– La Mano, de Thirault & Pagliaro –

Et si on décrochait un peu de ce monde futile des bandes dessinées pour parler de sujets plus sérieux comme, je ne sais pas moi, l’Histoire avec un grand « H » ?
Bon, je ne vous ferai pas l’affront – ni n’aurai la prétention – de vous apprendre l’Histoire de France, mais me pencherai plutôt sur le cas de nos voisins transalpins. Connaissez-vous cette noire période que l’on baptisa les Années de Plomb ? Durant les années ’70-80, une poignées de partisans du PCI (Parti Communiste Italien) considérant les positions du parti trop indulgentes envers le capitalisme, créèrent des groupes d’extrême gauche plus radicaux, affirmant leur soutien à Hô Chi Minh, le Che, ou les Black Panthers, et prônant la dictature du prolétariat. Cette dictature ne pouvant être établie que par la violence, ces groupes fomentèrent les premiers attentats qui plongèrent l’Italie dans une période de terreur et provoquèrent une réaction de la police coûtant la liberté à des milliers de personnes. En réponse à la répression, les activistes les plus radicaux créent des groupuscules révolutionnaires – tels que les Brigades Rouges, prêts à tout pour imposer leurs idéaux et revendiquant près de 400 assassinats et quelques 15000 attentats.

Un brin pesant, non ?
Alors si pour alléger un peu le sujet nous transposions ce triste pan de l’Histoire en bande dessinée ?
C’est justement ce que nous proposent Pagliaro et Thirault avec la Mano, une série dont le premier tome nous ramène en 1965 pour suivre le destin de cinq jeunes italiens à l’aube des Années de Plomb. Sandro, Aristo, Rafaela, Piero, Dina sont une bande d’amis vivant tranquillement leur vie de jeunes adultes dans un petit village de campagne. Pour eux, la vie est douce et baignée d’insouciance, mais pourtant, le gouvernement en place les révolte en faisant la part belle aux capitalistes et en multipliant les injustices, et le PCI les révolte tout autant en ne tenant tête que très mollement à ce gouvernement de pacotille. Idéaliste, utopistes, et un brin naïfs, ils se décident donc à agir pour imposer leur « petite justice prolétarienne » et à eux cinq forment un groupe d’action qu’ils nommeront La Mano. Mais si leurs idées sont grandes et nourries des plus belles valeurs, leurs actions restent symboliques et de petite envergure ; alors quand l’une d’elles tournent accidentellement au drame, c’est la légitimité du groupe qui est remise en question. Jusqu’où peuvent-ils aller ? Quels sacrifices leur cause mérite-t-elle ? A quel moment les révolutionnaires deviennent-ils de simples terroristes ?

Plutôt que d’aborder de facto les vagues d’attentats ayant frappé l’Italie durant cette noire période, les auteurs reviennent sur la genèse du mouvement, l’humanisent et la romancent en se penchant sur cinq personnes en particulier, décrivant leur dolce vita dans la belle campagne italienne (remarquablement mise en images pas le trait élégant et les couleurs chaudes de Pagliaro), s’attardant sur leurs histoires d’amour, leur belle amitié, et leurs grands idéaux, pour mieux amener par la suite les tensions naissantes, les discordances, et la perte de l’innocence… nous conduisant petit à petit vers une fin pessimiste et amère, laissant présager un second tome beaucoup plus noir et entrant de plein pied dans le vif du sujet.

Ce premier tome constitue donc une belle introduction, retraçant parfaitement l’époque en question et mettant en place des personnages charismatiques et bien développés auxquels on s’attache immédiatement et dont on est impatients de connaître le tumultueux destin.

La Mano – Tome 1, de Thirault & Pagliaro (ed. Dargaud)

NB : Bonus non négligeable, cet album est agrémenté d’un feuillet très intéressant contenant de précieuses informations quant au contexte politique et historique de cette période, permettant de s’immerger au mieux dans la série.

A écouter : Bandiera Rossa (chant révolutionnaire italien)

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