L’été 1983, dans la cité des Minguettes, à Vénissieux, un jeune homme du nom de Toumi Djaïdja est victime d’une bavure policière. Il survit à sa blessure et peut sortir assez rapidement de l’hôpital. D’autres personnes, immigrées ou issues de parents étrangers, n’ont pas eu cette chance. A cette époque, la France connaît un regain de xénophobie et de crimes racistes. Si la victoire de la gauche à l’élection présidentielle de 1981 avait pu faire naître un peu d’espoir chez la deuxième génération d’immigrants, le climat ambiant délétère, favorisé par la crise économique subie par le pays, devient préoccupant.
Quand Toumi Djaïda rentre chez lui, certains de ses amis le poussent à se venger des policiers qui l’ont blessé, afin de ne pas laisser le crime impuni Mais le jeune homme refuse cette escalade de la violence. Il veut faire bouger les choses de façon pacifique.
Avec l’aide d’un prêtre du quartier, Christian Delorme, il organise une “marche pour l’égalité et contre le racisme”, pour partir à la rencontre des français et les sensibiliser au manque de considération dont sont frappés les immigrés et leurs enfants nés dans l’hexagone.
Les marcheurs réclament une action gouvernementale forte pour que cessent les actes xénophobes et les meurtres barbares, et demandent des droits accrus pour les travailleurs immigrés. Ils veulent aussi prôner la mixité culturelle, religieuse, sociale, afin de redonner tout son sens à la devise de la patrie des Droits de l’Homme : “Liberté, Egalité, Fraternité”.
La marche part de Marseille le 15 octobre 1983, d’un quartier populaire où un jeune garçon de 13 ans vient d’être victime d’un crime raciste. Les participants ne sont pas nombreux. Moins d’une vingtaine, dont la moitié viennent des Minguettes.
Leur mouvement démarre dans l’anonymat le plus complet. En route, ils doivent subir les sarcasmes des racistes de tous poils, et peu de gens viennent les soutenir, à l’instar de ce supporteur isolé – mais enthousiaste – qui les accueille à Salon-de-Provence. Mais ils ne se découragent pas et continuent d’avancer, qu’il pleuve, qu’il vente ou qu’il neige. Et, peu à peu, au fil des jours, au gré des rencontres, leur mouvement prend de l’ampleur. Lorsqu’ils repassent par Lyon, mille personnes les attendant. Et à leur arrivée à Paris, le 3 décembre, une foule de plus de 100000 marcheurs les rejoint. LLe mouvement ne peut plus être ignoré par les média, ni par les hommes politiques.
Le Président de la République, François Mitterrand, acceptera de les recevoir et d’écouter leurs doléances. Ils obtiendront la fusion des permis de séjour et de travail de immigrés et l’extension de leur durée de validité à dix ans, ainsi qu’une loi visant à condamner plus sévèrement les crimes à caractère raciste.
Quelques milliers de petits pas pour ces hommes et ces femmes, un grand pas pour l’Humanité…
Trente ans après, Nabil Ben Yadir leur rend hommage en retraçant leur parcours au cinéma, aidé d’une belle brochette de marcheurs/comédiens : Tewfik Jallab, Olivier Gourmet, Lubna Azabal, Hafsia Herzi, Charlotte Le Bon, M’Barek Belkouk, Nader Boussandel, Philippe Nahon et Jamel Debbouze.
Il le fait d’une façon romancée, en s’inspirant assez librement des faits réels, modifiant les noms des personnages et ajoutant probablement des péripéties fictives pour servir le propos de l’oeuvre.
A cause de cela, on pourrait facilement attaquer le film, pointer sa maladresse ou sa lourdeur. Certaines situations sont un peu trop appuyées pour être honnêtes. Et même si le cinéaste essaie d’apporter de la nuance à son propos en multipliant les points de vue et en évitant de tomber dans le manichéisme, certaines séquences semblent trop faciles, trop factices… On pourrait aussi dire que le film abuse parfois des bons sentiments pour provoquer l’émotion chez le spectateur…
Seulement voilà, on n’a pas du tout envie de dire du mal de ce film. Bien au contraire.
Il est tellement généreux, tellement empli d’humanisme et d’énergie positive, porté avec une telle ferveur par ses interprètes et son équipe technique, qu’on a plutôt envie de le soutenir, le protéger et le recommander ardemment.
Ici, on est au-delà du domaine cinématographique pur. On est dans l’oeuvre d’utilité publique.
Nous sommes en 2013. Certaines des doléances des marcheurs sont toujours d’actualité. Et si le regard porté sur les français issus de l’immigration a sensiblement évolué au fil des années, avec notamment quelques belles pages d’histoire, comme la célébration de la “France Black Blanc Beur” lors de la coupe du Monde de football 1998, on assiste depuis quelques temps à un net retour en arrière.
Alors que la France est en pleine crise économique et politique, certains citoyens semblent tentés par le repli communautaire et le vote pour un parti dont on oublie un peu vite qu’il fut longtemps – et qu’il est toujours – le nid d’extrémistes xénophobes. Les propos racistes et les actes d’intolérance sont en nette recrudescence et ne sont pas suffisamment dénoncés. Pire, des hommes politiques des partis traditionnels, de droite ou de gauche, surfent sur cette tendance à des fin électorales.
En ces temps troublés, un film comme celui-ci est utile, nécessaire. Il rappelle à tout le monde les valeurs qui sont censées unir notre pays, et les vertus de tolérance et de fraternité qui font la grandeur du genre humain.
Alors qu’importe si le scénario joue un peu trop sur le registre de l’émotion facile et le didactisme. Après tout, Nabil Ben Yadir ne fait qu’utiliser les mêmes armes que ces extrémistes qui utilisent d’autres émotions, la haine et la peur de l’autre, pour convertir des individus à leurs idées.
Qu’importe le manque d’ampleur de la mise en scène. Elle est compensée par l’énergie des comédiens, unis pour combattre l’intolérance et la bêtise.
En entrant dans la salle de projection, nous étions tous des spectateurs. En en sortant, nous sommes tous des marcheurs…
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La Marche La Marche Réalisateur : Nabil Ben Yadir Avec : Tewfik Jallab, Olivier Gourmet, Lubna Azabal, Hafsia Herzi, Charlotte Le Bon, M’Barek Belkouk Origine : France, Belgique Genre : jeux de rôles, de séduction et de pouvoir Durée : 1h35 Date de sortie France : 27/11/2013 Note pour ce film : :●●●●●○ Contrepoint critique : Le Journal Du Dimanche |
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