En 1978, le jeune Lorenzo Mattotti, bien avant d’être connu et reconnu pour son approche radicale et expérimentale de la bande dessinée, publiait une adaptation du roman de Mark Twain, les aventures de Huckleberry Finn (épaulé au scénario par Antonio Tettamanti). Sur cette œuvre de jeunesse, plus orientée vers le divertissement pur, Mattotti proposait un style graphique et narratif se rapprochant plus des classiques de l’époque. Néanmoins, grâce à son trait épais et lâché, ses noirs profonds, et ses hachures barrant le visage de ses personnages, le résultat tirait tout de même plus vers une ambiance à la Sergio Leone – cow-boys cradingues au long impèr’ et à la babe hirsute – que vers le Tom Sawyer édulcoré et gentillet que nous diffusait Dorothée lorsque nous étions minots.
Une ambiance plus apte à illustrer les propos de Mark Twain qui, sur fond d’aventure et d’hymne à la liberté, dénonçait la dure réalité de cette Amérique profonde traversée par le Mississippi : violence, auto-justice et vendetta entre familles, cruel manque de culture, misère et pauvreté, mais aussi et surtout, racisme et ségrégation.
Une dure réalité que Huck traversera sans trop de difficultés, armé de son innocence (naïveté ?) et d’une bonne dose de roublardise.
Une dure réalité qu’il préfère affronter plutôt que de profiter de la vie plus facile mais ô combien morne et ennuyeuse proposée par la riche veuve prête à l’adopter.
Aujourd’hui les éditions Gallimard offre une deuxième vie à cet album, redécoupé dans un format horizontal original permettant un récit plus aéré, et agrémenté d’une belle mise en couleurs par Céline Puthier apportant une nouvelle dimension aux dessins de Mattotti.
Une belle occasion de (re)découvrir à la fois le monde de Mark Twain et les premiers pas d’un des auteurs majeurs de la bande dessinée actuelle.
Les aventures de Huckleberry Finn, de Mattotti (ed. Gallimard).