– Une métamorphose iranienne, de Mana Neyestani –

Tout commence par un simple cafard, un petit cafard que Mana Neyestani dessine un jour, dans une rubrique pour enfants, sans penser que, par ce dessin innocent, il allait voir sa vie bouleversée. Mal interprété, diffusé avec un faux texte, son dessin servira à attiser la haine des Turcs iraniens et ira jusqu’à provoquer des émeutes réprimées sévèrement. Neyestani, lui, est vu comme un fauteur de troubles et jeté dans les geôles de la prison d’Evin. D’où la métamorphose du titre, qui fait passer l’auteur d’un état d’homme relativement heureux, malgré le lourd climat de la dictature, à celui de paria condamné, spolié, et contraint à la fuite. De fait, si le clin d’oeil à La Métamorphose de Kafka est affirmé, c’est plutôt avec Le Procès qu’il faudrait établir un parallèle. Les deux livres montrent la même absurdité : celle de l’innocent en cellule qui doit répondre d’actes inconnus, celle des jugements abscons et d’une justice qui se nie elle-même.

 

Mana Neyestani est un important dessinateur de presse iranien, mais pas un grand dessinateur de bande dessinée, car son trait a des failles perceptibles. Pourtant, on ne peut décrocher le regard à la lecture de ce témoignage édifiant. Pyongyang avait scotché des milliers de lecteurs en donnant une vision pourtant toute extérieure et assez tranquille d’un des régimes les plus fermés du monde. Ici c’est tout autre chose puisque nous suivons un prisonnier du régime jusque dans les salles de tortures. Est-ce alors sombrer dans le voyeurisme ? La limite est toujours floue dans les récits de témoignages, et l’auteur sait parfaitement éviter cela. Si tout ce qui lui arrive est totalement sidérant il ne cherche pas à se plaindre ni à attirer la compassion, mais à montrer l’impunité incroyable de ce pays où faire un dessin humoristique sans aucune visée politique peut vous mener en prison.

À la suite d’un périple rocambolesque, Mana Neyestani a réussi à fuir l’Iran et s’est installé à Paris grâce à un programme de soutien à la liberté d’expression. Il y a onze ans, Marjane Satrapi nous racontait l’Iran de sa jeunesse et son glissement progressif vers le totalitarisme. Dans Une métamorphose iranienne, l’auteur transcrit l’Iran d’aujourd’hui et sa tragique évolution, avec l’énergie folle de sa liberté retrouvée. Une prise de parole rare et nécessaire qui se doit d’être saisie par tous.

Une métamorphose iranienne, de Mana Neyestani (ed. Çà & Là).

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