Lorsque les créateurs du Donjon annoncèrent la reprise (ô joie !) de leur légendaire et tentaculaire série, quelle ne fut pas notre surprise en découvrant une nouvelle déclinaison baptisée « Antipode – » narrant les origines lointaines de Terra Amata, prenant place – approximativement – 10 000 tomes avant les bouquins de la série originelle. Surprise encore plus grande quand ces deux fou-fous dévoilèrent dans la foulée un tome +10 000, premier opus de l’époque « Antipodes + », narrant cette fois-ci le futur tout aussi lointain de Terra Amata !
Qui dit nouvelle époque, dit nouveaux perso’… et nouvelle ambiance !
Ici, nous suivrons les aventures de Robert Vaucanson, pauvre canard râleur et loseur auquel le vieil oncle riche et rachot (toute ressemblance serait fortuite) refile un boulot de merde dans sa gigantesque usine de robots histoire de nourrir à peu près convenablement son gamin. Une situation pas bien glorieuse qui se dégradera encore lorsque, de délations en viles trahisons, le pauvre Robert se retrouvera condamné à 30 ans de réclusion pendant que son gamin sera placé en foyer. Pourtant, pas décidé à baisser les bras -qu’il a fort musclés, d’ailleurs – Robert, d’évasions en douteuses associations, se battra comme un canard enragé pour assouvir sa soif de vengeance et retrouver son fiston !
Côté ambiance, bien loin de la fantasy ou des récits de cape et d’épée des premiers Donjon, nous voici plongés en pleine époque (plus ou moins) contemporaine, avec des gratte-ciels, des voitures, des flingues… et même des robots, donc. A nouvelle époque, nouvelles références : le ton de ce tome tire allègrement vers les buddy-movies des années 80’s – avec moult bastons et punchlines cocasses – tout en flirtant avec divers genres comme le polar noir – featuring les gros mafieux et la fameuse voix off – ou, plus étonnant, les films de genre japonais où d’immenses jeagers – aux faux airs de Goldorak ou autre Mazinger Z – affrontent des kaijus venus des entrailles de la Terre !
Et pour une telle approche, quelle grande idée d’avoir confié le dessin à Vince : n’hésitant pas à mélanger les influences, il offre à Robert – a.k.a Rubéus Khan – un look à la Donald bien vénèr’ aux bras de Popeye sous épinards transgéniques et au p’tit marcel à la John Mc Lane, balancé dans un tourbillon d’action mis en scène via un découpage dynamique n’ayant rien à envier aux comics US.
Nouveaux perso’, nouvelle ambiance, nouveau délire, donc, pour un nouveau Donjon à la croisée d’un Die Hard et d’un Pacific Rim ; ô combien pêchu et qui défouraille sévère, peut-être un poil dense et par conséquent étriqué dans ce format 48 pages, mais qui pose des bases solides pour ce tout nouvel univers… et donne lieu à mille et une théories fumeuses aux fans désireux de relier les wagons avec la grande (pré)Histoire du Donjon !
Rubéus Khan (Donjon Antipodes +10 000), de Vince, Joann Sfar et Lewis Trondheim (Ed. Delcourt)