Février 2011, je me prenais le premier numéro de DoggyBags comme une putain de bonne grosse claque dans ma p’tite gueule.
Février 2017, c’est le cœur serré (et les tripes toutes retournées) que je referme le treizième et ultime tome de la série.
En six ans, Run a créé une véritable institution et révélé un nombre impressionnant de jeunes auteurs devenus maintenant des incontournables, à commencer par Singelin – présent dès le premier tome et dont le talent n’est aujourd’hui plus à prouver tant il a régalé nos rétines sur de nombreux titres, The Grocery en tête – ou Mathieu Bablet, qui nous a offert cette année un monument avec son magnifique Shangri-la.
Et plutôt que de sortir le « numéro de trop », celui un peu en deçà, celui qui déçoit, Run s’offre un dernier baroud d’honneur avec ce treizième tome au top !
Bien sûr, on y retrouve tout ce qui a toujours représenté l’âme du concept : les fausses pubs et coupons VPC bien barrés, les « le saviez-vous ?» qui creusent et développent les thèmes abordés, le poster à déplier qui claque-sa-race, les beaux visuels et une maquette aux p’tits oignons, et – évidemment – les trois histoires bien violentes qui nous retournent la tête !
Trois histoires qui – loin de se répéter – parviennent encore et toujours à jouer sur de nouvelles horreurs, s’imaginant ici une milice – une armée ? – constituée des victimes d’affaires trop vite classées qui se rendent justice à coups de haches et de butoirs ; s’inspirant de la coulrophobie qui s’était emparée des foules suite au histoires de clowns tueurs qui pullulèrent sur le net aux environs d’Halloween 2014 ; ou mettant en scène un véritable massacre sur Time Square comme macabre écho aux attaques terroristes frappant le monde actuellement… et aux conneries de théories du complot qui en découlent !
Trois histoires qui exploitent donc nos peurs les plus profondes et nos travers les plus malsains, les légendes urbaines les plus gores et les actualités les plus morbides, pour compléter un catalogue des terreurs déjà bien gonflé par les atrocités des 12 numéros précédents !
Pourtant, au-delà des « suspens, frissons, horreur » promis sur la couv’, cet ultime opus laissera également s’échapper comme un soupçon de douce nostalgie et de mélancolie, l’envie de s’offrir un dernier tour de piste de toute beauté au moment de raccrocher les crampons. Ainsi, une poignée de bonus supplémentaires viendra encore s’ajouter à la longue liste citée ci-dessus, titillant les souvenirs de jeunes amours doggybagsiennes ; que ce soit en rappelant les cadors d’alors (hop, un Maudoux pour une histoire de mafia en 5 pages aussi rapide et efficace qu’une balle entre les deux yeux ; hop, un Guillaume Singelin pour illustrer une nouvelle sanglante écrite par papa Run), en pointant le fait qu’un des scénarios de ce numéro fut engendré par l’esprit dérangé d’un fan repéré via le courrier des lecteurs du Tome 8, en nous gratifiant d’un cahier graphique regroupant des croquis de la tripotée d’auteurs ayant intégré la bande, ou encore en imaginant une série de nécrologies en hommage aux nombreux personnages sacrifiés tout au long de l’aventure DoggyBags…
Avec tant de belles attentions et ce titillement intense de la corde sensible, serait-ce donc la larme à l’œil que nous tournerons la dernière page de ce dernier tome dont le dernier mot serait un « adieu » tombant tel un couperet ?
Que nenni, car un petit paragraphe ô combien rassurant nous informer que si la série prend fin sous sa forme originelle, elle donne naissance à deux autres concepts dans la même lignée : « DoggyBags présente », un recueil d’histoires courtes gravitant autour d’un thème commun, et « DoggyBags One Shot », qui insufflera l’esprit de la série à un seul et long récit emballé dans un bel album cartonné et grand format !
Amateurs de pulps sanglants et de séries Z flippantes, c’est donc d’une seule et même voix que nous pouvons désormais clamer haut et fort : « DoggyBags est mort, vive DoggyBags ! »
DoggyBags #13, dirigé par Run (ed. Ankama Label 619).
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