– Trame, le poids d’une tête coupée, de Ratigher –

Laviana et Giullio se prélassent oisivement sur la falaise, discutant paisiblement face à la mer.
Elle parle de ses vacances à Palerme, il parle de la fête qui se prépare ce soir, elle demande s’il a « quelque chose », il lui répond qu’il a « de quoi être tranquille », elle lui explique sa volonté de stopper les abus pour préserver sa pureté psychophysique, il lui rétorque que ça lui évitera de la déposer une nouvelle fois aux urgences…
…des préoccupations de gosses de riches, pas bien constructives ni très philosophiques.

D’un coup, un être bizarre surgit de nulle part : une sorte de bibendum de boue, armé d’un trident et aux intentions peu amicales…
Quoique, à bien y réfléchir, tout ce qu’il demande malgré ces airs menaçant, c’est que Laviana et Giullio l’incrustent à leur fête de branleurs.
Pourtant, peu rassurés par l’inquiétant bonhomme, les deux adolescents feront tout pour lui échapper, quitte à mettre leur vie en péril en provoquant un accident de voiture.

Une tentative qui ne se révèlera pas des plus judicieuses : désormais perdus et à pieds en rase campagne, ils se voient contraints de demander l’aide d’un mystérieux routier… dont les intentions ne semblent pas très claires non-plus !

Quelle solution ? S’en défaire également ? Courir droit devant eux à travers la forêt ?
Et cette lueur au loin ? L’abri salvateur ?

Mais encore une fois, vu la tête du vieil ermite qui les accueille, l’inintelligibilité de ses divagations, ou l’aspect tout aussi incongru de sa maison, peut-être auraient-ils mieux fait de passer leur chemin…!

Rencontre après rencontre, déconvenue après déconvenue, de mauvaise surprise en bonne grosse claque, de choc psychique en agression physique, nos deux enfants dorés vont être arrachés à leur cocon tout moelleux pour être jetés dans un véritable tourbillon de violence et de haine.

Commence alors pour eux un parcours semé d’embûches et d’obstacle, une fuite en avant qui les conduira systématiquement vers une nouvelle épreuve toujours plus insoutenable que la précédente.

Fuite en avant durant laquelle certaines ébauches de pages à venir s’incrusteront dans le récit afin de nous révéler quelques bribes du futur ; nous donnant ainsi un infime aperçu de ce qui les attend pour mieux nous perdre, nous désarçonner, et augmenter encore davantage la pression qui réduit nos nerfs en charpie !

Une pression sans cesse plus forte et angoissante, atteignant son climax lors d’un final simplement suggéré, et qui porte pourtant l’horreur à son comble tant l’ambiance malsaine et terrifiante installée au fil du livre a su vicier notre esprit… de manière à ce que l’on imagine aisément le drame se déroulant durant ces ultimes pages totalement noires !

Un album surprenant, entre fable anti-capitalisme, thriller psychologique, manga horrifique, et comics underground, aussi glacial et dérangeant que captivant et envoutant.

 

Trame, le poids d’une tête coupée, de Ratigher (ed. Atrabile).

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