– Vacuum, de Lukas Jüliger –

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Lundi.
Un jeune ado’ sort de chez lui. Il se roule une clope et part pour l’école.
Les rues sont désertes, à part Ben Fimming qui trimballe son matelas sur le dos.
Pendant le cours de gym, peu passionné par le tournoi de balle au prisonnier, le jeune ado’ rejoint son meilleur ami, Sho.
Sho lui tend sa lampe de chevet, sans plus d’explications. Faut dire que depuis qu’ils ont tenté de se défoncer en infusant cette plante dégotée sur internet, Sho est neurasthénique : il ne parle plus, ne bouge plus, se pose dans un coin sans ne plus jamais réagir à quoi que ce soit… sauf lorsqu’il est pris par une de ses crises de folie destructrice et ressent le besoin de réduire en morceau tout objet le rattachant à sa vie d’avant.
En fait, le seul fait marquant de cette journée sera le rencard que lui propose cette jolie inconnue qu’il avait croisée plus tôt dans la forêt sans oser lui parler. Un rendez-vous des plus agréables, d’ailleurs… dommage qu’après quelques heures, la jolie inconnue le plante comme un con et se sauve sans rien dire !

Vacuum 1

Mardi.
Enfin un peu d’agitation dans cette ville sans vie ! Qu’est-ce qui peut bien exciter ce petit monde d’habitude si morne ?
Hier soir, Ben Fimming – le gentil et discret Ben Fimming – a séquestré et violé la plus belle fille du lycée, celle que tout le monde convoitait… celle que son frère avait filmée par-dessous la porte des toilettes, lui valant de se faire expulser du lycée.
La fille, son père l’a retrouvée complétement déshydratée accrochée au radiateur ; Ben Fimming, on retrouva son corps sans vie allongé sur le matelas qu’il avait déposé la veille dans la forêt. Un suicide bien organisé, apparemment, et un viol tout à fait prémédité, donc.

Ainsi, jour par jour, Lukas Jüliger nous raconte la dernière semaine (Avant la fin des cours ? Avant la fin du monde ?) d’un trio d’adolescents gravitant dans une triste ville-dortoir, essayant d’échapper à la monotonie – la médiocrité ? – de leur quotidien grâce à la drogue, la pornographie, la violence…
…à moins que l’amour ne soit l’alternative, qui sait ?!

Vacuum 2 Vacuum 3

Un récit sur l’ennui et le désespoir, au rythme lent et lancinant, et pourtant envoûtant au plus haut point. En jouant au maximum sur les sensations – la chaleur caniculaire d’une journée d’été, le parfum entêtant de la jolie inconnue, la moiteur de leurs corps pendant leur ébats – l’auteur pousse l’identification à un point quasi’ organique, ne pouvant en aucun cas laisser le lecteur indifférent.

Des sensations qu’il nous transmet également par le dessin, son trait fin et délicat traduisant d’une part la fragilité de ces jeunes êtres à fleur de peau, et la surabondance de ces traits insufflant d’autre part cette omniprésente sensation d’étouffement et d’oppression. Le sublime travail sur les couleurs appuie encore davantage l’aspect troublant et déroutant de cet album, ne sachant si l’on doit qualifier ces teintes de douces et pastelles, à l’image des sentiments liant nos deux adolescents, ou de délavées et passées, tristes et mornes comme la vie de chacun dans cette bourgade.

Un sens de la narration et un esthétisme aussi subtils que puissants au service d’une chronique sur le mal être adolescent à la fois effrayante et terriblement attrayante.

Vacuum

Vacuum, de Lukas Jüliger (ed. Rackham).

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