Simon, la quarantaine, n’arrive plus à corriger ses copies. Rien que de regarder son Bic rouge, ça l’exaspère. Et le message de sa directrice lui mettant la pression appuie encore ce sentiment d’exaspération. Il sort s’aérer. En jetant distraitement un œil à la fenêtre de sa voisine, la douce vision de son corps en ombre chinoise l’émoustille un brin. Pierre, le voisin d’en bas, le surprend à laisser trainer un œil sur ce joli spectacle et s’en amuse.
La voisine, elle, ne trouverait pourtant pas ce spectacle aussi joli : désespérée par l’image que lui renvoie son miroir, elle ne comprendrait pas comment le spectacle offert par ce corps vieillissant puisse émoustiller qui que ce soit. Et la maladie qu’a portée ce corps appuie encore ce manque de confiance en soi.
Pourtant, a-t-elle vraiment le droit de se plaindre de son corps lorsque celui du vieux-Pierre-d’en-bas le lâche un peu plus chaque jour, le condamnant au fauteuil roulant… et à quémander l’attention permanente de Nicole ? Attention que lui n’a jadis jamais su donner à cette Nicole qui la méritait – et désirait – tant ?
Ceci dit, un joli corps juvénile peut également poser problèmes, attirant une attention que – pour le coup – on ne désire pas. C’est le cas de la jeune Jill qui attise les convoitises tant de son amie Maëlle que de Hugo, le fils de Simon. Hugo qui prendra vite autant de plaisir à photographier la jolie Jill que les animaux dont l’observation le passionnait pourtant au plus haut point…
…animaux, d’ailleurs, tout aussi passionnés par l’observation des humains qu’à l’inverse, se retrouvant chaque soir pour rendre leur rapport sur les faits et gestes de ces trois « non-couples » pour lesquels ils se sont totalement pris d’affection.
Au travers de ces trois (non)couples eux-mêmes observés au travers des yeux aussi naïfs qu’acérés des animaux, Zabus prouve une nouvelle fois sa capacité à « raconter les gens », l’associant au trait sensible de Nicoby pour nous offrir alors une fable philosophique moderne et douce sur le couple et l’amour, les couples et les amours… tour à tour animés ou chahutés au fil du temps, au fil des âges, par les doutes et le remords, la tendresse et la passion, l’éphémère et l’éternel.
Nos rives partagées, de Zabus & Nicoby (Ed. Dargaud)