Dans ces précédents récits autobiographiques (Cigish, Cruelle, ou encore l’excellent Pucelle), Florence Dupré La Tour nous raconte sa vie et égrène ses souvenirs intimes (original pour de l’autobio’, non ?), mais également une bonne partie de ceux de sa sœur Bénédicte. Non qu’elle-même n’en possède suffisamment pour aller piocher sans vergogne dans ceux de la frangine, mais bien que la frangine, de part sa condition, est omniprésente dans les siens : oui, Florence et Bénédicte sont jumelles. Ça crée des liens, comme qui dirait…
…des liens qui font aujourd’hui l’objet d’un nouvel dyptique autobiographique par Florence Dupré La Tour, sobrement – mais justement – intitulé Jumelle.
Sans « s », à « Jumelle ».
Pourquoi appuyé-je sur le sans « s » ? Simplement car l’unicité se révèlera au fil des pages comme l’élément central de ce récit. L’unicité que forme Florence et Bénédicte aux yeux de tous, qui peinent à les différencier, l’unicité qu’elles imposent elles-mêmes aux yeux de tous, considérant toute autre personne – y compris leur sœur et leurs propres parents – comme intrus à leur monde furieusement clos et hermétique, mais également l’unicité au sein même de leur gémellité, leur rapport tant avec « le monde extérieur » que l’une envers l’autre se différenciant de plus en plus au fil des années : Bénédicte plus ouverte, avenante et moins dépendante de sa sœur, Florence plus renfermée, exclusive et hyper-possessive envers « sa moitié »… développant alors des sentiments des plus ambigus envers Bénédicte, se sentant presque comme le « garçon » du « couple », dont le devoir serait d’aimer, chérir et protéger sa tendre dulcinée !
Grâce à un style faussement enfantin, donnant des airs de poupées de chiffons à ses perso’ pour mieux les triturer et les trimballer en tout sens, Florence Dupré Latour – après avoir avoué sa cruauté maladive envers les petits animaux et sa découverte entre fascination et dégout de la sexualité – revient une nouvelle fois à la perfection sur cette période étrange et pas si rose que fut son enfance… et une nouvelle fois, via un récit des plus intime nous interroge sur un sujet bien plus large qu’il n’y parait. En disséquant cette fois-ci sa jeunesse au travers du prisme de la gémellité, l’auteure nous fait réfléchir de manière plus générale quant à l’attitude que nous adoptons vis-à-vis des jumeaux, les clichés que nous véhiculons allègrement à leur égard, et les conséquences qu’ils pourraient – peuvent ! – avoir sur leur développement personnel.
Jumelle, de Florence Dupré La Tour (Ed. Dargaud)