Francesco tourne et retourne dans son lit, puis, las, se lève, sans grande conviction.
Aujourd’hui, c’est son premier jour de retraite. Retraite d’une carrière qu’il aura vécu sans grande conviction.
Il passe aux toilettes, jette un œil à Facebook sur son portable, puis retourne se coucher auprès de sa femme. Femme avec qui il aura partagé sa vie sans grande conviction.
Francesco est un peu choqué : il vient d’apprendre via Facebook le décès de Sophie.
Alors, Francesco se souvient…
Il se souvient, alors qu’il était jeune et pimpant, de sa rencontre avec Sophie.
Il se souvient comme cette rencontre fut simple et douce, à l’image de Sophie.
Il se souvient comme leur premier rendez-vous fut beau et exquis, à l’image de Sophie.
Il se souvient comme la nuit qui s’ensuivit fut sensuelle et passionnée, à l’image de Sophie.
Il se souvient également qu’après cette nuit, un simple texto de la part de Sophie marqua la fin de leur relation, lui, bloqué en Italie par ses études d’Economie, elle, happée par la France et ses études d’Art.
Il se souvient, pourtant, qu’un an plus tard, Sophie le rappela et lui proposa de le rejoindre dans le sud de la France pour le week-end.
Il se souvient comme ce week-end fut incroyable et magique, à l’image de Sophie.
Il se souvient, néanmoins, comment il se termina tristement sur une conversation pleine d’incompréhensions et de tensions, de mésententes quant à leurs attentes
Il se souvient qu’il attendait plus d’elle, qu’il attendait trop d’elle.
Il se souvient lui avoir dit qu’il voulait la revoir, toujours plus, chaque jour plus… la revoir toujours, la revoir chaque jour… une relation normale, en somme.
Il se souvient de sa réponse : « Parfois, les choses sont belles simplement parce qu’elles sortent de l’ordinaire ».
Il se souvient qu’elle sonna le glas de leur relation en affirmant finalement que le meilleur moyen de ne pas perdre une chose reste de ne pas la posséder.
Ainsi, le fatigué Francesco vieux repense au sémillant Francesco jeune, remonte ses souvenirs d’antan et jauge sa vie d’aujourd’hui… des allers-retours temporels appuyés tantôt par un bleu fade et passé recouvrant les pages illustrant sa morne vie d’aujourd’hui, tantôt par un jaune à la fois vif et doux enluminant celles revenant sur ses joyeux souvenirs d’antan.
Ainsi, les auteurs nous racontent Francesco remontant ses souvenirs d’antan et jaugeant sa vie d’aujourd’hui, mais ce, sans jamais porter de jugement ni nous influencer, juste en dénouant d’une part les nœuds de son histoire magique mais impossible / magique car impossible avec Sophie, et en déroulant d’autre part sa non-romance avec celle l’a toujours aimé / malgré qu’elle l’ait toujours aimé.
Ainsi, les auteurs nous racontent Francesco remontant ses souvenirs d’antan et jaugeant sa vie d’aujourd’hui, et nous questionnent sur le cœur et la raison, sur la passion et le quotidien, sur les effets néfastes inévitables de la routine sur l’amour et sur l’amour qui perdure malgré l’inévitable routine… sur les regrets et les remords… et le risque qu’ils nous enferment dans une vie fantasmée nourrie de « et si ».
Comme si c’était arrivé, de Lorenzo Coltellacci & Tamara Tantalo (Ed. Sarbacane)