Après l’accueil assez froid – mais mérité – réservé à sa comédie Tu peux garder un secret ?, Alexandre Arcady a souhaité, pour son nouveau film, retrouver un genre qu’il affectionne – le thriller – et un milieu qu’il connaît bien – une famille juive pied-noir. Comme les cinq doigts de la main cherche en effet à s’inscrire dans la lignée de son premier gros succès populaire, Le Grand pardon…
… mais se plante dans les grandes largeurs.
Le Grand pardon était loin d’être un chef d’œuvre, mais il reposait malgré tout sur une intrigue solide, sous influence des grands films américains de l’époque, Le Parrain en tête, et pouvait compter sur un casting bien en place. Et on était alors enclins à fermer les yeux sur quelques tics de mise en scène malvenus et l’emphase parfois gênante de certains dialogues, petites maladresses de cinéaste débutant.
Ici, on sera moins indulgents. Déjà parce qu’Arcady est désormais un cinéaste expérimenté, censé avoir tiré des leçons de ses erreurs passées. Ensuite parce qu’il faut bien reconnaître que son film est un fiasco artistique dans tous les domaines, de l’écriture au montage, du jeu d’acteurs à la mise en scène…
Dès les premières minutes, on a un mauvais pressentiment : la musique, omniprésente, s’avère vite insupportable, la mise en scène est des plus conventionnelles, hyper plan-plan, et le montage est assez confus, passant sans vergogne d’une scène de polar à une scène dramatique, puis à la comédie balourde.
Pire, les acteurs, pourtant loin d’être mauvais habituellement, semblent tous jouer faux. Patrick Bruel aurait-t-il perdu au poker les leçons d’acteur apprises auprès de Deville, Jolivet ou Chabrol ? Le Pascal Elbé qui cachetonne ici en faisant le minimum syndical est-il vraiment le même que l’auteur/interprète du magnifique Tête de turc, si finement joué ? Et que dire d’Eric Caravaca, si juste dans La raison du plus faible et ici cantonné à un rôle d’une médiocrité atterrante ? Ou de Françoise Fabian, égarée dans ce rôle caricatural de mère juive pied-noir ?
Bon d’accord, ils n’ont rien d’autre à défendre que des personnages balourds et stéréotypés (la matriarche régnant sur son clan avec autorité, le restaurateur bling-bling, le pharmacien un peu trop sérieux et prosélyte, le prof laïc un brin rebelle, le jeune chien fou qui se cherche et passe le plus clair de son temps à perdre aux cartes, et le vilain petit canard qui a sombré dans la délinquance…) Mais quand même, ils sont tous très loin de leur meilleur niveau…
Du coup, on ne peut même pas se raccrocher à eux pour supporter, durant deux heures, l’intrigue cousue de fil blanc qu’ont concoctée Alexandre Arcady, Eric Assous et Daniel Saint-Hamon (trois scénaristes pour ça, quelle misère !).
En gros, le film montre une famille en pleine tourmente après que le fils cadet, le mouton noir de la fratrie, qui avait rompu tout contact avec les siens, ne se soit décidé à réapparaître, blessé, avec à ses trousses une bande de malfrats gitans bien décidés à lui faire la peau et à éliminer tous ceux qui chercheraient à les en empêcher…
L’argument scénaristique est bien mince et rien ne vient vraiment le densifier, hormis le lien, tardif, avec une sombre affaire de famille et de vengeance entre truands, survenue trente ans auparavant, peu avant la mort du père des cinq protagonistes.
Alors, Arcady tente de combler tant bien que mal la vacuité de l’histoire, son absence cruelle d’enjeux, en développant une chronique familiale pesante et des sous-intrigues inutiles – la crise de couple du fils aîné un peu trop jaloux, quel intérêt ? – qui plombent le rythme mais servent à gagner un peu de temps en attendant que l’action pure ne prenne le relais.
Cela dit, celle-ci est si mal amenée, si incohérente, que l’on en regrette presque les scènes précédentes, et que l’on en vient à espérer que les méchants ne tuent tout le monde d’un coup pour que le calvaire s’achève…
Le comble de l’idiotie est atteint quand les frangins décident de riposter, à répondre à la violence par la violence… Après tout, c’est vrai, la loi du talion est inscrite dans le Talmud et la Torah…
Non mais franchement, si vous, citoyens ordinaires, étiez poursuivis par de dangereux truands décidés à vous massacrer, et que la police viennent vous offrir sa protection, vous accepteriez, non ? Eh bien, pas les frères Hayoun… Non, eux, ils préfèrent acheter des armes de contrebande à des islamistes (pfff… bonjour le cliché xénophobe un peu rance), s’improvisent commando du GIGN, et partent à l’assaut de la forteresse ennemie… N’importe quoi…
Et le spectateur de regarder ces aventures absurdes en se demandant s’il doit prendre tout cela au premier ou au dixième degré, et s’il est vraiment obligé de supporter ce spectacle affligeant jusqu’au bout, avec un twist final tellement prévisible qu’il en devient ridicule.
Bref, pas grand-chose à sauver dans ce naufrage intégral, à l’exception de quelques acteurs qui se distinguent des autres (vu le niveau, leur mérite est relatif). Les femmes notamment tirent leur épingle du jeu, de Caterina Murino, mystérieuse et troublante, à Lubna Azabal, assez crédible en fliquette déterminée, en passant par Judith El-Zein. Mais leurs rôles sont réduits à portion congrue…
Chez les hommes, on peut louer les performances de Moussa Maaskri, évidemment à l’aise dans son registre habituel de brute épaisse (il vaut pourtant mieux que cela, comme le laisse supposer l’intéressant Clandestins, sorti il y a quelques années), ou d’Amidou, sobre, appliqué, crédible mais… sous-exploité…
C’est peu évidemment, mais les occasions de se réjouir sont rares dans ce polar triste et mollasson. Tellement rares, qu’on peut les compter sur les doigts de la main… Oups, désolé, les nanars provoquent chez moi des crises de (mauvais) jeux de mots, incontrôlables…
Non, vraiment, on veut bien être gentils avec les cinéastes, respecter leur travail, mais il ne faut pas exagérer non plus… Pas de « grand pardon », aucune indulgence pour les mauvais films…
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Comme les cinq doigts de la main
Comme les cinq doigts de la main
Réalisateur : Alexandre Arcady
Avec : Patrick Bruel, Pascal Elbé, Vincent Elbaz, Eric Caravaca, Mathieu Delarive, Caterina Murino
Origine : France
Genre : Film (pied-) noir
Durée : 1h57
Date de sortie France : 28/04/2010
Note pour ce film : ●○○○○○
contrepoint critique chez : Ciné-Zoom
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