Imaginez un peu une société où la musique serait considérée comme « impure », « corruptrice de l’âme humaine » car source de joie et de gaité, où le rock, le rap, la techno, le jazz, le folk, le blues et autres musiques populaires soient bannies au profit de musiques traditionnelles et de chants religieux. Trop fun, non ?… Imaginez maintenant que cette même société interdise non seulement la diffusion publique de ces musiques (concerts, radio, vente de disques), mais châtie également toute personne tentant de les pratiquer en privé, au mépris de toute liberté individuelle fondamentale… Impensable, stupide, absurde…

Et pourtant, c’est ce qui se passe en Iran depuis la révolution islamique de 1979 et la décision des mollahs de bannir toutes les musiques occidentales, et plus encore depuis 2005, quand le président Mahmoud Ahmadinejad a ordonné l’application stricte de cette loi.
Les groupes de musiques modernes sont proscrits et toute tentative de se réunir pour jouer les musiques prohibées est assimilée à une association de malfaiteurs…
Evidemment, certains musiciens et chanteurs bravent ces interdits et redoublent d’imagination et d’audace pour exercer leur art au nez et à la barbe des autorités. Tout un réseau underground s’est formé, et nombreux sont les jeunes qui se retrouvent la nuit pour composer ou répéter dans des granges isolées, des immeubles en construction ou des caves insonorisées, studios d’enregistrement de fortune.

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C’est dans un de ces lieux clandestins que Bahman Ghobadi a rencontré Negar et Ashkan, deux jeunes musiciens qui composent du « rock indie ». Désireux de continuer de jouer et de toucher un plus large public, ils rêvaient de pouvoir s’exiler en Angleterre. Le cinéaste a choisi de relater cette rencontre et cette histoire dans Les chats persans un docu-fiction qui parcourt le pays à la recherche des groupes underground. La trame fictionnelle du film montre les deux jeunes gens chercher à convaincre des confrères musiciens de se joindre à eux pour organiser un grand concert clandestin qui pourrait financer leur fuite vers l’Europe.

Dans ce qui ressemble à un curieux mais réjouissant mix entre Persepolis et Les Commitments, on croise une galerie d’artistes attachants : rappeurs perses aux textes subversifs, groupe de heavy-metal peu avare en décibels, imprésario magouilleur… Chacun dénonce à sa façon, par le biais de ses chansons, l’intolérance et l’obscurantisme d’un régime parfaitement rétrograde, dont la violence imbécile éclate à plusieurs reprises dans le film, au fil de séquences qui obscurcissent peu à peu la tonalité légère et optimiste de l’ensemble.

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La même censure, les mêmes pressions s’exercent sur le cinéaste, jugé trop critique vis-à-vis du régime en place et de la société iranienne. Il n’a évidemment pas obtenu l’autorisation officielle de tourner un tel film dans les rues de Téhéran… Il est donc passé outre, réalisant un film clandestin sur les milieux clandestins, adoptant la démarche de ses jeunes héros. Il a donc manqué de moyens – cela se voit – mais il a déployé des trésors d’inventivité et de ruse pour pouvoir réaliser son long-métrage. L’adrénaline qui a été libérée pendant ce tournage à hauts risques s’est transformée en une énergie positive qui imprègne tout le film et qui s’avère irrésistiblement communicative.

Les chats persans est un vibrant plaidoyer pour la liberté d’expression, un exemple d’utilisation de l’art comme moyen de résistance face à l’oppression, l’intolérance, l’intégrisme religieux… C’est à la fois beau et magistral, plein de vie et de douleur…

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Depuis sa présentation au dernier festival de Cannes (où il a remporté le prix spécial du jury Un Certain Regard), les deux jeunes musiciens, personnages principaux du film, ont dû réellement fuir à Londres pour continuer d’être libres et de pouvoir jouer leur musique, le cinéaste Bahman Ghobadi a tenté de regagner son pays, mais a été jeté en prison avant d’avoir l’opportunité de s’exiler, et surtout la situation du pays, déjà guère réjouissante, a encore empiré. Mahmoud Ahmadinejad a été réélu dans des conditions douteuses, avec de fortes suspicions de fraude électorale, ce qui a conduit une partie de la population, des jeunes gens principalement, +à descendre dans la rue pour manifester… L’opposition a été réprimée violemment, non sans que les média étrangers aient été préalablement muselés. Cette semaine encore, des manifestations demandant davantage de démocratie en Iran se sont terminées en bain de sang, et de nombreux opposants au régime, politiciens ou journalistes, ont été arrêtés.
Ceci n’en rend le film de Bahman Ghobadi que plus essentiel. Il peut servir à ouvrir les yeux du public occidental sur le drame iranien, la façon dont les droits de l’homme sont bafoués depuis des années, dans ce qui fut autrefois, il y a fort longtemps, un modèle de civilisation…

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les chats persansLes chats persans
Kasi az gorbehaye irani khabar nadareh

Réalisateur : Bahman Ghobadi
Avec : Negar Shaghaghi, Ashkan Koshanejad
Origine : Iran
Genre : rock’n roll et révolution 
Durée : 1h41
Date de sortie France : 23/12/2009

Note pour ce film : ˜˜˜˜˜

contrepoint critique chez : –

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