Au milieu des années 2000, alors nos cases z’et bulles s’emplissaient de nénettes à gros nichons qui dézinguaient gaiement du gros troll à grands coups de grosses épées magiques, et que les comics et mangas – malgré leur essor certain – souffraient encore d’une image de culture de niche pour nerds et otakus décérébrés, une petite bombe allait exploser dans le paysage bédégraphique français : Mutafukaz !
Avec son histoire de petit livreur de pizzas qui se retrouve embarqué dans une folle cavale avec à ses basques une faction de SWAT MenInBlackisée, un gang de « niggaz » sur-armés, une poignée de luchadores sur-masqués, des ersatz de néo-nazis sur-écervelés (#pléonasme) et une floppée d’extra-terrestres sur-affamés, Run se place en tête de file d’une génération d’auteurs élevés devant les animés du Club Dorothée, alternant les bédés de papa avec les Strange du frangin et les mangas qu’on s’échange à la récré, piochant des VHS dans des rayons de vidéoclubs mélangeant grands classiques du septième art et buddy movies délicieusement décérébrés, e-mulant toutes sortes de séries, qu’elles fussent des séries Z, de tueurs en série, ou des tueries de séries !
En gros des influences déboulant de toute part mais totalement intégrées et digérées pour un mélange des genres aussi ouf’ que succulent, un peu comme si le père Tarantino se fut attaqué au neuvième art et non au septième !
On vit ainsi naître au sein des éditions Ankama, le jeune Label 619, incroyable vivier de jeunes auteurs étonnants et détonants, qui nous proposera des œuvres diverses et variées comme les anthologies Doggy Bags, les VF de Tank Girl, le totalement barré Monkey Bizness, la grosse claque The Grocery, le sublime Shangri-La et bien d’autres encore ; parfois désopilantes ou violentes, légères ou poignantes, au premier ou au 23ème degré… mais ayant toujours en commun une putain d’originalité et une passion communicative !
N’ayant cessé de grossir, de grandir, de murir et de s’affirmer, mais désireux de proposer toujours plus de beaux albums – tant sur le fond que sur la forme – le Label 619, après avoir pris son indépendance quelques années plus tôt, intègre aujourd’hui les jeunes mais prestigieuses éditions Rue de Sèvres, profitant ainsi de toute la structure, du savoir-faire et du réseau de l’Ecole des Loisirs.
Un joli mariage qui nous offre déjà trois beaux bébés : le septième tome de Funérailles (le spin off de la géniale série Freaks’Squeele du non moins génial Maudoux qui nous enchante une nouvelle fois la rétine de son trait virtuose), l’ouverture de M.F.K.2 (la suite du mythique Mutafukaz sous forme de roadtrip en camping-car aussi improbable que pile dans l’actu’, qui nous fait autant rire que flipper de notre société pourrie par des complotiste tarés de la tête gavés aux fake news), et enfin Low Reader, nouvelle anthologie d’horreur et d’angoisse, ou un corbeau s’empare de l’âme de feu Doggy Bags et nous sert de guide pour explorer les tréfonds de l’âme humaine… enfin, « humaine » : qu’il s’agisse de démons s’échappant des enfers pour réclamer l’âme de métalleux chevelus, d’une meute de loups garous avides de la chair moelleuse et tendre de la plantureuse Masiko, où d’un pauvre salary-man lambda prompt à tuer de sang froid pour sauver le sien, de sang ; il ne reste plus beaucoup d’humanité dans tout ça !
Alors, avec des bébés aussi prometteurs que ceux-ci, aux parents aussi talentueux que ce guedin de Run ou ce p’tit prodige de Guillaume « Blacky » Singelin, on est impatient de rencontrer le reste de la famille… que l’on espère des plus nombreuses !
(Et viv’ment l’arrivée de notre chouchou a.k.a Mathieu Bablet)
* Funérailles (Tome 7), de Florent Maudoux (Ed. Rue de Sèvres – Label 619)
* M.F.K.2 (Tome 1), de Run (Ed. Rue de Sèvres – Label 619)
* Low Reader #1, de Mud, Ghisalberti, Run, Singelin & Maudoux (Ed. Rue de Sèvres – Label 619)
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