– Euh, Angle[s] de vue, z’êtes plutôt Profs ou plutôt Gamins?
Je veux dire, entre les deux comédies qui cartonnent au box-office en ce moment, vous préférez laquelle? Parce que j’hésite entre les deux et je voudrais bien vos précieux conseils…
Cher lecteur,
Merci de cette intéressante question.
Bon, on te conseillerait bien d’aller voir Land of hope à la place, mais il est vrai que ce n’est pas tout à fait une comédie. Alors tentons de répondre précisément à ta question en départageant les deux films précités. Vu qu’il n’y a pas photo, ça devrait être rapide…
“Les Profs” de Pierre-François Martin Laval
Le lycée Jules Ferry est la honte de l’Education Nationale. Alors que la plupart des établissement secondaires affichent des taux de réussite record au baccalauréat, il se distingue avec un taux de réussite de 12% seulement. Très fâché, le ministre a posé un ultimatum au proviseur et à l’inspecteur d’académie. Si, au terme de la nouvelle année scolaire, l’établissement ne parvient pas à atteindre au moins 50% de réussite au bac, il fermera définitivement ses portes, et les deux hommes se verront rétrogradés.
Le problème, c’est que tout a déjà été tenté pour améliorer les résultats. L’année précédente, le lycée avait même fait appel à des professeurs considérés comme les meilleurs de France, sans que les moyennes ne progressent d’un iota. Aussi, l’inspecteur-adjoint propose une idée à priori saugrenue. Puisque, en mathématiques, moins par moins, cela fait plus, pourquoi ne pas faire appel aux pires profs pour s’occuper des pires élèves?
Ainsi, une équipe de choc de sept mercenaires débarque au bahut, avec des méthodes plutôt déconcertantes. Gladys (Isabelle Nanty) est une prof d’anglais peau de vache qui lance des craies sur ses lycéens à la moindre erreur de grammaire ou de prononciation. Amina (Stéfi Celma) s’assure l’attention de ses élèves mâles en arborant des tenues ultra-sexy. Cutiro (Christian Clavier) est un prof de mathématiques fainéant, qui cherche tous les prétextes pour ne pas assurer ses cours. Eric (Arnaud Ducret) est un prof de sport dont les cours s’apparentent plus à des séances de torture, mais moins que ceux, explosifs, d’Albert, le prof de physique-chimie (Fred Tousch) ou ceux, incompréhensibles, de Maurice (Raymond Bouchard), un prof de philo qui étrille les cerveaux.
Et il y a aussi Polochon (Pierre-François Martin-Laval), qui n’est pas vraiment prof, mais passionné d’histoire de France, du moins juste la période Napoléonienne.
Cette “dream-team” de loosers parviendra-t-elle à sauver le lycée?
Très vite, on en vient à espérer que non, pour qu’on ne nous inflige jamais un Les Profs 2, tant le spectacle proposé est lamentable. Soyons francs, on n’attendait pas un chef d’oeuvre de l’adaptation de la bande-dessinée de Erroc, Pica et Mauricet, mais on pouvait quand même espérer mieux que cet objet filmique complètement crétin et fier de l’être.
Voyons un peu le bulletin de notes, calamiteux :
Histoire : 1/20
Le point de départ est totalement absurde. Puis le scénario se contente de relier paresseusement des gags lourdingues, mal repompés, pour la plupart, sur ceux de P.R.O.F.S de Patrick Schulmann ou des Sous-doués de Claude Zidi. Aucune originalité, aucune trouvaille digne de ce nom. Le néant total…
Technologie : 1/20
Mise en scène d’une platitude totale. Aucun effort sur le visuel, sur les cadrages, sur les mouvements de caméra. Ah bon, le cinéma est un art?
Art Dramatique : 3/20
Certains acteurs assurent le minimum syndical. Comme Clavier, par exemple, aussi lymphatique que son personnage – et aussi peu drôle- Stéfi Celma, ici réduite à une fonction de pure potiche, ou encore Kev Adams, qui se contente de recycler ses vannes de la série “Soda”.
D’autres en font des tonnes pour exister, comme Isabelle Nanty, en prof tyrannique, à la limite de l’hystérie, ou François Morel, en adjoint fourbe et vivieux.
A leur décharge, ils sont livrés à eux-mêmes, le “surveillant général” Martin-Laval étant trop occupé à essayer de se donner le beau rôle, sans jamais y parvenir.
Le seul qui s’en tire à peu près, c’est Arnaud Ducret, qui bénéficie, il est vrai, des répliques les plus politiquement incorrectes.
Physique : 14/20
Une bonne note pour le physique d’Alice David, “Cette fille”dans la série “Bref”. Mais elle se retrouve elle aussi cantonnée à un rôle de potiche.
Sport : 2/20
Ce n’est pas avec ce film qu’on va se muscler les zygomatiques, et encore moins les muscles intercostaux, parce qu’on est loin de se bidonner à ces gags poussifs. Et le rythme est d’une mollesse rare.
Philosophie : 1/20
En gros, c’est l’éloge de la paresse et de la stupidité. C’est le cancre qui finalement, sauvera le lycée, sans faire le moindre effort.
Bel exemple pour la jeunesse…
Français : 4/20
Les répliques sont à l’image du reste du film. Peu inspirées, plates, pas drôles. Genre “I’m back, I get the bac” …
On sauvera juste les quelques scuds balancés par le prof de sport à ses élèves, se moquant ouvertement de leur physique ou de leur couleur de peau. C’est moche, d’accord, mais au moins c’est (à peu près) drôle…
Ah si, quand même, il y en a une qui résume bien notre sentiment sur le film. C’est le concierge (Yves Pignot) qui l’assène, après une expérience ratée du prof de chimie. Le CPE est recouvert d’une substance brune et essaie de l’analyser, au goût
”- Curieux mélange. Ah oui, il y a bien du chocolat. Même si majoritairement, c’est de la merde… Vous voulez goûter?
- Je ne suis pas très merde…”
On restera là-dessus, parce que ça tombe bien, nous non plus on n’est pas très merde, et on ne conseillera donc pas du tout ce film.
On sait que certains vont nous tomber dessus, nous dire qu’on est des vieux aigris, tout ça, et que le carton du film au box-office, avec plus de millions de spectateurs au box-office est la preuve que le film est “trop drôle”. On s’en fout! On assume! Le succès d’un film au box-office n’est pas forcément un gage de qualité artistique. Cela peut aussi venir d’une campagne publicitaire bien orchestrée, et du buzz lié aux premiers résultats d’exploitation.
On avoue d’ailleurs que c’est le succès du film qui nous a poussé à aller le découvrir au cinéma, malgré nos réticences initiales. On aurait mieux fait de se fier à notre instinct… Mais le résultat est là : on a contribué à gonfler encore un peu plus les scores de ce nanar infâme.
Pour cela, mais aussi pour le peu de soin apporté à la mise en scène, la paresse du scénario, la débilité des gags, le cabotinage des acteurs, le côté décérébré l’ensemble, on ne peut que mettre un blâme à Pierre-François Martin-Laval et son équipe.
Allez ouste, recalé sans possibilité de redoublement.
“Les Gamins” d’Anthony Marciano
Quand Thomas (Max Boublil) rencontre Lola (Mélanie Bernier), il sait qu’il a enfin trouvé la femme de sa vie. Après quelques mois de vie commune et une complicité de plus en plus évidente, il la demande en mariage. Et là, fini la rigolade! Le jeune homme, qui chantait jusque là dans les fêtes de famille, les noces et les bar mitzvah tout en rêvant de devenir un jour chanteur professionnel, décide de prendre un job sérieux et se met à chercher un appartement capable d’accueillir le foyer familial. L’éternel ado rentre de plain pied dans l’âge adulte.
Mais au moment où il va officialiser tout cela en demandant officiellement la main de Lola à son beau-père, Gilbert (Alain Chabat), tout part en sucette. Le quinquagénaire choisit précisément ce moment-là pour péter les plombs. Il en a assez de sa vie médiocre, bien loin de ses rêves de jeunesse, marre de son couple, également, où la passion a laissé place à une insupportable routine. Il n’en peut plus des petites manies de sa femme, Suzanne (Sandrine Kiberlain), qui dilapide l’argent du ménage en dons pour des associations caritatives, se nourrit exclusivement d’aliments bio insipides, qu’elle mange avec des baguettes, et surtout, qui ne finit jamais ses phrases. Hop, il claque la porte du domicile conjugal et part à l’aventure, entraînant Thomas dans sa crise d’adolescence tardive, non sans l’avoir d’abord dissuadé de d’épouser sa fille…
Comme Les Profs, Les gamins repose sur un scénario gentiment farfelu et sur les numéros de cabotinage de ses comédiens principaux, Boublil et Chabat en tête. La différence, c’est qu’ici on rit beaucoup des situations, des gags et des répliques, joliment ciselées. Ben oui, un peu plus de travail sur le scénario, un peu plus de conviction dans le jeu d’acteurs, et ça change tout…
Le point de départ de l’intrigue est proche de Mon beau-père et moi. Mais ici, le beau-père et son futur gendre ne se font pas la guerre – hormis quelques échanges taquins sur l’âge du capitaine. Au contraire, ils s’entendent comme larrons en foire, bien décidés à profiter de la vie au maximum, ce qui donne quelques scènes assez irrésistibles, dans un supermarché, rayon foire aux vins, à la table d’un restaurant luxueux faisant passer un kebab pour un “émincé d’agneau sur son canapé” ou encore dans les coulisses d’un sommet international tendu.
Comme Alain Chabat et Max Boublil croient à fond en leurs personnages et vont au bout de cette idée de crise d’adolescence tardive, on y croit aussi, et on s’amuse de leurs gamineries joyeusement régressives.
On se laisse d’autant plus séduire que le rythme est enlevé. Chaque scène comporte son lot de situations amusantes ou de vannes cinglantes, si bien que même si on ne rit pas forcément à tout, on trouve néanmoins largement notre bonheur parmi l’éventail proposé. De notre côté, on s’est particulièrement bidonnés lors de la scène où un gamin timide, suivant les conseils de Max Boublil, se lâche et ruine la fête organisée en l’honneur de son arrière grand-père, ancien collabo… Et de la traduction loufoque des propos du très teigneux ambassadeur d’Iran, par un Thomas bien décidé à reconquérir sa belle.
Par ailleurs, on se réjouit des belles performances de Mélanie Bernier et Sandrine Kiberlain, qui ne se laissent pas écraser par leurs partenaires masculins et sont bien plus que de simples faire-valoir.
Bon, cela dit, Les Gamins n’est pas parfait, loin de là.
Déjà, on peut regretter que le scénario, malgré son point de départ un peu fou, reste ensuite un peu trop linéaire, trop sage. On aurait aimé un virage totalement débridé façon Very bad trip ou certaines comédies de Blake Edwards. Là, il se contente d’un cheminement assez prévisible, où les deux grands gamins vont réaliser que leurs vies d’adultes responsables leur manquent et retourner gentiment au bercail.
La mise en scène, confiée au vieux complice de Boublil, Anthony Marciano, est elle aussi très sage, se contentant de suivre le rythme et d’enregistrer platement les pitreries des acteurs. Cela dit, le cinéaste a indéniablement apporté sa patte au récit, à travers le portrait sarcastique du milieu de l’édition musicale. Il sait de quoi il parle : il a été directeur artistique d’un label pour une grosse maison de disques.
La chanteuse-star capricieuse de 13 ans, le ténor obligé de chanter des variétés, les directeurs de label cools qui se la pètent grave, ça sent le vécu. Et c’est joliment restitué à l’écran, avec humour et espièglerie.
Aussi, on a envie d’être indulgents avec cette comédie très sympathique, drôle et bien rythmée, et on adopte donc volontiers ces Gamins-là…
En conclusion de ce crash-test, on préfère très nettement, sans l’ombre d’un doute, faire l’école buissonnière en compagnie d’Alain Chabat et de Max Boublil, plutôt que d’aller roupiller sur les bancs du lycée le plus nul de France. Les Gamins surpassent Les Profs dans tous les secteurs, haut la main.
Si vous hésitiez, vous savez désormais ce qu’il faut soigneusement éviter…
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Les Profs Les Profs Réalisateur : Pierre-François Martin-Laval Avec : Pierre-François Martin-Laval, Isabelle Nanty, Kev Adams, Christian Clavier, Arnaud Ducret Origine : France Genre : 0/20 Durée : 1h28 Date de sortie France : 17/04/2013 Note pour ce film : ○○○○○○ Contrepoint critique : A voir à lire |
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Les Gamins Les Gamins Réalisateur : Anthony Marciano Avec : Alain Chabat, Max Boublil, Mélanie Bernier, Sandrine Kiberlain, Arié Elmaleh Origine : France Genre : école buissonnière pour grands enfants Durée : 1h27 Date de sortie France : 17/10/2012 Note pour ce film : ●●●●○○ Contrepoint critique : Le Monde |
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