En 2009, une nouvelle série apparaissait dans le paysage bédégraphique français et se fit immédiatement remarquer, tant par son fond que par sa forme. S’inspirant du modèle américain – thèmes, découpage, rythme du récit comme rythme de parution – tout en y insufflant les codes d’une bande dessinée plus « classique », La Brigade Chimérique se présentait tel un « comic book franco-belge » narrant les aventures de super-héros européens à la période de l’entre-deux-guerres.
Ainsi, durant deux ans, les auteurs s’amusèrent à revisiter notre propre Histoire au travers de celles de super-justiciers bien de chez nous luttant contre la montée de l’extrémisme menée par des super-vilains franquistes, fascistes et nazis… jusqu’à leur étonnante disparition en 1939, à l’aube des sombres événements que l’on connait.
Et si l’histoire/Histoire elle-même et la réinterprétation uchronique qu’elle (en) proposait s’avéraient ô combien intéressantes et captivantes, le questionnement sur le média lui-même qui s’échappait de ces pages l’était tout autant : pourquoi, à l’instar des héros mis en scène ici, tout ce pan de la littérature française – pourtant précurseur dans le genre – a subitement disparu des étals de nos librairies comme de nos mémoires… laissant alors le privilège aux américains d’exploser et devenir la référence en la matière ?
Une question qui revient aujourd’hui dans ce nouveau cycle de la Brigade Chimérique, à l’heure où les marveleries explosent les ventes tant de livres que de tickets de ciné quand le super-héros français, bien souvent relégué à la parodie, peine à se défaire de son image ringarde. Même question sans pour autant faire dans la redite ou le rabâchage, ces malins de scénaristes transposant l’histoire de ce second opus à notre époque actuelle, son héros – un professeur étudiant lesdits surhommes apparus puis oubliés dans les années 30s – se voyant confier la tâche de reformer la super-équipe d’antan afin de contrer les phénomènes étranges apparus dans le métro parisien… et menaçant notre monde ! Soit l’occasion de réactualiser les thèmes originels en les confrontant à nos problématiques contemporaines telles que l’omniprésence des médias, l’importance de nos téléphones et des réseaux sociaux, la place de la femme dans notre société, la façon dont nos dirigeants gèrent les « sujets sensibles », la (non)conscience écologique avec laquelle sont traités lesdits sujets, etc…
Enfin, en plus de l’époque choisie et des sujets traités, les auteurs trufferont les cases de mille et une références à toute cette culture – qu’elle fusse du début du siècle ou actuelle, européenne ou américaine – via des affiches de films, des articles de presse, ou encore des albums de comics présentés comme des ouvrages officiels sur les super-héros, relatant leurs missions sous la plume d’éminents biographes… comme – par exemple – un certain Jack Kirby !
Cette nouvelle Brigade Chimérique, malgré un postulat relativement basique, s’avèrera finalement être un objet totalement méta, véritable ode à toute une culture… et fière revendication à la réhabilitation et l’avènement des super-héros européens !
* La Brigade Chimérique, Ultime Renaissance, de Lehman, Gess, De Caneva & Lou (Ed. Delcourt)