La scène introductive donne le ton : deux hommes roulent en voiture sur une petite route de campagne. Ils croisent une jeune fille en vélo. Le conducteur descend de la voiture, faisant mine de lui demander un renseignement, mais il la poursuit dans le champ de blé voisin, la viole et la tue, devant le regard médusé de son ami… Oui, messieurs-dames, la vie est parfois bien cruelle et la mort totalement injuste. Et on peut trouver des cinglés un peu partout, même au fin fond de la cambrousse allemande…
23 ans après, jour pour jour, après ce meurtre, resté non-élucidé, un vélo est retrouvé exactement au même endroit, et une jeune collégienne manque à l’appel. Le pédophile meurtrier aurait-il encore frappé? C’est ce que pensent les policiers chargés de l’enquête et l’ancien flic ayant travaillé sur le dossier.
Et c’est aussi ce que pense l’ex-complice du tueur, qui a pris ses distances avec ce dernier depuis le crime et est aujourd’hui un père de famille tout à fait respectable…
Second film de Baran Bo Odar, Il était une fois un meurtre est à la fois fascinant et dérangeant.
Fascinant, déjà, de par sa construction. On sait qui est coupable du premier meurtre, mais on ignore tout de l’identité du second, et le suspense durera jusqu’à la dernière image du film. Qui est responsable de cette nouvelle disparition ? L’auteur du crime original ou bien un copycat ayant connaissances des détails du premier crime. La mère de la victime n°1? L’ex-flic? L’ancien complice du tueur?
Fascinant aussi, par son intrigue qui privilégie l’aspect psychologique plutôt que les rebondissements spectaculaires. On a rarement vu description aussi clinique de la douleur éprouvée par les proches des disparues : l’attente insoutenable, les espoirs maladroitement entretenus par les flics ou les média, la crainte d’un coup de fil funeste qui sonnerait en même temps comme un soulagement,…
Dérangeant parce que montrant la perversion “ordinaire” de types “ordinaires”. Les deux complices du début sont des gens apparemment biens sous tous rapports. L’un est un gardien d’immeuble affable, courtois et serviable, l’autre est un étudiant en architecture hyper-sérieux. Et pourtant, ces deux hommes sympathiques ont de très nets penchants pédophiles, qu’ils assouvissent initialement en se masturbant sur des vidéos pédophiles clandestines. Malsain, mais pas méchant… Mais Et un beau jour, l’un d’eux craque, viole et assassine une jeune fille innocente…
A l’écran, grâce au talent des deux interprètes principaux – Ulrich Thomsen et Wilke Möhring – et de la mise en scène, à bonne distance des personnages, ils n’apparaissent pas comme des salauds mais comme de pauvres types malades, prisonniers de leurs pulsions et luttant pour avoir une vie normale…
N’importe qui peut péter les plombs, semblent vouloir dire le réalisateur suisse et l’auteur du polar dont le film est tiré, Jan Costin Wagner (1). Le père de la disparue vient au poste agresser les policiers pour évacuer la tension nerveuse qui l’envahit, le jeune flic s’emporte contre son supérieur – à juste titre vu que c’est un crétin incapable… – ou même la victime, insolente vis à vis de ses parents juste avant de partir en claquant la porte – pour ne jamais revenir…
Pour eux, il n’y a pas de bien et de mal, pas de monstres, juste des actes monstrueux… Cela revient à dire que chacun de nous cacherait un pervers ou un assassin en puissance… Brrr… Ca fait froid dans le dos.
Oui, Il était une fois un meurtre est une oeuvre volontairement glaciale et atone, qui suscite à la fois l’adhésion et le rejet. Elle nous pousse à regarder nos voisins différemment tout en nous forçant à nous interroger sur nos propres zones d’ombres, nos propres petits secrets, nous laisse un peu pantelants et pas très joviaux,…
C’était là le but recherché, et c’est donc une réussite, qui impose le suisse Baran Bo Odar comme un cinéaste à suivre…
(1) : “Le Silence” de Jan Costin Wagner – éd. Chambon Jacqueline
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Il était une fois un meurtre
Das Letzte Schweigen
Réalisateur : Baran Bo Odar
Avec : Ulrich Thomsen, Wilke Möhring, Katrin Sass, Burghart Klaussnere, Sebastian Blomberg, Karoline Eichhorn
Origine : Allemagne
Genre : drame criminel
Durée : 1h58
Date de sortie France : 27/04/2011
Note pour ce film : ●●●●●○
contrepoint critique chez : Excessif
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Bonjour, j’ai trouvé ce film d’atmosphère remarquable de bout en bout avec ces assassins ordinaires. C’est dommage que ce film soit sorti dans peu de salles et qu’il n’ai pas rencontré plus de succès. Il sort vraiment du lot. Bon dimanche.