Donjon est mort, longue vie au Donjon !
Après une looooongue absence de plusieurs années ponctuée par un soubresaut sous forme de deux ultimes albums, la série Donjon – mythique monstre tentaculaire de Trondheim & Sfar – rendait son dernier souffle en 2013, au grand désespoir de ses fans désormais orphelins…
Des fans conquis par cette série sans pareil qui a su nous enchanter tout au long de 15 fabuleuses années pendant lesquelles nous avons pu suivre les tribulations du Donjon et de ses hôtes sur plus de 30 albums, numérotés de -400 à 111 et s’étalant sur 5 différentes époques, et illustrés par une hallucinante ribambelle de dessinateurs ; parmi lesquels des noms aussi prestigieux que Larcenet, Blain, Killofer, Andreas, Blutch, Blanquet, Mazan, ou encore Carlos Nine !
Des fans meurtris donc, mais qui retrouvèrent pourtant l’espoir, quand, via la diffusion sur Twitter d’un petit dessin faussement innocent croqué à la va-vite sur une nappe en papier, ces deux taquins d’auteurs annonçaient qu’ils travaillaient en secret depuis deux ans sur la résurrection du Donjon !
Une résurrection – qui plus est – qui ne se contentera pas d’un unique et dernier album, mais s’orchestrera autour de plusieurs publications venant compléter non seulement les 5 séries principales, mais offrant également – soyons fous – deux nouvelles époques aux tomes numérotés de -10 000 à +10 000 !
Un album au Zénith
Et pour reprendre en fanfare, retour du canard un poil couard, du lézard roi de la bagarre… et des rimes en « ar » avec Hors des remparts, septième album de la série Zénith.
Lors du tome précédent, nous laissions notre pauvre Gardien dépossédé de son Donjon par l’infâme Delacourt, se retournant les méninges afin de fomenter le plan parfait pour récupérer son bien… et puis, plus rien : pause de 12 ans ! Quel bonheur, alors, de connaître enfin la suite des trépidantes tribulations du truculent trio : missionnés par le Gardien, Herbert, Marvin et Isis s’embarquent donc dans de nouvelles aventures parsemées de baston, de magie et de vannes aussi « fleuries » que bien placées… preuve que l’humour grivois et un poil scato’ sait également rimer avec finesse et dextérité d’écriture !
Aux crayons, on retrouve Boulet, déjà au poste pour les deux opus précédents et toujours aussi à l’aise sur l’exercice : son trait est idéal pour ce genre de bouquin ; le bonhomme excellant autant sur les bastons à l’épée, les coups de lattes en pleine tronche et les « tong deum » magistraux que sur les lieux divers et variés traversés par les personnages au cours de leur périple.
Du neuf avec du vieux
Ne voyez rien de péjoratif dans l’accroche ci-dessus : loin de moi l’idée de sous-entendre que les scénaristes nous resservent encore et toujours la même soupe, bien au contraire : en explorant le passé trèèèèèèèèèès lointain du Donjon, les lascars évitent de tourner en rond ou de s’endormir sur leurs lauriers.
Avec cette nouvelle série, nous voilà donc en -10 000 avant DZ (Donjon Zénith, quoi), à suivre deux mignons p’tits toutous ayant perdu leur maître sur le champ de bataille lors de la grande guerre opposant les orques aux elfes. Des orques, des elfes et des petits toutous ? Et pourquoi pas des hommes, tant qu’on y est ! Hé bien, il y en aura aussi, figurez-vous ! Et si les protagonistes de cet album se révèlent en effet bien loin du bestiaire habituel de l’univers donjonesque, on réalisera au fil des pages, que l’on est pourtant tout-à-fait dans un nouvel album du Donjon : comme chaque « sous-série », celle-ci aura un ton qui lui est propre – avec ici un humour teinté d’une certaine noirceur liée à l’époque de barbares durant laquelle elle se déroule – mais à part ça, on retrouve bien tous les éléments caractéristiques du Donjon, à commencer par ce sens du dialogue délicieux et ces répliques qui font mouche à tous les coups, mais aussi parce qu’en filigrane, c’est toute la mythologie du Donjon qui s’installe petit à petit. Pour éviter tout divulgâchis intempestif, je prendrai pour unique exemple ces petits champignons bleus que l’un des chiens cache dans son foulard et qui donnent à qui les ingurgite le pouvoir du « ventre qui jaillit » !
Et pour illustrer une histoire dont les héros sont des chiens, qui de mieux que Grégory Panacionne qui, après avoir réalisé un très bel album sur son fidèle, canin et éponyme ami Toby, s’est débrouillé pour le caser dans la quasi-totalité de sa bibliographie ?! C’est donc avec un plaisir réellement visible sur le papier qu’il rejoint l’aventure Donjon tant il offre à ses deux personnages une myriade d’expressions mixant pile-poil ce qu’il faut de l’Homme et de l’Animal… qu’il s’agisse de la subtile réflexion à la joie intense avec langue-qui-pend-connement-sur-le-côté ! Parfait, tout simplement !
Vous l’aurez compris : si un unique mot devait résumer ce fabuleux retour, ce serait donc « plaisir ». Plaisir évident des deux créateurs de rouvrir leur antique coffre à jouets, plaisir flagrant des dessinateurs de (re)prendre part à ce fol univers, et plaisir du lecteur – par conséquent – ravi de retrouver tout ce qui fait l’essence de cette grande série… avec, en plus, une bonne dose de nouveautés ! Un plaisir qui n’est pas près de s’éteindre, qui plus est, vu que 5 autres albums se profilent déjà à l’horizon avec du Parade, du Potron-Minet, du Crépuscule, un Monsters illustré par l’immense David B… et le premier tome de la seconde nouvelle série se situant en 10 000 après DZ, dessinée par Vince, mettant en scène un canard en marcel armé d’une clé à molette et nous relatant la lointaine, obscure et mystérieuse époque post-Donjon ! Vivement !
* Hors les remparts (Donjon Zénith 7), de Boulet, Sfar & Trondheim (ed. Delcourt)
* L’armée du crâne (Donjon Antipodes -10 000), de Panacionne, Sfar & Trondheim (ed. Delcourt)
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