Cher Petit Papa Noël,
Quand tu descendras du ciel avec tes jouets par milliers, n’oublie pas mon petit soulier et apporte-moi, s’il-te-plaît, une Déborah François…
Je sais, je sais, c’est un très beau cadeau que je te demande là, mais bon, j’ai été sage, j’ai bien travaillé et tout et tout. Je n’ai pas dit trop de méchancetés sur les films – et pourtant, certains l’auraient mérité – et je n’ai même pas parlé de la façon de mourir de Marion Cotillard dans le dernier Batman.
Alors, cher Papa Noël, sois sympa et apporte-moi une Déborah François. Non, attends, je rectifie. Apporte-moi LA Déborah François. La vraie, en pur liège, et pas une de ces imitations cheap made in France qui s’agitent dans des comédies sans âme.
Seule la vraie Déborah François était capable de porter un film aussi improbable que Populaire, le premier long-métrage de Régis Roinsard. Une comédie romantique volontairement désuète qui nous emmène dans la France de René Coty, celle des années 1950, quand les hommes, tous vêtus de costumes en flanelle grise, appelaient les femmes “Mon chou”, non sans un brin de supériorité machiste, et quand les femmes rêvaient toutes de devenir secrétaire, pour être modernes et “bath”.
Oui, seule la belle Déborah était capable de rendre attachant un personnage au nom aussi farfelu que Rose Pamphyle, d’être aussi séduisante en tenue de soirée rouge passion que vêtue d’une robe à fleurs taillée dans les rideaux du salon, de combiner l’élégance fragile d’Audrey Hepburn à l’érotisme torride de Marylin Monroe, de clouer le bec à Romain Duris, Nicolas Bedos et même à M’sieur Eddy Mitchell en personne dans un seul et même film…
Et surtout, surtout, elle seule était capable de rendre une compétition de… dactylographie (!) aussi palpitante que les combats de Rocky Balboa et les bras de fer de Over the top. Et avoue que Deborah François est plus gracieuse que Sylvester Stallone…
Papa Noël, je sais que tu es vieux et que tu n’as pas toujours toute ta tête, mais je sais que tu es encore assez lucide pour admettre que, sur le papier, Populaire avait tout du projet casse-gueule.
Le scénario raconte l’histoire de Rose Pamphyle, une jeune femme qui s’ennuie dans son village, paumé en pleine campagne normande. Elle en a assez de travailler pour son père, dans la boutique familiale, et plus qu’assez qu’on essaie de lui dicter sa conduite. Hors de question, par exemple, qu’elle épouse l’homme que son père a choisi pour elle, réputé être le meilleur parti du village. Rose rêve de liberté, de voyages, d’aventures. Elle est une jeune femme moderne qui veut obtenir son émancipation, travailler et garder le contrôle de sa vie. A sa majorité, elle décide de tenter sa chance à Lisieux, la ville la plus proche, et de postuler à des emplois de secrétaire – le nec plus ultra si on veut être une femme “moderne”. Mais il n’est pas simple de décrocher ce type de job quand on est d’une maladresse infinie, que l’on est brouillonne et désorganisée, et que l’on ne sait taper à la machine qu’avec deux doigts…
Cela dit, Rose se débrouille mieux avec ses deux doigts que certaines secrétaires avec dix. Elle tape à une rapidité qui impressionne Louis Echard. L’homme, patron d’une petite compagnie d’assurances, l’engage aussitôt, car il décèle du potentiel chez cette secrétaire atypique, qui tape plus vite que son ombre (et aussi parce que c’est la plus jolie du lot, ce qui ne gâte rien…). Rapidement, il décide de la prendre en main et de l’entraîner à la dactylographie pour la faire concourir aux championnats régionaux de dactylographie (si, si, ça existe vraiment…) en attendant, pourquoi pas, les championnats de France et les Championnats du Monde. Et rapidement, Rose et Louis vont tomber amoureux, mais ils devront surmonter quelques obstacles pour que leur idylle ne finisse par se concrétiser.
Romance sucrée & dactylographie de compet’ sur fond de reconstitution naphtalinée des années 1950, quel programme! C’est assez incroyable un truc pareil. Régis Roinsard et ses acolytes ont probablement un peu trop forcé sur la bouteille et sur d’autres substances plus ou moins illicites avant d’écrire le scénario, ce n’est pas possible… A jeun, ils n’auraient pas pu imaginer que des spectateurs puissent avoir envie d’assister à une compétition de rapidité de frappe sur machine à écrire… Non sérieusement, il fallait être fou pour se lancer dans une aventure pareille. Ou belge…
Heureusement pour eux – et pour nous – le producteur Alain Attal est un peu fou, il aime se lancer dans des projets atypiques et laisser les auteurs aller au bout de leurs idées, souvent pour un résultat très convaincant.
Et heureusement pour eux – et pour nous moi – Déborah François est belge, et n’a pas hésité à se lancer à corps perdu dans cette aventure. Bonne inspiration : Elle crève l’écran…
Difficile de résister à cette frimousse charmante, ces grand yeux pétillants de malice et de charme, ce sourire enjôleur… Qu’elle s’escrime à apprendre la dactylo en se peinturlurant les ongles, qu’elle dézingue une broyeuse à papier ou qu’elle danse le cha-cha-cha avec Romain Duris, elle est totalement craquante. Du coup, on s’attache instantanément à son personnage de jeune rebelle et à son combat contre les carcans dans lesquels la société patriarcale a trop longtemps enfermé la femme. Et sa quête d’amour et de tendresse ne manque pas de faire fondre à feu doux notre petit coeur d’artichaut, pourtant rompu à ces astuces scénaristiques ultra-classiques et prévisibles.
C’est elle qui porte le film, volant la vedette à toutes les autres actrices, pourtant impeccables elles-aussi, de Bérénice Béjo à Miou-Miou en passant par Dominique Reymond et Mélanie Bernier, dans un joli rôle de garce prétentieuse.
Bon d’accord, Papa Noël, je me dois de dire la vérité pour être irréprochable mon cadeau.
Alors j’avoue que Romain Duris participe également au charme de cette sympathique comédie romantique. C’est d’ailleurs autour de son nom que le film a pu se monter financièrement. Il a immédiatement accepté de jouer Louis, le patron dont l’attitude psychorigide et un brin machiste contraste avec le charisme et le coeur en or. Bonne inspiration également : Le couple qu’il forme avec Déborah François est totalement convaincant, et glamour, rappelant, toutes proportions gardées, le duo Bogart/Hepburn de Sabrina.
La mise en scène de Régis Roinsard tient également la route. Oh, elle n’a rien de géniale, mais le cinéaste se sort bien des figures imposées de la comédie romantique, plus compliquées qu’il n’y paraît, et, avec son chef op Guillaume Schiffman, il s’amuse comme un fou avec l’esthétique “années 1950” de l’oeuvre. Contrairement aux OSS 117, où tout était volontairement appuyé pour souligner le côté ringard des vêtements et des décors, Roinsard joue subtilement sur les couleurs, les lumières, pour créer une ambiance façon Jacques Demy. Oui, je sais, Demy était de la génération suivante, celle de la Nouvelle Vague, mais c’est pour faire comprendre l’esprit du film…
Ah, et puis il y a aussi la musique, composée par Emmanuel d’Orlando. Une partition élégante au thème principal entêtant, qui accompagne parfaitement les différents rythmes du récit.
Bon, j’arrête là les compliments, sinon tu vas croire que tu m’as déjà fait un très beau cadeau avec cette comédie joliment exécutée.
Il est vrai que Populaire est typiquement le genre de film qui convient à cette période de l’année, mettant de la couleur dans la grisaille, opposant une bonne dose de fantaisie à la morosité ambiante et réchauffant nos petits coeurs transis de froid. C’est une belle surprise, fondante et sucrée, dans le même registre que Les émotifs anonymes, sorti il y a deux ans à peu près à la même époque.
Merci Papa Noël pour ce sympathique présent de Noël avant l’heure.
Mais, s’il-te-plaît, Papa Noël qui êtes aux Cieux, pense quand même à mon petit soulier et apporte-moi la divine Déborah. Pas la peine de l’emballer, hein, on l’aime nature et naturelle, toute en charme et en fausse ingénuité…
Je te préviens, ami barbu tout de rouge vêtu, si je n’ai pas la plus belle des actrices belges au pied de mon sapin au matin du 25 décembre, j’arrêterai de croire en toi et je me mets à adorer Régis Roinsard. C’est dit…
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Populaire Populaire Réalisateur : Régis Roinsard Avec : Déborah François, Romain Duris, Bérénice Béjo, Shaun Benson, Frédéric Pierrot, Mélanie Bernier, Nicolas Bedos, Eddy Mitchell, Miou-Miou Origine : France, Belgique Genre : cadeau de Noël avant l’heure Durée : 1h51 Date de sortie France : 28/11/2012 |
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