Ô Pomponette, viens voir là, gros matou! Oh, fan! Regarde un peu ce qu’il a fait, Daniel Auteuil! Si tu veux mon avis, il est complètement fada, le gars!
Oser se lancer dans une nouvelle adaptation de la trilogie marseillaise de Pagnol, c’est sacrément gonflé!
Parce que tous ces couillons de cinéphiles ont encore en tête les versions d’Alexander Korda/Marc Allégret/Marcel Pagnol. D’accord, elles datent de près de quatre-vingt ans, mais elles font partie du panthéon du cinéma français, grâce à l’interprétation magistrale de Raimu, Charpin, Paul Dullac, Robert Vattier ou Pierre Fresnay, et grâce à des scènes devenues cultes, comme la partie de manille que si tu ne la connaissais pas, fatcheudeu, que ça me fendrait le coeur…
Bref, que c’est une oeuvre devenue intouchable.
Et puis parce que, pour les bichounets, les marseillais évoquent plus une bande de jeunes crétins qui n’ont rien dans la coucourde et se radassent à Ibiza ou Cancun pour les besoins d’une émission de télé-réalité, et qu’ils préfèrent probablement regarder ces pignolades télévisuelles que les chef d’oeuvres pagnolesques. Ah, je te jure Pomponette, ça me démange de rééduquer ces jeunes fadas à l’ancienne, à coups de pieds au cul!
Mais voilà que je m’emporte et que je pars déjà en biberine. Où en étais-je déjà? Ah oui, je disais que cette nouvelle version de Marius et Fanny avait tout du projet casse-gueule… Parce que la version des années 1930 est trop écrasante pour les plus âgés et que les jeunes spectateurs n’auront pas forcément envie de voir coup sur coup deux films “vieillots”, pour ne pas dire “ringards”.
Au début, il faut bien reconnaître que cela poque le fiasco à plein nez. Tous les acteurs jouent avé l’accent, de façon outrancière, un peu forcée. A commencer par Daniel Auteuil lui-même, qui a eu le courage de marcher sur les pas de Raimu en reprenant le rôle de César. Conscient de ne pas avoir la bonhommie provençale qui caractérisait le bonhomme, il ne cherche pas à le copier, mais essaie malgré tout de rendre le personnage excessif, et tente d’en faire une figure paternelle à la fois bienveillante et écrasante.
Son jeu, comme celui des autres comédiens, semble parfois trop théâtral. Mais cela, c’est tout à fait normal, puisque Daniel Auteuil a choisi de respecter à la lettre le matériau d’origine, non pas les films, mais le pitdyque, le ditpyque, un truc comme ça… un assemblage de deux pièces de théâtre.
Il conserve donc cet aspect purement théâtral du texte et du phrasé des personnages.
Cela se ressent aussi dans les décors : Beaucoup d’intérieurs et notamment, un ou deux lieux récurrents, comme le bar tenu par César. Et quelques extérieurs également reconstitués en studio, puisque le Vieux Port n’est plus si vieux que cela – Bonne Mère !
Le parti-pris se défend parfaitement, même si on peut regretter qu’il n’y ait pas plus de scènes tournées en décors naturels. La scène de du batifolage de Marius et Fanny dans la calanque est un beau moment de cinéma, qui vaut son pesant de cassis…
Mais voilà encore que je digresse! Fan de lune! Ah oui, je disais que les films sont fidèles au texte de Pagnol et à son origine théâtrale.
C’est toujours une histoire d’amour impossible entre deux jeunes gens.
La première partie est axée autour de Marius, un jeune homme qui aide son père, César, à tenir un bar sur le Vieux-Port. Il aime la belle Fanny, qui vend des coquillages à quelques pas de là. Le toupin a trouvé sa cabecelle, car la jeune femme est elle aussi très amoureuse de lui. Simplement, ces deux basofi ne sont pas capables de s’avouer leurs sentiments.
Mais Marius ne déclare pas sa flamme pour une bonne raison : il sait qu’il a des envies d’ailleurs, des rêves de voyages et d’aventures à bord d’un voilier ou d’un cargo. Avant d’épouser une fille, il veut prendre la mer.
Pourtant, il se retrouve obligé de dévoiler son coeur quand Fanny annonce qu’elle envisage d’épouser Monsieur Panisse, un ami de César, bien plus âgé qu’elle, mais doté d’une belle situation.
Les deux jeunes gens entament une liaison et envisagent sérieusement de se marier et de fonder un foyer stable, mais leur bonheur est menacé par les vieux rêves de Marius…
La seconde partie est centrée sur Fanny, qui doit assumer les choix faits à la fin du premier opus. Un évènement inattendu l’oblige à reconsidérer l’offre de mariage de Panisse, très sérieusement cette fois…
Certains critiques intello/parigots trouveront peut-être cela trop classique, trop “poussiéreux”, mais quoi, c’est Pagnol, quoi! Vé, comme on ne change pas un OM qui gagne, on ne change pas non plus une trame dramatique aussi bien structurée!
Daniel Auteuil a quand même essayé de la “moderniser”, notamment au niveau du langage utilisé, et il a ajouté quelques scènes pour souligner, dans l’oeuvre initiales, les thèmes qui l’intéressent plus particulièrement : la paternité, la filiation, ce qui définit une relation parent-enfant, les liens du sang ou l’amour donné… Mais surtout, il a su garder l’essentiel de l’oeuvre : sa puissance émotionnelle, son humanisme, son âme.
On finit par être touchés par la détresse de Marius, grand dadais victime de ses atermoiements, par la tristesse de Fanny, qui se sacrifie toujours pour protéger ceux qu’elle aime, par la solitude de Panisse, ce veuf en mal de paternité, et celle de César, qui a du mal à dire à son fils qu’il l’aime.
L’ambition de Daniel Auteuil était sûrement de montrer que cette histoire écrite il y a près d’un siècle est toujours aussi universelle et aussi actuelle, qu’elle peut encore aujourd’hui faire vibrer les spectateurs. Et c’est réussi! Même si on connaît par coeur les films originaux, on est ré-ému. Oh peuchère, le jeu de mots à deux balles!
Cette version 2013 se distingue aussi par le choix des deux jeunes comédiens principaux. Le duo Raphaël Personnaz/Victoire Belezy n’a rien à envier à Pierre Fresnay/Orane Demazis. On ose même dire qu’il est plus glamour et plus convaincant.
Raphaël Personnaz, on le connaît un peu ce petit, avec sa gueule d’ange, mi-Alain Delon, mi Gérard Philippe, et son talent d’acteur qui lui a valu le prix Patrick Dewaere cette année. Mais Victoire Belezy est une révélation. Ah! La Sainte Victoire, le joyau de la Provence. Elle aussi est belle comme un coeur – quelle me fend, d’ailleurs – avec ses grands yeux, sa bouche sensuelle et son accent chantant.
Parmi les comédiens, on distinguera aussi Jean-Pierre Daroussin, touchant dans le rôle de Panisse et plus convaincant que dans La Fille du puisatier du même Auteuil, et Marie-Anne Chazel, très bien dans le rôle de l’explosive mère de Fanny.
Alors Pomponette, tu vas le voir ce film oui ou non? Il ne te convainc pas, mon argumentaire qui te dis que les deux films sont beaux et émouvants, qu’ils te font penser aux vacances et à l’été? Et le fait que le film soit composé d’un bon tiers d’émotion, un tiers de comédie, un petit tiers de cabotinages et un tiers de Pagnol? Que ça fait quatre tiers? Fada! Ca dépend de la hauteur des tiers!
Et puis quoi, encore? Tu aimes la critique française, mais tu n’es pas convaincu par ma prose? Ah, va téter tes yeux, figure de poulpe! Il se peut que tu aimes la critique française, mais la critique française te dis merde, comme elle dit merci à Monsieur Auteuil pour ces deux beaux films.
On attend désormais le troisième volet, César, dont le tournage devrait commencer prochainement.
En attendant, c’est l’heure d’un petit pastis, avant une petite sieste.
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Marius Marius Réalisateur : Daniel Auteuil Avec : Daniel Auteuil, Raphaël Personnaz, Victoire Belezy, Jean-Pierre Darroussin, Marie-Anne Chazel Origine : France Genre : pagnolesque Durée : 1h33 Date de sortie France : 10/07/2013 Note pour ce film : ●●●●○○ Contrepoint critique : Le Point |
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Fanny Fanny Réalisateur : Daniel Auteuil Avec : Daniel Auteuil, Victoire Belezy, Jean-Pierre Darroussin, Raphaël Personnaz, Marie-Anne Chazel Origine : France Genre : pagnolesque Durée : 1h42 Date de sortie France : 10/07/2013 Note pour ce film : ●●●●○○ Contrepoint critique : Le Point |
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