2023_CANNES_SIGNATURES_WEB_1080x1080_03_INSTA“Jusqu’ici tout va bien… Jusqu’ici tout va bien… Jusqu’ici tout va bien…” disait Hubert Koundé dans La Haine, l’un des films marquants du Festival de Cannes 1995. Vingt-huit ans plus tard, on peut reprendre la même réplique pour illustrer les prémisses de cette 76ème édition.

Demande d’accréditation acceptée. OK. Jusque ici tout va bien…

Hébergement à proximité des lieux principaux du festival. OK. Comme ça m’a coûté un bras, je serai sans doute un peu moins agile pour écrire mes textes, mais si Philippe Croizon peut traverser la Manche à la nage, je devrais pouvoir tenir le marathon cinématographique cannois… Jusque ici tout va bien…

Voyage Paris-Cannes. OK. Pas de dinguerie du côté de l’application SNCF. Pas d’annulation de train malgré un contexte social encore tendu. Pas de dinosaure qui attaque les voies, pas d’intoxication au sandwich salmonellé, pas de foufous ayant eu l’idée saugrenue de déménager leur armoire normande par le TGV. Même pas un petit retard sur l’horaire d’arrivée… Jusque ici tout va bien…

Récupération de l’accréditation, à la gare maritime, près du village international. OK. Réglé en cinq minute. Pas de temps d’attente. Jusque ici tout va bien…

Météo… Eh, il est où le petit rond jaune habituellement associé à la météo de la Côte d’Azur à cette période de l’année? Là, on a des nuages, de la pluie et des températures inférieures aux normales de saison! Et pendant la quasi totalité du festival en plus! Bon, pour le moment, il y a alternance de soleil et de nuages, même si les seconds gagnent un peu de terrain. Sur l’échelle de Take shelter ou Twister, on est loin de la tornade. Donc jusqu’ici tout va bien…

Mais comme le dit aussi la réplique, “l’important, ce n’est pas la chute, c’est l’atterrissage”.
Est-ce que l’atterrissage ne serait pas la fameuse billetterie cannoise? Si vous avez suivi mes chroniques l’an passé, vous aviez pu constater que la billetterie du festival n’était pas très au point et avait causé des crises de nerfs à certains festivaliers. Et la billetterie de la Mostra ne s’était guère avérée meilleure, avec des temps d’attentes interminables pour accéder aux serveurs de réservation.
Et cette année alors? Est-ce “the return of the billetterie of dead” ou “la réservation est un long fleuve tranquille”?

Premier jour, impeccable. Accès au film d’ouverture sans grande difficulté. Deuxième jour, aïe… Serveur planté juste à l’ouverture. Et quand le service est rétabli, il ne reste plus aucune place de libre nulle part. Zéro billet pour la première grande journée de projections, je n’avais jamais eu cela encore…  Pas de Kore-Eda, pas de Corsini. Pas même de place disponible pour le long documentaire (plus de 4h) de Steve McQueen sur l’occupation de la Hollande par les nazis durant la seconde guerre mondiale. Aucune possibilité de plan B ou C, car même les projections habituellement moins courues, en début et fin de journée, affichent complet. Jusque ici tout va bien? Euh…
Troisième jour. L’application semble un peu plus stable, mais il faut être particulièrement vivace (ou très chanceux) pour pouvoir obtenir tous les billets souhaités, puisque la plupart des projections affichent complet en moins de cinq minutes. Il suffit d’être mis en liste d’attente sur un film pour perdre de précieuses secondes alors que les autres séances se remplissent à vitesse grand V.
Quatrième jour, quatre films sur cinq réservés sans problème. Il faudra juste que je parte à l’aventure pour essayer de voir Indiana Jones dans le cinquième volet de sa saga cinématographique, car la séance était complète en moins d’une minute.
Bon, résultat mitigé, mais il semble assez improbable que chaque séance soit systématiquement complète sur la durée du festival. Sans doute d’autres places se libéreront-elles le moment donné. On verra comment évolue le système quand les choses sérieuses commenceront, que les projections débuteront effectivement  et quand caser des films deviendra un casse-tête, avec des projections se chevauchant ou s’enchaînant sans beaucoup de marge de manoeuvre.
En tout cas, cela donne à chaque début de matinée un petit côté suspense hitchockien. Le serveur va-t-il tenir? La connexion internet va-t-elle être stable le temps de la réservation? La séance sera-t-elle accessible à la réservation ou affichera-t-elle le fatidique “séance complète”? Pas sûr que tout le monde apprécie beaucoup cette petite montée de stress de bon matin, surtout si l’exercice vire au drame absolu en laissant des festivaliers forts dépourvus…
Lors de la rencontre traditionnelle entre Thierry Frémaux et les journaliste, l’équipe chargée de l’accueil des média, menée par l’excellente Agnès Le Roy, a assuré que tout sera mis en oeuvre pour permettre aux journalistes de couvrir le plus efficacement possible la compétition officielle. Evidemment, pour certaines séances très attendues, il n’y aura pas de place pour tout le monde, mais c’est la règle du jeu cannois. L’important reste de pouvoir découvrir un maximum de films, peut importe la section. Comme l’a précisé le délégué général, “Vous verrez d’autres films que ceux prévus? Ne vous inquiétez pas, ils seront très bien aussi!”.

C’est probablement là que se jaugera la qualité de l’atterrissage. A la qualité des films projetés, à la quantité d’émotions reçues par les spectateurs. A la découverte de jeunes talents inattendus ou au retour plein de panache de cinéastes un peu en retrait ces derniers temps.
En tout cas, la Croisette semble prête à accueillir le plus grand festival de cinéma de la planète. Le tapis rouge est en place. Le personnel d’accueil est déjà présent, aimable et disponible. Les festivaliers et les curieux commencent à prendre possession des lieux. Quelques acharnés ont même déjà cadenassé leur escabeau au pied des marches pour photographier les stars avant leur entrée en salle. D’autres attendent patiemment à l’entrée des hôtels de luxe le passage d’éventuels clients prestigieux, dans l’espoir d’un “selfie avec guest” ou d’un autographe. Et puis, on croise de plus en plus de visages amis, cinéphiles passionnés et professionnels impliqués qui, pour le moment profitent de quelques moments de calme avant la tempête (mais pas celle annoncée par la météo, hein…)

Même si jusqu’ici tout va bien, on a hâte que cela démarre vraiment!

A demain pour le début de mes chroniques cannoises 2023!

Crédits photos : Photo © Jack Garofalo/Paris Match/Scoop – Création graphique © Hartland Villa Visuels fournis par le service presse du Festival de Cannes

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Rédacteur en chef de Angle[s] de vue, Boustoune est un cinéphile passionné qui fréquente assidument les salles obscures et les festivals depuis plus de vingt ans (rhôô, le vieux...) Il aime tous les genres cinématographiques, mais il a un faible pour le cinéma alternatif, riche et complexe. Autant dire que les oeuvres de David Lynch ou de Peter Greenaway le mettent littéralement en transe, ce qui le fait passer pour un doux dingue vaguement masochiste auprès des gens dit « normaux »… Ah, et il possède aussi un humour assez particulier, ironique et porté sur, aux choix, le calembour foireux ou le bon mot de génie…

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