Au vu du nombre d’articles dédiés cet univers, nier notre affection pour le Donjon relèverait de l’ineptie, malheureusement, ce qui devait arriver arriva : à la lecture du dernier Donjon Monsters – Quelque part ailleurs – un léger mais non moins amer sentiment de déception subsista une fois la dernière page tournée…
Non pas que dessin de Delisle ne nous déplaise, son trait minimaliste sachant d’adapter aux ambiances, aux décors, aux monstres et aux personnages au caractère animalier du Donjon (il donne même vie à une de ses plus mignonnes, touchantes et mini-badass héroïnes), ou encore qu’il ne présente pas grand-chose à raconter, au contraire : son intrigue se déroulant sur plusieurs époques donne lieu à de nombreuses questions… questions auxquelles malheureusement peu de réponses seront apportées, comme noyées dans un trop-plein d’info’. Peut-être l’aspect très généreux de cet album se retourne-t-il finalement contre lui, entrainant une fin quelque peu précipitée… et même une scène peu compréhensible dans laquelle figurent des personnages dont on se demande bien ce qu’ils fichent là !
Heureusement, en tant qu’habitués de Terra Amata, on commence à savoir que cette tentaculaire série s’étend toujours plus, chaque album tenant le rôle d’une nouvelle brique d’un immense édifice… et ce fut encore le cas ici, ce Monsters-ci se révélant petit à petit comme une charnière entre albums passés et à venir : non seulement car nous y apprenons la réelle nature et les secrets du fameux Coffre aux Âmes éponyme du dernier Antipodes +, mais surtout, la lecture du tout dernier Zénith nous permet de voir « l’autre face » de la sus-citée scène incompréhensible, celle-ci se révélant en réalité comme un « cross over » entre les deux opus !
Larmes et brouillard nous contant en effet l’histoire d’Herbert arrachant son enfant aux bras d’Isis afin de le protéger des mœurs barbares que lui imposerait la tout aussi barbare culture Kochaque, le couarageux (étrange mélange de couard et courageux) canard cherche refuge auprès du Gardien… et se retrouve bon gré mal gré à mener l’assaut à ses côtés pour récupérer feu son Donjon des mains de l’infâme Delacour qui, pour le défendre, osera l’acquisition d’un puissant artefact magique : le Coffre aux Âmes ! Oui, oui : celui-là même éponyme de l’Antipodes + et dans lequel est enfermée la mignonne, touchante et mini-badass héroïne du dernier Monsters ! CQFD !
Un Zénith de folie, donc, où l’on verra du Herbert, du Gardien, du Hourous, un peu de Marvin, tout plein de guerriers kochaques et quelques dragons, tout plein de monstres et quelques nécrologues, de la bagarre et de la sorcellerie, du voyage et de l’épique… sur lesquels la collaboration de Boulet aux crayons et de Walter aux pinceaux fera de véritables merveilles !
Pourtant, au-delà de ce visuel sublime et du plaisir premier de voir des monstres se balancer des grands coups de tatane, nous apprécierons également les mots encore et toujours si bien écrits de Joann et Lewis, tant dans les dialogues aux répliques qui font mouche que dans les différents thèmes abordés en sous-texte : la religion et ses dangers, la paternité et ses responsabilités, les choix du cœur et ceux de la raison…
Damned ! Alors que nous entamions cette chronique en mesurant nos propos quant au pénultième Donjon, nous voici, au moment de conclure, retombés au rang du fan boy de base en total extase… mais, p’tain : quand c’est bon, faut l’dire, non ? Et dans l’Donjon, tout est bon !
* Quelque part ailleurs (Donjon Monsters, Tome 16), de Guy Delisle, Joann Sfar & Lewis Trondheim (Ed. Delcourt)
* Larmes et brouillard (Donjon Zénith, Tome 9), de Boulet, Joann Sfar & Lewis Trondheim (Ed. Delcourt)