– Black Badge, de Matt Kindt, Tyler & Hilary Jenkins –

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« Autrefois le terme scout désignait ce qui faisait le guet pour les autres. Nous avons un peu élargi le sens du mot. »
Manuel du boy-scout, 1911.

Une définition qui a en effet bien été élargie depuis : non content de faire le guet, les scouts ont ensuite aidé les vieilles dames à traverser la rue, vendu des gâteaux secs à nos portes, joué de la flute dans les bois et tourné un film avec Gérard Jugnot ! Certes, je grossis un peu le trait, mais il faut bien avouer que l’image du scout reste pour tous un peu désuète pour ne pas dire carrément poussiéreuse et dépassée. Pourtant, les scouts que nous suivrons en ces pages sortiront bien vite des sentiers (forestiers) battus, et s’il est coutume que nos p’tits bonhommes en short s’agitent en tout sens pour obtenir les fameux badges de mérite, il en sera de même pour ceux-ci… à la différence près qu’au lieu du badge « apprendre à faire un feu », ils se verront décerner « apprendre à faire un feu de forêt », puis « allumer un incendie criminel », suivi du très utile « nettoyer une scène de crime ».

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Vous l’aurez compris, avec ces Black Badge, on passe un cran au-dessus : sorte de militaires en culottes courtes hyper-entraînés par les services secrets, ces scouts – transformés en véritables armes fatales – sont envoyés par le gouvernement américain sur de dangereuses missions dans les contrées au contexte géopolitique sensible où une poignée « d’innocents gamins en mode touriste » attire beaucoup moins l’attention qu’une escouade de soldats surarmés. En jouant la carte du « pardon m’sieur on s’est perdu pendant une épreuve d’orientation », ils pourront donc aisément passer de la Corée du Sud à la Corée du Nord pour faire y sauter un camp secret, se balader jusqu’à une prison au fin fond du désert sibérien pour y déclencher une émeute, ou faire traverser pépouze la frontière pakistanaise à un espion ricain coincé en Afghanistan…

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Grâce à un trait incisif et acéré comme « jeté » sur les décors à l’aquarelle et un découpage en chapitres permettant d’éluder les transitions et d’enchaîner sans temps morts, cet épais album se présente d’emblée comme un efficace « page turner », compilant les missions bourrées d’action à un rythme effréné… pour finalement, grâce à un malin jeu de flashbacks et d’éléments récurrents, laisser apparaître en filigrane un fil conducteur reliant les missions entre elles et tissant petit à petit une histoire au long cours bien plus complexe et intense qu’on ne le présageait.

Sorte de Club des Cinq version « dark » ou Mission Impossible version ado’, usant d’armes à la croisée de Pif Gadget et James Bond – mention spéciale aux cookies à la fraise bourrés de C4 pour mieux faire exploser la cage thoracique des ennemis – Black Badge alternera entre un premier degré naïf et décomplexé, et une certaine noirceur tant dans les contextes que les sous-textes pour nous offrir une grande aventure aussi fun qu’intrigante !

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* Black Badge, de Matt Kindt, Tyler & Hilary Jenkins (Ed. Futuropolis)

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