Du parodic-fantasy Donjon à la SF eighties de Density 8 en passant par le western de Texas Cow-Boys, ses relectures aussi fidèles que personnelles de Mickey, ses oubapiennes parutions à l’Asso’ ou son protéiforme Lapinot, Trondheim a su nous surprendre plus d’une fois en se frottant à maints styles tous plus différents les uns que les autres… et aujourd’hui, notre bon Lewis ajoute encore une nouvelle corde à son arc grâce à Karmela Krimm, sa nouvelle série intégrant la collection Troisième Vague des éditions du Lombard.
Nouveaux perso’, nouveau lieu, nouvelle ambiance : exit les lapins, les donjons, et l’humour scato-rigolo, dans Karmela Krimm, nous suivrons l’héroïne éponyme dans les rues de Marseille pour une enquête tendue et musclée !
Karmela, c’est une ancienne inspectrice à qui tout réussissait… jusqu’à ce qu’une sombre histoire de proxénètes albanais la contraigne à quitter les rangs de la police afin de sauver la peau de sa coéquipière, quitte à sacrifier la sienne. Désabusée et blasée, elle devient alors détective privée à la petite semaine, menant sans entrain des missions peu glorifiantes consistant à prendre en photo des maris adultères. Pourtant, sa réputation d’ex-flic pugnace et au caractère bien trempé finissant par la rattraper, elle se voit approchée par la femme de feu le chef de la pègre locale lui proposant d’enquêter sur la mort de son mafieux de mari. Hésitante face au danger que présente une telle requête, elle se retrouve bon gré mal gré associée à Tadj, un bon gars aussi sage que cultivé, diplômé d’une école de commerce… mais dont la carrure et l’allure imposante l’ont poussé à devenir garde du corps histoire de gagner sa croute pour nourrir femme et enfants !
De là, s’ensuit une enquête relativement classique, où le duo pas forcément assorti finira par s’apprécier au fur et à mesure que les péripéties – et les bourre-pifs – s’enchainent. Et si la trame principale tire les grosses ficelles du polar teinté de buddy-movie, le talent des auteurs aux manettes suffira à rendre lesdites ficelles bien plus attrayantes que redondantes. Lewis se fera un malin plaisir à s’approprier des thèmes urbains et sociétaux relativement loin de ceux qu’ils traitent actuellement – meurtres, corruption, embrouilles de cités – non sans y appliquer son sens acéré des dialogues et son humour acerbe, même s’il sera ici plus adulte et mature qu’à l’habitude. Franck Biancarelli, lui, grâce à un style très réaliste cherchant son inspiration du côté des comics, s’en donnera à cœur joie en alternant cartes postales marseillaises hyper-détaillées et bonnes bastons à l’ancienne où fusent les coups de tatanes !
Cerise sur le gâteau, même si cet album représente le premier tome d’une nouvelle série, l’enquête qui s’y déroule sera résolue à la fin de celui-ci ; chaque tome – bien que mettant en scène les mêmes personnages et suivant l’évolution de leurs relations – se voulant indépendant afin que le lecteur n’ait pas à attendre plusieurs années avant de connaitre enfin la conclusion de l’histoire.
Alors, allez-vous embarquer sur la banquette arrière de Karmella pour un stage d’observation en immersion dans les quartiers de Marseille ?
* Ramdam Blues (Karmela Krimm, Tome 1), de Lewis Trondheim & Franck Biancarelli (Ed. Le Lombard).