C’est au cours d’un mois d’octobre moite et étouffant que nous rencontrons Eric.
L’été n’en finit pas de trainer en longueur, la chaleur rend tout mouvement épuisant et pénible, et Eric glandouille dans son jardin, trônant sur un vieux canapé posé là négligemment, trop épuisé pour chasser les mouches encore très (trop) présentes pour la saison, la seule chose occupant vaguement son esprit étant le costume qu’il portera pour la prochaine rave d’halloween.
Ah oui, le costume, et puis aussi sa furieuse envie de baiser Sal, la petite amie de son meilleur copain.
Pour passer le temps et s’offrir quelques de sensations sans trop se fatiguer, Eric s’abrutit encore d’avantage en gobant un acide ou deux… qu’il fait glisser avec une bonne gorgée de whisky.
Y a pas à dire, Eric est un sacré branleur, un sale mec ne pensant qu’à sa petite gueule, ses seuls autres centres d’intérêts se limitant au sexe, à la drogue, et l’alcool.
Pourtant, un jour tout vacille : entre la mort violente de son pote, l’arrivée d’un beau-père pas forcément très clean, l’intrusion dans sa vie d’un psychopathe obsédé de bowling, et quelques fantômes envahissants qui lui collent constamment aux basques, le pauvre Eric finira par perdre pied.
Et se cacher derrière son immonde et sempiternel masque de mouche en carton-pâte ne l’aidera en rien à éviter cette vague de violence qui le secouera au plus profond.
Alors forcément avec de tels thèmes on pense à Bret Easton Ellis et son obsession pour cette jeunesse désabusée et nihiliste, avec un tel trait à la précision chirurgicale, un encrage au noir si profond, on pense au Charles Burns de Black Hole, et pourtant Pirus et Mezzo créent au cours de ces trois tomes un univers bien à eux, d’une part en ancrant leur récit dans une Europe qui nous est finalement bien plus proche que l’on pourrait croire, et d’autre part en apportant un soin tout particulier au découpage et au cadrage.
En illustrant bien souvent leurs personnages parfaitement de face ou de profil, dans des statures ou des attitudes figées, comme s’il s’agissait d’un enchainement de clichés photographiques, les auteurs nous placent en position de spectateurs, ou pire : de voyeurs. Comme si, cachés derrière un buisson, une fenêtre, ou discrètement et secrètement à travers le trou d’une serrure, nous nous délections du spectacle malsain et poisseux offert par ces êtres perdus, immondes et / ou viciés…
Une longue descente aux enfers glaciale, dérangeante, et éprouvante ; une série noire et violente aussi prenante qu’impressionnante.
Le Roi des mouches (3 tomes), de Mezzo & Pirus (ed. Glénat – Drugstore).