* Pour ceux ayant manqué le début : chronique du génial Tome 1, ici.
En octobre dernier, les éditons Rackham nous offraient l’un des plus beaux livres de 2012 avec le premier tome du Héros, de David Rubin, une relecture originale et hyper-moderne du mythe d’Héracles, doublée d’un magnifique hommage aux comics de Super-Héros.
C’est donc avec une folle impatience que nous attendions le livre second, clôturant cette magnifique épopée débutée il y a un an…
…et notre attente est aujourd’hui grandement récompensée !
Reprenant l’histoire là où nous l’avions laissée, c’est un Héraclès radieux que nous retrouvons dans les premières pages de cet album : au meilleur de sa forme physiquement comme moralement, notre héros est à la fois craint par ses adversaires et adulé par ses pairs.
Comblé par sa vie douce et agréable, le brave homme se laisse même séduire par l’idée d’une vie des plus ordinaires, prenant du bon temps auprès d’une femme aimante, choyant leurs deux beaux enfants au sein d’un foyer accueillant et chaleureux…
Malheureusement, rien n’est jamais vraiment rose, et dans l’ombre, une Héra pétrie de haine orchestre sa terrible vengeance. Une nuit, envoutant le puissant homme, elle le pousse à tuer sa famille de ses propres mains, dans une explosion de violence pure et crue.
Quand il réalise avec effroi l’acte infâme qu’il vient d’accomplir, Héraclès sombre dans la dépression. Exit le héros valeureux, reste un homme brisé noyant son chagrin sans fond dans l’alcool, la drogue, le sexe, et la violence… se transformant petit à petit en un de ces monstres qu’il s’affairait justement à combattre corps et âme.
Une question se pose alors à lui : « Qui sauvera le monde de toi-même, Héraclès ? »
Conscient de sa déchéance, il s’exile aux confins du monde connu, bien décidé à se faire oublier de tous, et prêt à souffrir éternellement, affrontant seuls ses fantômes.
Et s’il accepte finalement de sortir de sa longue retraite afin de mettre fin au chaos s’étant installé en son absence, Héraclès ne sera plus jamais le même.
C’est donc un homme désabusé, accablé, rongé par la culpabilité et la douleur, qui renfilera son costume de héros, n’accomplissant plus ses exploits pour la gloire, mais bien pour la rédemption.
Celui qui ne vivait que pour l’action prendra désormais le temps de la réflexion.
Il réalisera combien les dieux sont arrogants et égocentriques, prétextant le bonheur des hommes pour les soumettre à leurs règles, transformant ainsi notre monde en un plateau de jeu pour satisfaire leurs caprices.
Il réalisera combien les monarques sont lâches et égoïstes, prétextant le bonheur de leur peuple pour satisfaire leurs propres intérêts, transformant ainsi nos semblables en une cour corvéable à merci.
Ainsi, lorsque le premier tome se moquait gentiment et avec humour de notre société à la botte des média et prompte à la starification de ses idoles, le second véhicule un message bien plus acerbe et virulent, diatribe à peine déguisée contre les religions et les dictatures.
Mais attention, si le ton change, cet opus n’oublie pas pour autant ce qui faisait le charme du premier livre. Les anachronismes succulents mixant juste ce qu’il faut de mythologie d’antan et de technologie de demain, les références à la subculture à la fois respectueuses et à mille lieues du simple délire de geek (en plus des comics super-héroïques, Rubin multiplie ici les clins d’œil vers d’autres genres comme le jeu vidéo ou la lucha libre), et bien sûr, ce visuel hallucinant où l’amour assumé de l’auteur pour l’art des grands maîtres comme Kirby ou Tetsuka se marie magnifiquement à son sens du découpage furieusement moderne et époustouflant – dynamique et explosif – appuyé par une palette de techniques narratives hors du commun et une mise couleurs sublime, alternant habilement les teintes les plus flashy et les plus poisseuses pour une ambiance en totale adéquation avec le ton du récit…
Plus sombre et plus profond, et pourtant toujours aussi divertissant et réjouissant, trépidant et épique, ce second tome clos un diptyque superbement initié en le portant au rang de véritable chef d’œuvre !
Le Héros (Livre 02), de David Rubin (ed. Rackham).