En 1945, juste après la seconde guerre mondiale, Jimmy Picard, un indien blackfoot (Benicio Del Toro), retourne dans le Montana, après avoir combattu en Europe sous la bannière américaine. Le retour n’est pas de tout repos, puisqu’il s’aperçoit que sa femme a profité de son absence pour fricoter avec un autre. Il divorce et part s’installer auprès de sa soeur, qui gère d’une main de fer la ferme familiale. Au bout de quelques semaines, il se met à éprouver de violents maux de tête. Sa vue se trouble, son bras se raidit, il se sent oppressé.
Les crises se faisant de plus en plus fréquentes, il part consulter les médecins de l’US Army. Ceux-ci pensent tout d’abord que ce mal est la conséquence d’une blessure que le soldat à reçue au combat, mais les examens complémentaires ne laissent apparaître aucun problème d’ordre physiologique.
Le centre psychiatrique de Topeka prend en charge le patient. Là encore, les médecins ont du mal à appréhender son cas, différent des malades qu’ils ont usuellement à soigner. Ils font appel à un curieux frenchie, George Devereux (Matthieu Amalric). Il n’est pas officiellement médecin, mais est expert en psychanalyse et en anthropologie, avec une spécialisation dans les tribus indiennes. En quelques jours, il obtient de bien meilleurs résultats que les psychiatres locaux. La clinique lui confie officiellement la psychothérapie du patient Jimmy Picard.
Là, on s’avoue un peu perplexes face au nouveau film d’Arnaud Desplechin… Qu’est-ce qui a bien pu pousser le cinéaste français à se lancer dans ce projet-là?
L’envie, peut-être, de réaliser son rêve américain : un tournage en langue anglaise, aux Etats-Unis, avec une star hollywoodienne (Benicio Del Toro) et un sujet qui flirte un peu avec LE genre américain de référence, le western. Si tel est le cas, c’est réussi. Jimmy P. a tout du film hollywoodien. Il possède les mêmes qualités que les gros films issus de l’usine à rêves californienne. De belles images et de beaux mouvements de caméra, une direction artistique de qualité, des acteurs impeccables… De ce point de vue-là, rien à dire, c’est un joli film.
Mais il en possède aussi, hélas, les mêmes défauts. A commencer par un scénario beaucoup trop linéaire, manquant singulièrement de nuances. Tiré d’une histoire vraie, comme revendiqué au début du film? La belle affaire! Comme si l’argument était un gage de sincérité ou de qualité…
La mise en scène de Desplechin, habituellement fine et subtile, reste ici platement illustrative. Elle ne parvient jamais à donner au film l’ampleur et la profondeur qu’il méritait. En fait, on a l’impression désagréable d’un cinéaste qui se contente de regarder jouer ses acteurs principaux. Certes, Del Toro et Amalric, de presque tous les plans, sont tous deux brillants, et leurs échanges verbaux sont parfois assez savoureux, mais quand même…
Et que dire de la musique, omniprésente, tonitruante, qui vient surligner lourdement chaque effet mélodramatique, chaque pseudo rebondissement. Elle est insupportable, tout simplement.
On s’est ennuyés devant cet objet filmique techniquement irréprochable, mais bien trop froid, bien trop lisse et, surtout, n’exploitant jamais vraiment les possibilités offertes par le scénario. On aurait aimé que le cinéaste explore un peu mieux les similitudes entre le patient et son thérapeute, deux hommes déracinés, ayant vu leur peuple subir un génocide – le massacre des indiens d’Amérique pour l’un, la shoah pour l’autre – et ayant, à des degrés différents des difficultés à construire des relations durables avec les femmes. Tout cela n’est qu’effleuré par le scénario, alors que c’était probablement le plus intéressant dans cette histoire…
Que l’on se comprenne bien, Jimmy P. n’est pas un navet, loin de là, mais on attendait mieux de la part du cinéaste, dont le dernier passage à Cannes, avec Un conte de Noël, nous avait véritablement enchantés.
Pour nous, clairement, Desplechin signe ici le film le moins intéressant de sa filmographie, et on serait franchement frustrés de le voir décrocher un prix au palmarès de cette 66ème édition.
Cette colère, c’est grave docteur?
Notre note : ●●○○○○