Si vous êtes à la fois amateur de sport et de cinéma, vous vous êtes sans doute déjà retrouvé confronté à ce cruel dilemme : avoir une envie folle d’aller au cinéma, mais être tenté par le match de foot qui passe au même moment à la télévision.
Opter pour la salle obscure, c’est risquer de passer à côté d’un match d’anthologie, plein de buts et d’actions spectaculaires. Il est toujours possible de voir le match en replay, mais en connaissant le résultat, fatalement, ça n’a plus la même saveur. Et si ça se trouve, le film va être un vrai navet et vous aurez tout perdu… Mais regarder le match, c’est aussi, à 95%, l’assurance d’assister à un triste 0-0, chiant comme la pluie, et passer à côté de ce petit film sympathique qui, faute de spectateurs, va être déprogrammé au bout d’une semaine…
Aïe! Que choisir?
Eh bien le mieux, c’est de ne pas choisir… Avoir foot et cinéma, deux en un.
C’est l’idée géniale qu’ont eue Benjamin Rocher et Thierry Poiraud. Ils ont réalisé deux films, racontant chacun une mi-temps d’un match de football. Une rencontre sportive un peu, euh… spéciale, car elle se déroule dans une petite ville du nord de la France en proie à une soudaine épidémie qui transforme les infectés en zombis…
Hé, attendez, ne fuyez pas. C’est vrai, les zombis ne vont généralement pas bien vite, mais bon, quand vous regardez un Ajaccio-Guingamp ou un Bordeaux-Nancy, les joueurs ne sont pas très dynamiques non plus, hein… Et puis, les infectés de Goal of the Dead – c’est son titre – sont quand même relativement véloces. Entre les sportifs de haut niveau zombifiés et les supporters morts-vivants surexcités, il va y avoir du sport!
La première partie (Première mi-temps), réalisée par Benjamin Rocher (La Horde), est axée sur la mise en place de l’intrigue. On y voit la petite ville provinciale de Caplongue se préparer à accueillir le grand club de la capitale, l’Olympique de Paris, pour un match qui n’aura d’amical que le nom. En effet, les habitants n’ont jamais pardonné à l’enfant du pays, Samuel Lorit (Alban Lenoir), d’avoir quitté le club local pour devenir l’un des attaquants-vedettes du club parisien. Dix ans ont passé depuis son départ, et Samuel est désormais en fin de carrière, prêt à raccrocher les crampons et à revenir au pays. Mais les locaux ont la rancune tenace et veulent le faire savoir en allant au stade pour conspuer le traître. Chaude ambiance…
Ce contexte permet surtout au cinéaste de brocarder l’univers haut en couleurs du football français. Entre les joueurs au Q.I de poulpe (fût-il Paul Le Poulpe…), les jeunes prodiges arrogants, leurs agents sans scrupules, l’entraîneur dépressif, qui joue son poste sur le match, les commentateurs sportifs à la masse (Pierre Menès, de Canal+, dans un joli numéro d’autodérision), les journalistes de terrain, souvent dépassés par les évènements, les docteurs Mabuse et leurs produits dopants, les supporters ultra et leurs chants d’une bêtise crasse, les sujets de moquerie ne manquent pas.
Mais Benjamin Rocher fait également doucement monter la pression autour du stade Lagrippe de Caplongue (un nom de circonstance…) en vue de la seconde mi-temps, forcément plus dédiée aux zombis.
Il raconte déjà les origines de la contamination : une tentative de dopage qui a mal tourné… Le généraliste du village a injecté à son fiston chéri, l’attaquant-vedette du club local, une substance interdite en provenance directe de Tchernobyl, qui a effectivement renforcé la masse musculaire du sportif, boosté son endurance et affûté son agilité, mais l’a aussi transformé en bête enragée, hautement contagieuse.
En attendant son entrée sur le terrain, on fait connaissance des protagonistes principaux : Samuel, ex-gloire du ballon rond et séducteur impénitent, Solène (Charlie Bruneau), la journaliste qui essaie de s’imposer dans un milieu masculin machiste, et son collègue caméraman, qui ne la soutient pas (Philippe Rebbot), Idriss (Ahmed Sylla), le jeune prodige insolent et son agent (Bruno Salomone), qui perturbe le travail de Coubert (Patrick Ligardes), l’entraîneur, un brin dépressif et désabusé. Il y a aussi la jeune Cléo (Tiphaine Daviot) et sa copine, deux “supportrices” qui sont plus venues pour aguicher du sportif, le groupe de hooligans du coin (quatre paumés qui trompent l’ennui en buvant de la bière) et leur némesis, le capitaine de la gendarmerie locale.
Le cinéaste prend le temps de nous les présenter, apportant un soin particulier à chacun d’entre eux, histoire de les rendre attachants avant que ne commencent les hostilités, en toute fin de première mi-temps.
La seconde partie (Seconde mi-temps), signée Thierry Poiraud (Atomik Circus), n’a plus qu’à capitaliser sur cette mise en place patiente, en se focalisant exclusivement sur l’action et le fun. Les rares survivants s’organisent pour échapper aux attaques des infectés et préparer la contre-attaque.
D’un côté, Sam, Solène et Cléo. De l’autre, Coubert, Idriss et son agent. Plus les policiers et les hooligans, unis, pour une fois, pour repousser les assauts des morts-vivants.
Cela donne une comédie horrifique assez jubilatoire, qui multiplie les clins d’oeil aux classiques du genre sans pour autant tomber dans la parodie lourdingue. Le cinéaste et ses comédiens ont trouvé l’équilibre entre action trépidante, délire gore, humour absurde et romance improbable, un peu à la manière d’Edgar Wright dans Shaun of the dead.
Aussi bien Thierry Poiraud que Benjamin Rocher assument cette référence, et citent aussi les films de Joe Dante, qui réussissent souvent à mêler un fantastique très sérieux à une ambiance légère et fun.
Oh, bien sûr, on peut trouver qu’ils n’atteignent pas tout à fait ces sommets. Il est vrai que les deux films ne sont pas exempts de défauts, tant au niveau du rythme (une mise en place un peu trop longue dans le premier opus, un dénouement trop rapide dans le second) que de la technique (le manque de budget se fait parfois ressentir au niveau des effets spéciaux).
Mais au moins, les deux cinéastes ont le mérite d’essayer de se hisser au niveau de ce qui se fait au Royaume-Uni ou en Espagne, où le cinéma de genre a plus les faveurs des producteurs et des distributeurs. Vu les conditions de tournage, le manque de moyens et le peu d’enthousiasme des gens de cinéma, en France, pour les films fantastiques, le résultat est plus qu’honorable.
L’entreprise mérite d’autant plus d’être saluée que sa conception même était un pari risqué. Car si les cinéastes se sont concertés pour définir le cadre global de l’intrigue, chacun a ensuite géré son film de manière totalement autonome.
L’histoire développée dans le deuxième film est bien dans le prolongement du premier, les comédiens sont les mêmes, mais leurs personnages évoluent sensiblement, la tonalité de l’intrigue change nettement et l’ambiance visuelle est assez différente. Chacun a apporté sa propre patte, son propre style, son regard sur les personnages et l’intrigue, au risque de dérouter les spectateurs. Le pari était audacieux, mais à l’arrivée, le résultat est probant. Non seulement ce double programme conserve une certaine homogénéité, mais il tire profit de ce que chaque cinéaste apporte au projet.
Encore une fois, il ne s’agit pas d’un chef d’oeuvre du septième art, loin de là. Mais ce n’est pas ce qu’on cherché à faire ses auteurs. Benjamin Rocher et Thierry Poiraud ont voulu se faire plaisir – et nous faire plaisir par la même occasion - avec une petite comédie horrifique sympathique, à l’image de celles qui florissaient dans les années 1980 – Le retour des morts-vivants, House, Fright night et consorts. Le but est de passer un moment de pure détente avec une oeuvre qui ne se prend pas au sérieux, un film de copains à l’énergie et à la bonne humeur communicatives.
Cela se retrouve jusqu’au choix de l’exploitation du film, un double programme façon Grindhouse, avec de fausses bandes-annonces made in France, puis la projection des deux films avec entracte, pendant lequel l’équipe du film vient échanger avec le public.
Mais attention, pour profiter du show, il faut faire vite. Pendant un mois, le film est projeté chaque jeudi soir au cinéma Les 3 Luxembourg, à Paris. Puis il partira en tournée dans quelques villes de Province (Strasbourg, Lille, Nantes, Bordeaux, Toulouse, Lyon, et autres à venir) avant de sortir en DVD/Blu Ray/VOD dans la foulée, au mois de juin, juste avant la Coupe du Monde.
Il est tout à fait recommandé de venir déguisé en footballeur, en supporter et/ou en zombi, histoire de mettre de l’ambiance pendant la projection! Vous éviterez juste d’actionner cornes de brume et autres vuvuzelas pendant la projection, afin de ne pas incommoder vos voisins. Et si vous êtes dans la peau d’un zombi, vous vous abstiendrez de croquer le bras de la personne à côté de vous. Sauf si elle est consentante, bien sûr…
Bref, pour le fun, on vous conseille vivement de tenter l’expérience Goal of the Dead au cinéma.
Pour une fois que des cinéastes tentent de faire bouger le cinéma de genre fantastique en France, il serait dommage de passer à côté.
Goal of the Dead à Paris :
les jeudi 06, 13 et 20 mars 2014, à 20h30
au cinéma “Les 3 Luxembourg”,
67, rue Monsieur Le Prince
75006 Paris
réservation conseillée auprès du cinéma : 09 77 45 96 21
préventes possibles sur le site de la Fnac
Zombie tour Goal of the Dead
à partir du mois d’avril
vérifier les dates sur la page facebook du film
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