« Il était une fois une dame hippopotame et un jeune lion.
La dame hippopotame était très douce et avenante, toujours pleine d’attention pour son prochain.
Le jeune lion, timide et impressionnable – pour ne pas dire introverti et trouillard – aimait se coller à dame hippopotame. Et dame hippopotame aimait prendre le jeune lion tour contre elle pour le protéger et le rassurer.
Au crépuscule de l’été, le jeune lion remarqua que quelque chose avait changé chez dame hippopotame. Madame hippopotame avec grossi, grossi, grossi. Elle qui malgré ses formes généreuses savait se montrer vive et aérienne, revint alors fatiguée et lasse… lasse de trainer sa grosse carcasse… carcasse encore et toujours plus grosse…
…une grosse carcasse qui devint vite la cible des petits prédateurs. Et dame hippopotame, la risée de la savane.
Comment pouvait-on rire et se moquer de cette bonne dame hippopotame, elle qui était si douce et avenante, toujours pleine d’attention pour son prochain ?
Face à cette injustice, le sang du jeune lion bouillonna… et ne fit qu’un tour : il se devait de bondir à son secours, rugissant de colère face à ceux qui osaient s’attaquer à cette bonne dame hippopotame !
Pourtant, le jeune lion, frêle et au courage proportionnel à sa mince crinière, n’en fit rien. Et, face à sa propre lâcheté, sa colère rugissante se mua en honte profonde. »
Hop, hop, hop ! Stoppons là : je ne voudrais surtout pas vous divulgâcher le dénouement et la moralité de ce conte, car, oui, comme tout conte qui se respecte, celui-ci aura sa moralité… et comme tout conte, sa double-lecture bien plus profonde qu’il n’y parait !
Si celui-ci, avec ses dessins si fins et si frais aux airs d’un Petit Nicolas et ses douces aquarelles, peut en effet laisser croire à un joli livre pour enfant sur un petit garçon qui voudrait pouvoir protéger sa rondelette maitresse, et plus généralement sur la transition entre l’enfance et le monde des adultes ; il traitera également entre les lignes de sujets bien plus graves et actuels, comme les problèmes d’addiction à la nourriture, d’acceptation de soi, mais également du regard de l’autre, et, de là, du sujet plus vaste – mais malheureusement presque ordinaire – de la grossophobie.
Il était une fois un joli livre, beau, drôle et touchant, à lire à ses enfants pour leur apprendre la tolérance…
…il était une fois un joli livre, beau, drôle et touchant à lire en tant qu’adulte pour retrouver son âme d’enfant.
Mademoiselle Sophie, de Zabus & Hippolyte (Ed. Dargaud)