« Mazette, c’est à vous ces jolis yeux ?! » –> [rateau]
« Vas-y, tu m’files ton zérocisse ? » –> [rateau]
« Tu es comme le vent qui fait chanter les violons et emporte au loin le parfum des roses » –> [rateau]
..
« Bonjour, c’est pour un sondage… voudriez-vous coucher avec moi ? » –> [rateau]
« J’vous paye un verre ? » –> [rateau]
« Tu danses ? » –> [rateau]
« Mademoiselle…? » –> [rateau]
Raaaaaah, mais bordel, c’est pas possible ! Pourquoi quasi-systématiquement, à peine leur a-t-on adressé la parole, à peine même avons-nous seulement osé poser les yeux sur elles, les filles nous rembarrent-elles aussi sec !?
Est-ce du à notre technique d’approche ? A notre physique ?
Ou peut-être, à l’inverse, est-ce du à leur physique à elles ? Je veux dire, si l’on s’attaquait plus volontiers à une moche ou une grosse, aurions-nous autant de refus si catégoriques ?
Peut-être pas, mais du coup, je m’demande : si on se dirige plus vers le canon que vers sa copine moche (sauf quand on joue la carte du « j’approche de la moche pour pécho’ la bombasse »), est-ce vraiment une histoire de goûts personnels, ou purement et simplement par rapport au regard que les autres porteront ensuite sur notre couple ?
Autant de questions que se pose Thomas au cours de ses pérégrinations amoureuses… fréquemment ponctuées d’échecs !
Qui est ce fameux Thomas ?
Thomas est l’archétype du Mâle Occidental Contemporain : ni top-modèle ni laidron, ni tchatcheur professionnel ni timide invétéré, ni pété de thunes ni clodo’, ni jeune branchouille lecteur de Télérama ni vieux geek accro’ à jeuxvideo.com, ni bobo de gauche ni connard de droite…
En fait, Thomas, c’est un peu ce gars que vous avez croisé hier en soirée, ce mec qui s’est assis à côté de vous dans le bus ce matin, le pote de votre pote qui vous a rejoint le temps d’un café… et puis, avouons-le : Thomas, c’est aussi un peu vous et moi, messieurs !
Mais attention, si, moi, je m’adresse aux messieurs, le bouquin, lui, s’adresse également aux femmes !
Parce qu’en ces pages, je peux vous dire qu’il y en a une sacrée tripotée, de femmes !
De la voisine un peu nympho’ à la timide coincée du cul en passant par la féministe militante, c’est une belle brochette de portraits féminins que nous aurons le plaisir de voir défiler sous nos yeux…
…toutes différentes, mais toutes aussi succulentes les unes que les autres !
Plaisir d’autant plus grand que cette myriade de personnages prend idéalement corps sous le crayon de Clément Oubrerie ; aussi à l’aise pour leur apporter cette expressivité et cette gestuelle à la fois comique et si juste, que pour les faire évoluer dans un Paris contemporain bourré de ces petits détails qui caractérisent tant notre époque !
Alors oui, on pourrait critiquer l’absence de réel scénario, avancer que cette suite de sketchs ressemble un peu à un catalogue, que ce catalogue déborde de clichés, et que ces clichés sont parfois à la limite de la misogynie… ou alors, on peut aussi prendre ce bouquin comme une simple comédie de mœurs s’amusant avec les codes actuels, grinçante mais pas bien méchante, agréable et tout à fait dans l’air du temps !
Mâle occidental contemporain, de Bégaudeau & Oubrerie (ed. Delcourt – Mirages).