Le brigand du Sertao…
…ou plutôt « LES » brigands du Sertao, devrait-on dire, car vous verrez qu’en ces rudes et lointaines contrées du Brésil, on croisait alors du mauvais garçon plus que de raison : Antonia Mortalma, si monstrueux qu’on le qualifiait de fils de Satan voire de Satan himself ; Manuel Grande, adepte d’une justice dictée du bout des pistolets ; l’abject chef de cette grande famille terrienne et ses rejetons aussi peu recommandables que lui ; et surtout ce haut gradé de l’armée Fédérale, sensé représenter l’ordre et l’Etat qui s’avérera finalement être le pire de tous !
Pléthore de fortes figures, donc, que l’on découvrira grâce à une succession de petites historiettes leur étant consacrées, chacune relatée par un narrateur différent apportant alors sa sensibilité et son propre point de vue quant au bonhomme concerné, le présentant parfois comme un héros ou un guide, d’autres fois comme un tyran ou un monstre…
Des courts récits à première vue indépendants les uns des autres, mais dans lesquels les divers personnages parcourant le Sertao finiront forcément par se croiser, et donner ainsi du liant à tous ces contes pour former finalement une grande fresque, à la manière d’un Gabriel Garcia Márquez et de son génial Cent Ans de Solitude.
Garcia Márquez qui nous venait d’ailleurs à l’esprit en lisant le magnifique Julio de Gilbert Hernandez, et Gilbert Hernandez qui nous vient également à l’esprit ici lorsque l’on se délecte de cette jolie ligne claire épaisse et ronde. Une ligne claire mêlant habilement la nostalgie des vieux comics d’antan à une modernité certaine, non sans rappeler le côté très stylisé et élégant de notre Brüno national.
Le brigand du Sertao est donc un fort beau livre, sur le fond comme sur la forme, nous faisant voyager dans l’espace et dans le temps pour nous conter les charmes de ce Brésil des années 20, libre et sauvage, à l’époque où les traditions et les légendes engendraient ces grands hommes qui encore aujourd’hui nous font vibrer… que ce soit de plaisir ou d’effroi !
Le brigand du Sertao, de Flavio Colin & Wellington Srbek (ed. Sarbacane).