“Come and get it boys
Queens of noise
Not just one of your toys
Queens of noise” (1)
Les plus jeunes d’entre vous n’ont probablement jamais entendu parler de Joan Jett, chanteuse rock énervée des années 1980 ayant connu un gros succès avec son tube “I love rock’n roll”. Et encore moins de The Runaways, le groupe éphémère qu’elle forma à la fin des années 1970, avec quatre autres filles aussi déjantées qu’elle…
Les Runaways, le film de Floria Sigismondi qui raconte leur ascension, puis leur chute, va réparer cette lacune. Oui, “lacune”, car ce groupe de rock, l’un des premiers à être exclusivement composé de femmes et surtout, l’un des premiers à connaître un succès international, a signé quelques morceaux entraînants et a ouvert la voie au rock américain des années 1980.
Tout commence avec l’obsession qu’a Joan Jett, alors adolescente un brin rebelle, de devenir rockeuse. Elle ne connaît rien au solfège, ne sait pas vraiment jouer de la guitare, mais qu’importe, elle est pleine d’énergie et a des idées de chansons à revendre. Lorsqu’elle tombe sur Kim Fowley, producteur de disques réputé à Los Angeles, elle lui fait part de son envie de monter un groupe 100% féminin. Fowley, séduit par le concept, lui présente Sandy West, une batteuse qui a exactement la même ambition. D’emblée, le courant passe entre les deux filles, partageant la même passion et la même conception du rock. Leur pygmalion les aide à monter le groupe, leur offrant la possibilité de répéter dans une vieille caravane et sélectionnant avec elles les autres membres du groupe : Micky Steele, Lita Ford et surtout Cherie Currie, qui va devenir la principale chanteuse du groupe.
De répétitions musclées en premières scènes houleuses, Les Runaways arrivent à imposer leur style dans un milieu traditionnellement masculin, pour ne pas dire macho. Et finalement signent avec un grand label, s’ouvrant ainsi les portes d’un succès planétaire et notamment une tournée d’anthologie au Japon en 1977.
Mais la vie de stars du rock n’est pas toujours de tout repos et, fatigue, drogues et alcool aidant, des dissensions vont se faire jour au sein du groupe, qui finira par se séparer définitivement en 1979…
Toutes poursuivront leur carrière séparément, avec plus ou moins de bonheur, mais seule Joan Jett connaîtra un vrai succès en solo.
Cependant, curieusement, Joan Jett n’est pas le personnage central du film, le récit s’axant autour de Cherie Currie.
Peut-être parce que, comme le fait remarquer une des amies de Joan, “dans un groupe, les gens se rappellent toujours de la chanteuse”…
Ou, plus probablement, parce que le film de Floria Sigismondi s’inspire du livre de mémoires écrit par l’ex-star des Runaways (2).
Ou enfin, parce que, dans ce rôle, Dakota Fanning crève l’écran.
Loin de nous l’idée de dénigrer les performances des autres actrices du film, plutôt convaincantes, à commencer par Kristen Stewart, qui rappelle ici qu’elle a le talent pour jouer autre chose que des ados tourmentées dans des films de vampires cucul-la-praline, Alia Shawkat (révélée par Amerrika) ou Scout Taylor-Compton (l’héroïne des deux Halloween de Rob Zombie).
Mais c’est bien Dakota Fanning qui attire tous les regards. Non seulement elle fait preuve d’une incroyable présence à l’écran, irradiant de sensualité, mais elle joue juste de bout en bout, y compris quand son personnage devient une caricature de rock-star pervertie par l’alcool et les drogues en tout genre.
Il suffit de la voir, vêtue d’une guêpière blanche affriolante, se déhancher lascivement sur scène et chanter avec ses tripes le très entraînant “Cherry bomb” pour avoir illico envie de (re)découvrir l’intégralité des albums des Runaways.
Alors tant pis si la réalisation de Floria Sigismondi se fait un peu trop platement illustrative. Tant pis si cette histoire du groupe se termine de façon un peu abrupte après le départ de la chanteuse, avec un montage des plus elliptiques qui semble faire fi de toute chronologie… Les Runaways est un film sympathique qui carbure à l’énergie. Celle de la musique de ce quintette de demoiselles hyperactives, celle des jeunes actrices du film, celle de Michael Shannon, qui incarne avec un plaisir non-dissimulé le charismatique Kim Fowley, balançant au passage quelques répliques délicieusement vachardes.
Celle du rock’n roll, tout simplement…
”Hello daddy, hello mom
Im your ch- ch- ch- ch- ch- cherry bomb !
Hello world Im your wiiiiild girl
Im your ch- ch- ch- ch- ch- cherry bomb !” (3)
(1) : paroles issues de “Queens of noise” (Billy Bizeau) dans l’album éponyme des Runaways (1977, Mercury)
(2) : “Neon Angel, memoir of a runaway” de Cherie Currie – ed. Harper Collins (pas de traduction française, apparemment)
(3) : paroles issues de “Cherry bomb” (Joan Jett, Kim Fowley) dans l’album “The Runaways” des… Runaways (1976, Mercury)
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Réalisatrice : Floria Sigismondi
Avec : Dakota Fanning, Kristen Stewart, Scout Taylor-Compton, Michael Shannon, Alia Shawkat, Riley Keough
Origine : Etats-Unis
Genre : sex, drugs & rock’n roll
Durée : 1h46
Date de sortie France : 15/09/2010
Note pour ce film : ●●●●○○
contrepoint critique chez : Critikat
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[…] complément à notre critique du film Les Runaways, nous vous proposons cette petite vidéo, prestation scénique de la vraie Cherie Currie chantant […]
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Superbe critique pour ce groupe majeur, film tellement vrai que j’ai connu les Runaways avec et j’ai tout de suite aimé leur concept , leur musique, ce qu’elles représentent de la femme héroïne moderne dans le milieu du rock.