J’en sais quelque chose, c’est un jeu que j’adore en live. Vous devriez me voir grimper sur la plateforme supérieure de mon arbre, d’où je peux observer tout ce qui se passe dans la maison et en dehors… Bref, tout ça pour dire que j’ai le bonus en permanence, moi…
Bon, en revanche, les scénaristes auraient dû prendre un bonus eux aussi pour écrire leur intrigue, parce que là, c’est basique de chez basique. Mario et Luigi décident de monter leur entreprise de plomberie contre l’avis de leur père, qui les rabaisse tout le temps, et en dépit des moqueries de leur ancien collègue. Ils croient en leur potentiel, même si leur première intervention vire à la catastrophe. En même temps, ce n’est pas de leur faute si leur cliente leur a fourré dans les pattes son affreux toutou à sa mémère. Comment changer un joint efficacement avec un roquet qui menace de vous croquer l’occiput, juste parce que vous avez eu l’outrecuidance de marcher sur son nonosse, hein?
Quand Brooklyn est victime d’une grosse inondation, les deux frangins tentent de prouver leur valeur. Hélas, ils sont happés par un égout relié à une dimension parallèle. Mario atterrit au Royaume Champignon. Luigi a moins de chance. Il tombe dans le royaume de Koopa, où il est fait prisonnier par Bowser, une créature entre la tortue, le dragon et le dinosaure. Pour sauver son frère, Mario va avoir besoin d’aide et, pour cela, prouver sa valeur auprès de ses alliés potentiels. Hop, un niveau pour convaincre la Princesse Peach! Hop, un niveau pour convaincre Cranky Kong, le roi des singes, en combattant son fils Donkey! Et direction le royaume de Koopa, l’occasion d’une course-poursuite en karts, hommage à un autre célèbre jeu Nintendo impliquant le plombier moustachu…
En gros, ce n’est que ça, une succession de niveaux, mêlant plateformes, combats et courses, pour aller d’un point A à un point B, sauver les prisonniers et battre le méchant boss. Comme dans un jeu vidéo, me direz-vous, en me rappelant ce qui était probablement le but. D’accord, sauf que l’intérêt d’un jeu vidéo, c’est d’y jouer soi-même, pas de regarder jouer les copains… Sauf quand ils échouent et balancent la manette à l’autre bout de la pièce (ou sur l’écran s’ils sont idiots), ce qui peut être un spectacle rigolo. Au cinéma, on aimerait un peu plus qu’une belle cinématique de jeu. Un peu plus de complexité, de retournements de situations et de touches humoristiques n’aurait pas été superflu pour susciter l’enthousiasme des plus de dix ans (J’ai moins, OK, mais en conversion chat-humain, je suis majeure et vaccinée). Bref, il aurait été agréable d’avoir un vrai scénario de cinéma et pas juste un truc linéaire. Remarquez, ça aurait pu être pire. Imaginez les mêmes scénariser Pong, le film…
Voilà, regarder Super Mario Bros. le film, c’est comme regarder quelqu’un jouer au jeu vidéo, sans jamais avoir l’occasion de prendre le joypad et sans avoir le plaisir chat-dique de le déconcentrer pour le faire rater son niveau. On peut trouver ça très joli, bien rythmé et assez sympathique. On a aussi le droit de s’ennuyer poliment et de préférer aller piquer un petit roupillon. D’ailleurs, c’est l’heure de ma sieste, alors chalut les gens…
Plein de ronrons,
Gala
Super Mario Bros le film
Super Mario Bros.
Réalisateurs : Aaron Horvath, Michael Jelenic
Avec les voix de : Chris Pratt, Anya Taylor-Joy, Jack Black, Charlie Day, Seth Rogen (voix américaines), Pierre Tessier, Audrey Sourdive, Benoît Du Pac, Jérémie Covillault, Nicolas Marié (voix françaises)
Genre : jeu vidéo non-jouable
Origine : Etats-Unis, Japon
Date de sortie France : 05/04/2023
Contrepoints critiques :
”Ce long-métrage est une (Super Mario) galaxie de bonnes idées. L’univers du jeu culte est si bien retranscrit qu’il est impossible de sortir de la séance sans le sourire aux lèvres. N’importe qui sera sensible au charme nostalgique et à la bonne humeur de Super Mario Bros. le film. On ne pouvait rêver d’une meilleure adaptation. Chapeau !… Euh, casquette ?”
(Arthur Nicolle – Le Journal du geek)
”En se contentant d’être un produit officiel Nintendo, Super Mario Bros raconte une histoire à la fois mollassonne (Bowser veut conquérir le Royaume Champignon parce que) et tarte (Mario veut prouver à son papa qu’il vaut quelque chose en tant que plombier -sérieusement ?), le tout rythmé par des tubes des années 80 comme Take On Me.”
(Sylvestre Picard – Première)
Crédits photos :
Super Mario : Copyright 2022 Nintendo and Universal Studios
Gala : Antoine Bordat
