Will pense à sa fille, Wendy.
Il se lève le matin, erre dans son appart’, s’envoie distraitement un café… et pense à sa fille, Wendy.
A son pull rouge, que sa mère détestait mais que, elle, aimait tant.
Il sort de chez lui, part pour le boulot, et trace sa route machinalement… en pensant à sa fille, Wendy.
Wendy et son vieux pull rouge… Wendy qui a disparu il y a maintenant 10 ans.
Il croise ses collègues, rejette leur proposition d’aller boire un coup ensemble, et se met au travail, sans conviction… ses pensées s’envolant systématiquement vers sa fille, Wendy.
Wendy et son vieux pull rouge… Wendy qui a disparu il y a maintenant 10 ans… Wendy qui accapare toutes ses pensées depuis…
Il rentre chez lui, récupère son courrier sans vraiment y prêter attention, croise sa voisine sans vraiment lui échanger un regard, et se couche sans même penser à manger… trop occupé à penser à sa fille, Wendy.
Wendy et son vieux pull rouge… Wendy qui a disparu il y a maintenant 10 ans… Wendy qui accapare toutes ses pensées depuis… Wendy qui aimait tant les labyrinthes.
Il rêve… il rêve de Wendy… Wendy et son vieux pull rouge… Wendy qui a disparu il y a maintenant 10 ans… Wendy qui accapare toutes ses pensées depuis… Wendy qui aimait tant les labyrinthes… Wendy qui enfermée dans un labyrinthe ?!
Il est réveillé par son téléphone : au bout du fil, Wendy ! Wendy qui pleure, Wendy qui est enfermée dans un labyrinthe, Wendy qui le supplie de venir la chercher…!
Rêve ou réalité, Will ne le sait, mais il est sûr d’une chose : s’il subsiste la moindre chance qu’il revoit Wendy, alors il fera tout pour la retrouver !
Après nous avoir si délicieusement paumés dans la psyché multiple et tordue de Moon Knight lors de son mémorable run chez Marvel, le brillantissime Jeff Lemire revient à nouveau nous retourner les méninges avec son Labyrinthe Inachevé, alternant constamment entre rêve et réalité, cauchemar et folie, s’amusant à ne jamais nous indiquer lorsque le ténu fil (d’Ariane) entre les mondes parallèles sera ou non franchi. Seulement, les capes héroïques et les humains extraordinaires cèderont ici leur place aux vieux pulls rouges et aux humains extra-ordinaires pour un récit beaucoup plus humain, intime et touchant, traitant de la maladie, de la perte d’un enfant et de l’extrême difficulté du deuil qui s’ensuit.
Un récit aussi obsédant que bouleversant pour lequel Jeff Lemire reprend les pinceaux et pousse un cran au-dessus son style si particulier, son trait fin étant comme lâché sur le papier de manière frénétique et obsessionnelle, recouvert d’épais coups de pinceaux sombres et profonds qui viennent fouetter la page… et nos rétines. Notons également un malin travail sur les couleurs, alternant un lavis grisâtre et délavé pour dépeindre la morne vie que mène Will depuis la disparition de sa fille, et les aquarelles lumineuses et colorées qui réapparaissent comme par magie dès qu’il se plonge dans les souvenirs qui lui restent d’elle.
Un nouveau livre poignant et captivant par un Jeff Lemire qui confirme encore et toujours qu’il est sans conteste l’un des grands auteurs de sa génération.
Le labyrinthe inachevé, de Jeff Lemire (Ed. Futuropolis)