Le cinéma art & essai vous gonfle? Vous aimez les montages ultra-nerveux plutôt que les plans fixes d’une demi-heure? Vous préférez les films dont les héros ont des ennuis plutôt que ceux où vous éprouvez de l’ennui?
Les bons sentiments et la guimauve vous écoeurent? Vous ne pouvez plus voir en peinture les comédies familiales calibrées pour le grand public? Vous ne seriez pas contre un peu – beaucoup – de noirceur et de cynisme?
Alors, le cinéma sud-coréen a pensé à vous, cet été, avec non pas un mais deux films agités du bocal et peu recommandables aux âmes sensibles. Deux thrillers noirs de chez Noir, sauvages, violents, sanglants…
Deux longues courses-poursuites jalonnées de cadavres et menées à un train d’enfer…
Tiens, puisqu’on parle d’enfer, le premier film se nomme J’ai rencontré le Diable.
Il s’agit du nouveau long-métrage de Kim Jee-woon, cinéaste éclectique qui s’illustre à chaque fois dans un genre différent.
Après le drame (The quiet family, A bitterswet life), la comédie (The Foul king), le fantastique (Deux soeurs) et le western (Le Bon, la brute et le cinglé), le voici qui s’attaque au thriller horrifique en s’inscrivant dans la droite ligne des polars violents de ses compatriotes Park Chan-wook (Sympathy for Mister Vengeance, Old boy) ou Na Hong-jin (The Chaser). Et, comme a son habitude, le cinéaste ne fait pas les choses à moitié, livrant l’un des films les plus déjantés et les plus tordus du genre…
Tout commence par une froide nuit d’hiver… Prise dans une tempête de neige, la jolie Joo-yun tombe en panne au bord de la route. Un type s’arrête et propose de l’aider. Hélas pour elle, il s’agit de Kyung-chul (Choi Min-sik), un tueur en série particulièrement sadique…
La jeune femme est kidnappée, violentée et assassinée brutalement. La police retrouvera son corps sous forme de puzzle, le meurtrier l’ayant découpée en plusieurs morceaux.
Fou de douleur et de colère, Soo-hyun (Lee Byung-hun), le fiancé de Joo-yun, jure de venger celle qui l’aimait en traquant et en faisant souffrir en retour le tueur psychopathe. Et celui-ci peut s’inquiéter car Soo-hyun n’est pas n’importe qui : c’est un agent secret parfaitement entraîné au combat et bénéficiant d’une certaine liberté d’action sur le territoire…
Soo-hyun a tôt fait de trouver la piste du tueur et de dénicher dans son repaire la preuve de sa culpabilité. Les deux hommes s’affrontent et l’agent secret prend le dessus. Mais contre toute attente, il laisse la vie sauve au psychopathe et l’abandonne, assommé, salement amoché… et équipé à son insu d’un émetteur qui lui permet de suivre sa trace à tout moment. Soo-hyun ne cherche pas à simplement tuer le criminel. Il veut faire de sa vie un cauchemar. S’il le laisse partir en cavale, en quête d’autres victimes potentielles, c’est pour pouvoir lui donner une bonne leçon à chaque fois qu’il s’apprête à passer à l’acte (oui, la méthode est curieuse, mais en Corée, c’est comme ça…)
C’est le début d’une longue et folle course-poursuite où le chasseur joue avec sa proie, mais s’expose aussi à un retour de manivelle. Car évidemment, en bon tueur en série, Kyung-chul maîtrise lui aussi ce jeu du chat et de la souris et ne demande qu’à inverser les rôles… Et de toute façon, le bonhomme a du répondant : chaque étape du parcours est marqué par un affrontement homérique entre les deux protagonistes, qui échangent coup pour coup et mettent à mal leur intégrité physique.
Le film prend une dimension particulièrement outrancière avec cet affrontement sado-masochiste digne des cartoons de Tex Avery et consorts…
… en plus sombre et plus trash quand même… Car Kim Jee-woon nous emmène en voyage au coeur d’un Corée du Sud sauvage, ultraviolente et dégénérée, peuplée de vengeurs amoraux, de tueurs en série retors et même de cannibales féroces.
Sous la houlette du cinéaste coréen qui, en plus de son talent de faiseur d’images, sait aussi comment transformer un pur divertissement en pamphlet grinçant, on pouvait s’attendre à une belle réussite.
Mais abondance de bien nuit parfois et le film pèche par excès d’un peu de tout : de violence, d’hémoglobine, de folie, de rythme, et surtout de durée. Plus de 2h30 de course-poursuite endiablée, cela fait beaucoup, et le spectateur risque de se lasser avant le dénouement…
On pourrait reprocher la même chose au nouveau film de Na Hong-jin (l’auteur de The chaser, film qui semble avoir influencé J’ai rencontré le Diable).
The Murderer est une longue cavale de 2h20 entre la Corée du Sud et la Chine. Mais si le rythme est aussi trépidant que celui du film de Kim Jee-woon, le ton est cependant très différent : Moins de grand guignol, moins d’outrance cartoonesque, mais une ambiance crépusculaire et une intrigue très noire, sans issue pour les protagonistes…
Le personnage principal est Gu-nam (Ha Jung-woo), un chauffeur de taxi miséreux qui lutte pour survivre à Yanji, une ville à la frontière de la Russie et de la Corée du Nord. Pour améliorer leur quotidien, sa femme est partie travailler en Corée du Sud – et ne donne plus de nouvelles depuis – et lui tente sa chance aux tables de jeux – en vain.
Criblé de dettes, Gu-Nam n’a d’autre choix que d’accepter le marché proposé par une triade locale. En échange d’une forte somme d’argent, il doit partir en Corée du Sud et honorer un “contrat” – tuer un homme…
Il réussit à trouver sa cible, mais les choses ne se passent pas comme prévu. Il se retrouve pris au piège dans un pays étranger, seul contre tous, poursuivi par la police, par la mafia sud-coréenne et par le commanditaire du meurtre en personne, venu faire taire celui qui pourrait devenir un témoin gênant…
Débute alors une course-poursuite haletante, menée sur tout le territoire sud-coréen.
Ce thriller ne lésine pas sur le spectacle. Il est ponctué de combats violents à mains nues, à l’arme blanche, à coups d’objets contondants et même d’un os de gigot (oui, oui… curieux mais efficace) ainsi que de poursuites automobiles d’anthologie. Mais, comme pour le film de Kim Jee-woon, toute cette action donne un sentiment de trop-plein qui finit par lasser.
Mais attention, The murderer n’est pas qu’un simple polar musclé. Au passage, le titre “français” est idiot. Il entend marquer la filiation avec The Chaser d’accord, mais du coup on perd ce qu’implique le titre original “The Yellow sea” (La Mer Jaune). En effet, la Mer Jaune est le nom donné à ce bras de mer de l’Océan Pacifique qui sépare la Chine des deux Corée. Or le film parle bien de migration entre les deux pays. La ville de départ, Yanji, est d’ailleurs une ville dont la population est majoritairement d’origine coréenne et qui est le chef-lieu de la préfecture autonome coréenne de Yanbian. Elle a longtemps servi de zone d’accueil pour les migrants en provenance de Corée et de Russie, et de comptoir commercial entre les différents pays.
Aujourd’hui, cette région de Chine subit un certain marasme économique qui contraste avec la réussite du pays depuis l’ouverture à l’économie de marché. Les habitants de cette zone cherchent donc à émigrer vers la Corée du Sud pour gagner leur vie, et sur place, ils ne sont souvent pas les bienvenus.
En filigrane, le film s’avère donc une critique sociale pertinente sur ce phénomène nouveau et problématique auquel est confrontée la Corée du Sud, en plus des flux migratoires en provenance du nord (voir The Journals of Musan, primé à Deauville Asia cette année).
The Murderer comme J’ai rencontré le Diable sont des oeuvres intéressantes qui derrière un emballage de polar ultra-nerveux, abordent de manière détournée de problèmes contemporains et traitent de la violence de la société.
Ils s’inscrivent dans la mouvance d’un cinéma de genre coréen efficace, dont les chefs de file sont Park Chan-wook et Bong Joon-ho, mais mettent aussi en évidence le talent particulier de chacun de leurs auteurs, Kim Jee-woon et Na Hong-jin.
Deux films à découvrir, donc, malgré les défauts évoqués. A condition d’avoir l’estomac bien accroché… Car ils sont fous ces coréens…
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J’ai rencontré le Diable
Akmareul boatda
Réalisateur : Kim Jee-woon
Avec : Lee Byung-Hun, Choi Min-sik, Oh San-ha, Chun Kook-Haun, Chun Ho-Jin, Yoon-seo Kim
Origine : Corée du Sud
Genre : jeu du chat et de la souris (version trash)
Durée : 2h22
Date de sortie France : 06/07/2011
Note pour ce film : ●●●●○○
contrepoint critique chez : Excessif
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The Murderer
Hwanghae
Réalisateur : Na Hong-jin
Avec : Kim Yun-seok, Jung-woo Ha, Jo Seong-Ha, Chul-min Lee, Byoung-kyu Kwak
Origine : Corée du Sud
Genre : arrête-moi si tu peux
Durée : 2h20
Date de sortie France : 20/07/2011
Note pour ce film : ●●●●○○
contrepoint critique chez : Libération
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