Disons-le tout de suite. Jimmy’s hall, annoncé comme l’ultime long-métrage de Ken Loach avant une retraite bien méritée, n’est pas l’oeuvre la plus brillante du cinéaste britannique. Mais c’est néanmoins un film fort sympathique, qui boucle en beauté une carrière remarquable, en faisant un peu la synthèse des thématiques abordées par Ken Loach au cours des cinquante dernières années.
Déjà, on retrouve là le cadre – l’Irlande – et l’époque – le début du vingtième siècle – du film qui lui apporta la consécration cannoise en 2006, Le Vent se lève. En fait, le récit se déroule une dizaine d’années après, et est axé autour de Jimmy Gralton (Barry Ward), un militant communiste irlandais ayant réellement existé. Il ne s’agit pas vraiment d’une biographie. Ken Loach et son scénariste Paul Laverty s’intéressent juste à un épisode de la vie du personnage. Son retour au pays, dans son village natal, Effrinagh, après dix ans d’exil aux Etats-Unis.
D’abord tenté de reprendre une vie normale loin du tumulte de l’époque de la guerre civile, Jimmy Gralton s’est toutefois laissé convaincre par plusieurs jeunes gens du comté de rouvrir le “hall”, un local populaire dédié à la danse, la littérature, la poésie, le chant et la culture au sens large. A priori, rien de bien méchant, sauf pour les propriétaires terriens ultra-réactionnaires et les représentants locaux de l’Eglise Catholique, qui voyaient dans ce centre culturel un moyen de propager des idées communistes et révolutionnaires, et une menace pour la culture traditionnelle irlandaise.
Le récit raconte le combat de Jimmy Gralton et des partisans pour défendre la liberté d’expression, la liberté de penser, le droit à l’éducation, la culture, la liberté… Et on retrouve là tout le cinéma de Ken Loach, toutes les valeurs portées par le cinéaste durant ses quarante ans de carrière : Les idéaux de Gauche, bien sûr, auxquels il a adhéré toute sa vie, la mise en avant du collectif par rapport à l’individualisme, et la foi en l’utilité de la lutte politique pour faire vaciller les puissants. Mais aussi, au-delà de cela, des idéaux humanistes universels et une certaine conception de la culture et du septième art comme moyen d’éveiller les consciences endormies.
Il y a encore le ton assez caractéristique des films de Loach, cet alliage subtil de légèreté et de gravité, de fantaisie et de réalisme social, de poésie et de politique. Comme dans la plupart de ses comédies dramatiques, de Riff-Raff à La Part des Anges.
Bon, on reste cependant un bon cran en-dessous des réussites majeures du cinéaste. L’humour grinçant de Raining stones, la force mélodramatique de Ladybird, ou le lyrisme de Le Vent se lève sont là, mais un peu atténués.
Ce qui reste au sommet, en revanche, c’est le flair de Loach pour dénicher de nouveaux talents. Il révèle ici Barry Ward, jeune acteur promis à une belle carrière, tout comme sa partenaire, Simone Kirby, une jeune femme au caractère bien trempé.
Ken Loach quitte donc la piste en nous offrant ces deux jeunes pousses, qui continueront peut-être à disséminer à leur façon, à travers leur carrières d’acteurs, un peu de ses valeurs politiques, sociales et humanistes. Et s’ils ne le font pas, on se consolera de toute façon avec tous ces cinéastes en herbe qui ont grandi avec les films du cinéaste britannique, et qui, à n’en pas douter, reprendront le flambeau… et le combat.
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