C’est ce qui s’appelle une erreur de communication…
L’affiche de JC comme Jésus Christ semble évoquer une comédie “grand public”, au sens péjoratif du terme, et chercher à appâter les spectateurs de La Vérité si je mens ! 3 avec le slogan “L’autre comédie de ce début d’année! La vérité, tu vas kiffer!” présent sur certains formats…
Mouais… Voilà qui va peut-être attirer des spectateurs dans les salles, mais risque aussi de les en faire sortir vraiment furibards… Car le film évolue dans un tout autre registre que celui de la grosse comédie populaire, et ne plaira donc pas à tout le monde…

JC comme Jesus Christ - 5

En fait, Jonathan Zaccaï pense, comme son personnage principal, que “le spectateur est un labrador”, un bon gros toutou docile qui gobe presque tout, mais qui en a peut-être un peu marre de se faire caresser toujours dans le sens du poil… Alors, il a envie de le malmener un peu, ce spectateur, ou du moins, lui proposer quelque chose de différent de ce qu’il voit d’ordinaire.
JC comme Jésus Christ est bien une comédie, mais c’est donc une comédie atypique,  différente, complètement  décalée et délirante, qui joue sur un humour très référentiel. Et qui s’articule quasi-exclusivement sur son personnage principal, grand dadais touchant de par sa maladresse et son immaturité, mais irritant de par sa vanité et son égo démesuré. Un gamin à la fois génial et insupportable…

Jean-Christophe Kern, JC pour les intimes, est à première vue un adolescent ordinaire, qui angoisse à l’idée de passer son bac. Mais c’est aussi et surtout une star, propulsée au firmament du septième art par l’obtention d’une palme d’or à quinze ans et d’un César à seize. Un génie particulièrement précoce que tout le monde s’arrache…
Il partage son temps entre l’appartement de ses parents, les bancs du lycée et les bureaux de ses producteurs, entre sa petite amie officielle, Marie, autre surdouée qui est déjà en train de préparer l’ENA, ses maîtresses – les actrices de cinéma Elsa Z. et Aure A. (mais chut…)- et des call-girls avec qui il se goinfre de corn flakes et plus si affinités…
JC a un peu la grosse tête. Il peut l’avoir avec tous ces gens qui gravitent autour de lui et ne ratent pas l’occasion de lui cirer les pompes… Et maintenant, voilà qu’une équipe de reporters a décidé de le suivre 24h/24 pendant une semaine, pour que ses fans puissent se délecter du quotidien de ce génie du cinéma…

JC comme Jesus Christ - 8

L’idée de Jonathan Zaccaï était séduisante. Autour de cet antihéros appelé à devenir culte, il a construit un documenteur humoristique qui lui autorisait une certaine liberté de mouvement et lui permettait d’empiler des saynètes humoristiques traitant de la célébrité, de la starification outrancière des anonymes, via notamment la télé-réalité,de la notion toute relative de “génie” et de ce monde de faux-semblants qu’est le milieu du cinéma…

JC disserte de tout et de rien, du cinéma, de la célébrité, du bac, des choses de l’amour et du sexe (la scène de sexe tournée pour Amnesty international et la libération des dissidents chinois est un grand moment de nonsense…), de céréales et de relations parents-enfants.

JC comme Jesus Christ - 2

Et quand il ne se lance pas dans un de ses monologues nonchalants dont il a le secret, on le voit essayer de monter ses prochains films.
En tant qu’artiste avant-gardiste, JC a un projet un peu fou (et hilarant, pour le spectateur) : réaliser un biopic du pédophile belge Marc Dutroux, mais sous la forme d’une… comédie musicale! Et chorégraphiée par Kamel Ouali!
Un projet insensé, digne du défi que s’était lancé Nanni Moretti dans son  Journal intime, avec son histoire de film musical sur un pâtissier trotskyste dans l’Italie des années 1920 (1)…
Et en parallèle, JC travaille sur un concept tout aussi ambitieux et compliqué, soufflé sur l’oreiller par sa maîtresse, l’actrice Elsa Z. (joli numéro d’autodérision d’Elsa Zylberstein) : une adaptation de “La Guerre des Juifs”, pavé historique de 600 pages écrit en araméen par Flavius Josèphe. Le genre de truc réputé inadaptable…

JC comme Jesus Christ - 4

Evidemment, ses producteurs (joli numéro d’autodérision de Nathanaël Karmitz) commencent à se poser des questions sur la santé mentale du jeune prodige et sur leur intérêt à financer des choses aussi tordues… Et ils font traîner les choses en attendant de trouver un nouveau visage capable d’éclipser leur metteur en scène star. Dans le milieu, les jeunes talents sont légion et ne demandent qu’à avoir une chance de se faire une place au soleil…

JC se demande soudain si tout ceci ne correspond pas aux prémices de son inéluctable déclin de popularité. Et à un âge où on a besoin de reconnaissance, cela fait plutôt mal.
C’est là que le film prend une tournure plus amère, plus grinçante, et quitte le registre de la pure comédie. Le jeune héros, malgré la haute estime qu’il a de lui-même, sent bien que sa vie prend l’eau de toutes parts.
Ses parents, déjà lassés de cette exposition médiatique permanente, sont également vexés de voir les rôles s’inverser et de se laisser entretenir par leur génial mais tyrannique fiston. Ils décident donc que le jeune homme doit s’émanciper et s’assumer tout seul. Et hop, ils le mettent à la porte du domicile familial…
Son ex, l’actrice Aure A. (joli numéro d’autodérision d’Aure Atika) lui reproche d’avoir déballé leur intimité sur grand écran et menace de lui faire un procès.
Et même la douce Marie finit par en avoir assez de son égocentrisme forcené, son immaturité et son côté volage. Elle laisse tomber le garçon au moment où il a le plus besoin de soutien.

JC comme Jesus Christ - 3

Vie privée en berne, projets professionnels dans l’impasse, et baccalauréat très compromis, vu que le génie de la mise en scène est aussi un cancre dans la vie de tous les jours… Quelles perspectives d’avenir s’offrent à lui?
Si on considère que son talent était très relatif, fabriqué de toutes pièces par les média et un public hystérique, alors son futur ressemblera à celui de nombreuses gloires éphémères de la téléréalité, aujourd’hui dépressives ou SDF…
S’il avait effectivement une petite lueur de génie, son avenir sera un peu plus clément, mais il devra peut-être évoluer dans la marge pour exprimer sa créativité, à l’instar de son mentor, JLG, Jean-Luc Godard, comme le laisse à penser le plan final.

Le film, derrière sa tonalité badine et fantaisiste, s’érige finalement comme une subtile critique de la culture moderne – modes et ses stars éphémères, formatage des goûts et de la pensée des spectateurs, artistes connus pouvant financer n’importe quoi pendant que les vrais auteurs tombent dans l’oubli… – et tente donc de sortir du lot avec ses propres atouts, à commencer par son humour caustique et la performance de Vincent Lacoste dans le rôle-titre, dans la lignée de ses rôles dans Les Beaux gosses et Le Skylab.

JC comme Jesus Christ - 7

On aimerait souhaiter à Jonathan Zaccaï le même succès que son personnage, ou même une belle carrière à la Godard. Mais on peut sérieusement en douter. Parce que le labrador, bien nourri aux croquettes hollywoodiennes et à la pâtée franchouillarde, n’aura peut-être pas envie de se faire caresser à rebrousse-poil…
L’acteur belge, qui passe ici derrière la caméra, aurait sans doute dû chercher à attirer davantage un public cinéphile, capable d’apprécier les références cinématographiques dont il a émaillé son long-métrage, plutôt que ce que l’on appelle vulgairement le “grand public” et qui n’appréciera peut-être pas cet humour particulier…

En cas d’échec, il pourra toujours se poser en artiste maudit et incompris, comme son JC, et regretter d’avoir investi ses économies dans le projet (2). Mais il lui faudra aussi se remettre en question, car son film n’est pas exempt de défauts.
Par exemple, il y a le choix de la caméra numérique façon documentaire. Certes, cela était imposé par le concept même du film, mais cela donne des images assez ternes, granuleuses, qui nuisent à l’esthétique de l’ensemble. Et cela permet aussi une certaine paresse au niveau de la mise en scène, qui du coup semble assez plate.
Mais surtout, il y a un gros problème de rythme. L’idée de Jonathan Zaccaï était brillante pour… un court-métrage!
Là, on a la désagréable impression que l’inspiration du cinéaste s’étiole au fil des minutes. Les apparitions de célébrités font moins sourire, les répliques font moins mouche, certaines scènes sont redondantes, ou pire traînent artificiellement en longueur, comme si elles n’étaient là que pour que le film atteigne la durée requise.
La scène avec Kad Merad, par exemple, s’avère assez insupportable et inutilement étirée…

JC comme Jesus Christ - 6

Cela dit, loin de nous l’envie de  euh… crucifier ce JC comme Jésus Christ.
Le film se laisse voir avec plaisir, pour peu que l’on passe outre ses quelques défauts. Certains passages sont même assez savoureux, comme la tentative désespérée de Gilles Lellouche de chipper le rôle de Marc Dutroux au nez et à la barbe de Vincent Cassel, ou les propositions musicales du compositeur (David Gategno, survolté) pour “Dutroux in the rain” (3).
Et il faut reconnaître à Jonathan Zaccaï un don certain pour dénicher de jeunes talents prometteurs. Ella Waldmann, dont c’est la première apparition dans un film, crève l’écran dans le rôle de Marie, et on a très envie de la revoir très vite dans de nouveaux longs-métrages.

Donc ne vous fiez pas à l’affiche, ni aux slogans. JC comme Jésus Christ n’a rien de la comédie de l’année et ne cherche pas à rivaliser avec des ténors du box-office, ni même avec les grands noms du septième art .
C’est un “petit” film sympathique, entre copains, bricolé avec trois fois rien et réalisé rapidement, à l’énergie et à l’envie. Et ce n’est déjà pas si mal…

(1) : Il tournera finalement  la séquence dans Aprile
(2) : Jonathan Zaccaï a autoproduit son film, pour un budget “dérisoire” de 30000 €
(3) : C’est dingue, mais ça donne presque envie de voir ce truc là se faire vraiment. Dans les bonus du futur DVD?

________________________________________________________________________________

JC comme Jesus Christ JC comme Jésus Christ
JC comme Jésus Christ

Réalisateur : Jonathan Zaccaï
Avec : Vincent Lacoste, Ella Waldmann, Elsa Zylberstein, Aure Atika, Elodie Hesme, Eric de Montalier
Origine : Belgique, France
Genre : JC superstar
Durée : 1h15
Date de sortie France : 08/02/2012
Note pour ce film : ●●○○○
contrepoint critique chez : Le Nouvel Obs

________________________________________________________________________________

LEAVE A REPLY