La silhouette d’un château dans la nuit… des hommes encapés qui s’en éloignent, chevauchant au galop sous la lune… Une jeune femme, sous son chaperon bleu nuit, en profite pour se glisser hors de son donjon et rejoindre la forêt… plus elle s’y enfonce, plus les ombres lunaires des arbres l’enrobent, l’enserrent, l’étouffent… perdue, elle s’en remet à cet étrange oiseau bleu qui connait son nom et l’invite à la suivre… il l’enchante, il l’envoute, il l’emporte jusqu’aux abords d’un lac dans les eaux duquel il lui fait miroiter la sortie, la lumière, la liberté… elle se noie.
Elle se noie ?
Elle ressort du lac, mais n’est plus que l’ombre d’elle-même, errant sous la lumière de la lune.
Elle retourne au château, mais n’est plus que le fantôme d’elle-même, hantant des couloirs où chacun lui dicte sa vie.
Est-elle morte ? Est-elle vivante ?
Morte ou vivante, elle est déjà condamnée, promise à un sacrifice pour honorer le retours des hommes.
Doit-elle s’enfuir, encore ? Rejoindre la ville voisine ? Ville abandonnée, vestige d’une civilisation passée, où la végétation recouvre les bâtiments, les rues et les voitures.
Les voitures ?
Ne sommes-nous donc pas en train de lire un conte médiéval ?
Cette civilisation passée, est-elle la nôtre ?
Notre civilisation s’est-elle effondrée ?
Avons-nous trop écouté l’oiseau bleu ?
Sommes-nous revenus aux temps anciens, aux valeurs archaïques ?
Comment interpréter ce noir conte, cette cruelle fable, aux images envoutantes mais intrigantes, mettant en scène des personnages aux visages vides, sans émotions, dans des lieux anachroniques, sans époque…?
Un noir conte aux couleurs pâles mais aux lignes poétiques, une cruelle fable qui envoute autant qu’elle déroute… un rêve autant qu’un cauchemar…
…
Doit-on vraiment expliquer les rêves ?
Veut-on vraiment comprendre nos cauchemars ?
…
Au réveil, ils s’estompent doucement, et l’on reprend le cours de nos vies… emprunts, néanmoins, des sensations et des souvenirs qu’ils ont semés dans un coin de notre esprit.
Bleu à la lumière du jour, de Borja Gonzalez (Ed. Dargaud)