Mais dites-donc, ça fait pas un peu longtemps qu’on a pas parlé de Donjon, ici ?
Bon, j’avoue qu’en réalité, le sujet revient assez régulièrement, mais faut dire que d’une part, cette série reste aussi succulente qu’un tilapin que l’on laisse fondre doucement en bouche, et que d’autre part, depuis la reprise, les albums éclosent et fleurissent à foison !
Or donc, petit point Donjon !
En entrée, les chefs Sfar et Trondheim nous embarquent dans leur DeLorean pour un retour vers le futur du Donjon : avec le tome +10 001 de la série Antipodes, on retrouve Rubéus Khan, le canard vénère-tout-rouge, toujours prêt à démonter n’importe quelle mâchoire pour retrouver son fiston.
Et si l’époque lointaine de ce segment reste vague, la lecture de ce deuxième tome confirme cette douce nostalgie typique des années 80s/90s : après une ouverture mixant les buddy-movies et divers animés de notre enfance, l’influence principale de cette suite se révèle clairement être les films d’aventures de cette époque blockbusteresque bénie. La couv’ elle-même, déjà, prend forme d’un joli hommage à ce cher archéologue de notre cœur, et à l’intérieur, entre expéditions dans la jungle dangereuse, explorations de temples maudits, et déjouements de moult pièges mortels afin de récupérer une relique sacrée pour laquelle toute ressemblance avec une certaine Arche d’Alliance serait totalement fortuite, c’est un véritable festival de références au bon goût de madeleine !
Une nouvelle fois, le dessin cartoonesque de Vinz’ et son sens du découpage hyper-dynamique fait des merveilles, et c’est un immense plaisir de le voir s’accaparer et adapter à son style les grands classiques de l’univers de Terra Amata ; ce tome 10 001 s’amusant à relier les wagons avec la méta-histoire, que ce soit par les mythes et légendes du Donjon autant que via les (éventuels) descendants des personnages originels !
En plat de résistance, place aux saveurs d’antan avec le grand retour de Potron-Minet… et quel plaisir ! Troisième série originelle créée il y a 20 ans par Tronsfar, celle-ci nous proposait alors de revenir sur les origines du Donjon, et après les chevaleresques débuts de Hyacinthe de Cavallère sous les pinceaux virtuoses de Christophe Blain, l’incursion de Christophe Gaultier pour un opus illustrant la chute d’Antipolis, ou encore l’introduction du tout jeune Marvin dans le magnifique Monsters de Blutch, c’est aujourd’hui une époque charnière que nous découvrons en compagnie de Stéphane Oiry. Une époque où la métropole de Terra Amata est tombée, emportant avec elle la culture et l’érudition, la bienséance et l’honneur, laissant place à un monde barbare où la violence et le vol deviennent les seuls moyens de survivre… et quitte à violenter et voler, autant s’attaquer au château des Cavallère, en massacrer les occupants et s’emparer du trésor qu’il renferme ! Mais Hyacinthe ne l’entend pas ainsi, et s’il ne compte pas « finir ses jours enfermé dans une tour à protéger ce coupe-gorge géré comme une coopérative agricole » (sic), afin de protéger le château familial, il devra s’entourer d’une armée prête à le défendre. Ainsi, il recrutera le jeune Marvin comme garde du corps personnel, et en sa compagnie, partira en quête de redoutables monstres missionnés de dévorer quiconque oserait franchir les portes de ce qu’il convient désormais d’appeler… le Donjon.
Le choix de Stéphane Oiry pour illustrer cette époque toute particulière se révèlera des plus pertinents, tant son encrage épais et ses nombreuses hachures qui viennent recouvrir les visages et les décors semblent parfaits pour illustrer aussi bien cette période sombre que la noirceur qui envahit Hyacinthe au fur et à mesure qu’il devient le Gardien ; mais aussi car son trait saura se montrer beaucoup plus léger et fun sur les scènes plus humoristiques ou lorsqu’il s’attaque aux bonnes grosses tronches de ceux qui deviendront nos personnages fétiches peuplant le Donjon lors des incroyables débuts de l’époque Zénith !
A la lecture de ces deux nouveaux albums, nous ne pouvons qu’être épatés de voir à quel point – et avec quel plaisir apparent – Lewis et Joann se placent en véritable architecte de Donjon, comblant petit à petit « les trous » de la méta-histoire tout en continuant encore et toujours d’enrichir l’Histoire de Terra Amata.
* Le coffre aux âmes (Donjon Antipodes, Tome +10 001), de Vince, Sfar & Trondheim (Ed. Delcourt)
* Survivre aujourd’hui (Donjon Potron-Minet, Tome -82), de de Oiry, Sfar & Trondheim (Ed. Delcourt)