Chroniques de nulle part… et de personne, d’ailleurs.
« Nulle part », car la ville où lesdites chroniques prennent lieu ne sera jamais réellement citée, ni aucun détail un poil plus appuyé afin de nous glisser un léger indice.
« Personne », car les protagonistes de ces différentes chroniques n’auront pas de nom, ni de vie ou d’histoire… enfin, si, bien sûr, mais rien de bien concret à se mettre sous la dent. On assistera donc chaque fois à un instantané (un peu grisâtre), une tranche de vie (pas très joyeuse) d’un pauvre hère sur lequel les auteurs s’arrêteront un court moment afin de nous relater sa situation à un moment bien précis, sans revenir sur ce qu’il a vécu auparavant ni dévoiler ce qui l’attend par la suite.
Le seul point commun entre chacun de ses protagonistes, sera le désarroi, la détresse, le désespoir dans lequel ils se trouvent au moment où l’on s’intéresse enfin un peu à eux.
Ca, et la ville dans laquelle ils évoluent, finalement. Cette ville fantôme devenant petit à petit le fantôme de leur passé qui leur colle méchamment aux basques. Un théâtre commun dans lequel se déroule la tragédie de leurs vies… la tragédie de leur vie.
Oui, « leur vie », car s’ils sont pluriels leur destin – singulier – se révèlera n’être qu’un : petit à petit, telle les pièces d’un puzzle, leurs histoires se croiseront, se mêleront, s’emmêleront pour dépeindre le bien triste tableau de ce putain de bled.
Un tableau que Rica illustre d’un trait fin et dur, à la fois torturé et précis, à la limite du réalisme s’il n’insistait pas tant sur les détails les moins avenants, mettant constamment en avant les pires aspects des personnages et des lieux.
Et si des couleurs viennent se poser sur ces pages que l’on a tout d’abord pu découvrir en noir et blanc dans le magazine AAARG, leurs teintes ocres et pâles ne viendront en rien amener quelque lumière dans la noirceur de ce récit, insistant au contraire sur l’aspect cradingue et presque monochrome des lieux.
Glauque, violent, sombre, poisseux…
…déprimant, ce bouquin ?
Oh que non ! Non seulement car l’album regorge de qualités narratives, tant au niveau visuel que scénaristique, mais également grâce au message teinté d’espoir et d’humanisme qui persistera une fois la dernière page tournée, prouvant que de jolies fleurs peuvent parfois éclore dans la fange.
Chronique(s) de nulle part, de Pierrick Starsky & Rica.