[Critique initialement publiée sur Cinétrafic ]
D’un côté, John Carpenter, l’un des maîtres du cinéma horrifique américain, qui a donné à ce genre mineur qu’est le “slasher” (1) ses lettres de noblesse avec Halloween, la nuit des masques, créant au passage l’un des plus formidables psychopathes de l’histoire du septième art en la personne de Michael Myers…
De l’autre, Amber Heard, actrice canonissime, connue pour avoir incarné l’une des plus sexy psychopathes de l’histoire du septième art dans Tous les garçons aiment Mandy Lane film qui dépoussiérait le slasher…
Ces deux-là étaient faits pour s’entendre, et destinés à se retrouver autour de, devinez quoi… Un slasher, pardi ! Fortement teinté de fantastique, certes, mais construit selon les codes du genre.
Cette rencontre au sommet était un événement attendu par tous les amateurs de cinéma horrifique, d’autant que le vétéran John Carpenter n’avait plus rien tourné depuis 10 ans et son sympathique Ghost from Mars.
Comme le définit Carpenter lui-même, The Ward est un film d’horreur old-school réalisé par un metteur en scène hollywoodien old-school, une série B décomplexée qui s’appuie sur les bonnes vieilles ficelles du genre pour susciter l’effroi et le suspense. Et cela fonctionne plutôt bien, car le cinéaste n’a pas trop perdu la main…
D’emblée, on reconnaît la précision des plans de Carpenter, sa facilité à planter le décor en quelques inserts : une nuit d’orage, un hôpital psychiatrique sinistre, des couloirs déserts et obscurs, une ombre qui rôde et menace la sécurité des patientes, et qui surgit soudain pour terrasser l’une d’elles… Pas de chichis, pas d’effet superflus. En quelques secondes, l’intrigue est lancée et l’angoisse s’installe.
Le générique suit, joliment exécuté, et débouche sur le visage d’une Amber Heard presque en transe au moment de mettre le feu à une vieille ferme abandonnée, au coeur de l’Oregon.
La jeune femme, Kristen, elle est déclarée complètement folle et expédiée illico à l’asile le plus proche, où elle prend la place de la précédente occupante, Tammy, celle que l’on a vue se faire dézinguer dans la séquence inaugurale.
Il ne lui faut pas longtemps pour découvrir qu’il se passe quelque chose de pas très clair dans cet hôpital psychiatrique. Une présence inquiétante rôde dans les lieux et semble s’en prendre au petit groupe du docteur Stringer (Jared Harris).
Qui a décidé de les persécuter et de les éliminer les unes après les autres?
Est-ce le fantôme d’une ancienne pensionnaire de l’asile venue hanter les lieux, comme semble le suggérer l’aspect plutôt spectral /défraîchi de l’assaillant? Ou bien est-ce là une mise en scène orchestrée par un tueur en chair et en os?
Dans ce cas, les suspects ne manquent pas : le Docteur Stringer, qui pratique l’hypnose et administre des doses de cheval en matières de calmants, a le profil idéal, tout comme l’infirmière-chef, avec ses faux-airs de Frau Blücher (Hiiiiiiiiiiii) (2) ou le gardien principal, qui semble prendre plaisir à dominer les jeunes femmes… Sans oublier les patientes elles-mêmes : la peste Sarah (Danielle Panabaker) a tout de la coupable idéale, trop évidente. Alors peut-être fait-il chercher du côté d’Emily (Mamie Gummer, la fille de Meryl Streep) ou de la frêle Zoey (Laura-Leigh) qui ne quitte jamais son doudou… A moins que tout ceci ne soit le fruit de l’esprit tourmenté de Kristen…
Le film ne repose que sur cette incertitude quant à l’identité du tueur et au large champ des possibles offert par la situation. Plus, évidemment, sur la montée du suspense et quelques meurtres commis à l’aide des outils que les psychiatres utilisaient jadis pour mettre hors d’état de nuire les fous les plus dangereux : poinçon pour lobotomie (attention les yeux!), électrochocs à haute dose (qui c’est qu’a fait sauter les plombs?), scalpel…
Bref, rien de vraiment novateur dans l’univers du slasher, d’autant que le scénario semble beaucoup s’inspirer d’oeuvres existantes – certains penseront à des films comme Fragile (pour le côté ghost story dans la clinique) ou Shutter Island (pour le côté enquête en hôpital psychiatrique), mais en fait, le script lorgne beaucoup plus sur les ressorts dramatiques d’un film dont nous ne révélerons le titre que dans la partie commentaires, pour ne pas gâcher le plaisir des spectateurs…
Certains vont sans doute trouver cela trop léger de la part d’un auteur aussi réputé que John Carpenter : Intrigue trop simple, trop linéaire, personnages pas assez attachants et ambiance insuffisamment flippante.
Ils n’ont pas tout à fait tort. Il est clair que The Ward souffre de ces quelques défauts. Non, ce n’est pas un chef d’oeuvre et d’accord, il ne révolutionnera pas le genre…
Cependant, Carpenter n’a jamais prétendu qu’il allait signer ici un monument du film d’horreur…
Là, il semble plutôt avoir eu envie de s’amuser en réalisant une petite série B sans prétention, “à l’ancienne” et d’en faire quelque chose de correct tout en respectant à la lettre les codes du genre et ses ficelles archi-usées.
Et sur ce plan là, il n’y a rien à redire. La mise en scène est peut-être classique, mais elle est terriblement efficace, avec ses longs travellings en steadycam dans les couloirs, ces jaillissements du fantôme parfaitement minutés, son utilisation de la musique pile au bon moment… De quoi créer un certain suspense, à défaut de nous terroriser complètement (en même temps, nous sommes un peu immunisés, à la longue…) et nous permettre de suivre l’intrigue avec plaisir.
C’est bien là le principal, et tant pis si Carpenter n’innove pas, ne bouscule pas l’ordre établi, ne réinvente pas les codes du slasher ou du film de fantômes. De toute façon, ce n’est pas à lui de le faire. Il a déjà donné, en signant des films aujourd’hui considérés comme des classiques absolus (The Fog, Halloween, The Thing, Prince des ténèbres…). Maintenant, c’est aux jeunes réalisateurs de faire bouger le cinéma.
Mais avant de se lancer dans ce genre d’entreprise ambitieuse, ils doivent d’abord faire leurs gammes sur ce genre de productions de série B. Avec The Ward, le brave John, en vétéran avisé, leur donne une leçon de mise en scène et semble vouloir leur rappeler quelques fondamentaux.
Il est en droit de penser qu’ils ont besoin de cela, au vu des remakes de ses films entrepris dans les années 2000, calamiteux (The Fog), médiocres (Assaut sur le central 13) ou corrects, mais inférieurs aux originaux (Halloween, The Thing).
Donc, pour réaliser un bon petit film d’horreur, il faut une ambiance, des mouvements de caméra élégants et précis tournant autour des personnages pour provoquer les effets de surprise, un montage qui va à l’essentiel et donne du rythme au récit, et des comédiens sélectionnés avec un soin particulier.
Ici, Carpenter peut compter sur Amber Heard, une fois de plus à son avantage dans un rôle de jeune fille un brin dérangée, fragile en apparence mais plus résistante qu’il n’y paraît. Grâce à sa performance, entre normalité et folie, on en vient à douter de la réalité de ce mystérieux fantôme. Ce qui, évidemment, apporte un peu de piment à l’intrigue…
Les autres comédiens sont également très bien, de Jared Harris, parfait en psychiatre inquiétant, aux jeunes comparses de Kristen – Danielle Panabaker, Mamie Gummer, Lindsy Fonseca… – qui aurait mérité un meilleur traitement (scénaristique et psychiatrique…)
Pour résumer, si The Ward n’est pas, loin s’en faut, le film d’horreur de l’année, et n’est qu’une oeuvre mineure dans la filmographie de John Carpenter, il reste toutefois très regardable, grâce à sa mise en scène intelligente, et devrait plaire aussi bien aux fans du cinéaste, qui seront ravis de voir leur idole reprendre la caméra, qu’à ceux de la belle Amber. Plus à tous les amateurs de frissons cinématographiques qui ont envie d’une bonne petite série B pour leur soirée vidéo à domicile.
Aussi, saluons l’initiative de Metropolitan films d’éditer ce long-métrage directement en DVD & Blu-ray et de lui permettre ainsi de trouver son public, en attendant, pourquoi pas, le prochain grand film de John Carpenter…
(1) : Slasher movie : catégorie de film d’horreur dans lequel un tueur psychopathe, généralement masqué, élimine méthodiquement, un à un, un petit groupe d’individus, souvent jeunes, par vengeance, par plaisir ou pour faire respecter son territoire…
(2) : petit hors-sujet, pour vous signaler que l’excellente comédie musicale “Frankenstein Junior”, d’après le film de Mel Brooks et Gene Wilder, se joue encore jusqu’au 17 février 2012 au théâtre Dejazet. Et ça vaut le coup d’oeil…
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BONUS
– Présentation du film par John Carpenter au festival de Toronto : amusant…
– Les coulisses du film : traditionnel making-of qui n’apprend rien de bien passionnant
– Commentaire audio de John Carpenter et Jared Harris : déjà plus instructif quand à la conception du film et le travail de Carpenter avec ses acteurs…
– bandes-annonces de films avec Amber Heard
Note globale des bonus : ●●●○○○
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BluRay / DVD9 – Zone 2 – PAL – Couleur – Format 2.35 -16/9 compatible 4/3 / BD50 – Durée totale : 115 mn |
Langues : | Anglais, Français Dolby 5.1 (HD) |
Sous-titres : | Français |
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