– Julio, de Gilbert Hernandez –

Julio, comment il naquit, comment il vécut, comment il mourut… quel programme !
C’est pourtant ce à quoi s’attaque Gilbert Hernandez avec ce bel album : la vie toute entière d’un homme, de son premier cri à son dernier souffle.
Et d’un homme centenaire, qui plus est !
D’un homme centenaire, d’ailleurs, mais aussi de ses parents, son oncle, son frère, sa sœur, ses neveux et nièces, et même des enfants de ces derniers !
Et pour aller encore plus loin, j’ajouterai qu’à travers cette petite famille et toutes ses histoires, c’est un siècle entier et toute son Histoire qu’il déroule sous nos yeux ébahis !

« N’en jetez plus », me direz-vous, « jamais je ne pourrai acquérir les nombreux tomes nécessaires à une telle saga ! »

« Détrompez-vous », vous répondrai-je, « un seul et unique livre suffira à couvrir cette histoire, ces histoires, et ce siècle d’Histoire ! »

Et c’est là le tour de force de Gilbert Hernandez : ces cent ans d’histoire(s), il nous les raconte en 100 pages, pilepoil, pas une de plus !
Grace a un sens de l’ellipse incroyable doublé d’une volonté de ne pas considérer le lecteur comme plus bête qu’il ne l’est, l’auteur se permet de grands sauts dans le temps pour ne s’arrêter que sur des étapes clés, et jamais ne se perd dans des explications longues et pompeuses. Un petit détail par ci par là, deux minuscules bulles de dialogue, un simple regard ou juste un non-dit… pas besoin d’esbroufe pour situer le contexte ou transmettre un sentiment ! A nous de savoir nous attarder sur les quelques cases que distille Hernandez pour saisir l’époque a laquelle se joue l’action et les sentiments qui habitent les personnages.

En cent pages seulement, nous parcourrons donc l’histoire de d’une famille sur plusieurs générations sans jamais s’attarder sur les états d’âme de chacun, assisterons à pas moins de quatre grandes guerres sans jamais entrevoir un champ de bataille, serons confrontés à l’atrocité de la pédophilie sans jamais sombrer dans le sordide, témoignerons des horreurs de la ségrégation sans jamais tomber sur un panneau contre les « colored people », revivrons l’apparition de ce fléau qu’est le SIDA sans jamais croiser un seul séropositif, ou encore suivrons l’évolution des mœurs vis-à-vis de l’homosexualité sans jamais lire un seul mot de propagande pro’ ou anti-gay…
…et c’est pourquoi ces cent petites pages, je les qualifierais volontiers de grande fresque bien maline !

Julio, de Gilbert Hernandez (ed. Atrabile).