Elementaire affpro[Film de clôture – Hors compétition]

De quoi ça parle?

De la rencontre de Flam, une jeune femme au tempérament de feu et Flack, un garçon “à la coule”. Tous deux habitent une mégalopole où vivent des êtres élémentaires : les Aériens (esprits de d’air, qui ressemblent à des nuages), les Terriens (esprits de la terre, composés de terre, de mousse et de branchages), les Aquatiques (esprits de l’eau, plutôt humides) et les Flamboyants (esprits du feu, du genre brûlants).
Si les trois premiers cohabitent relativement bien, les derniers sont obligés de vivre en périphérie de la ville, car ils occasionnent souvent trop de dégâts.
Logiquement, Flam et Flack n’auraient jamais dû se croiser. La jeune femme n’avait jamais quitté son quartier et s’apprêtait à reprendre le flambeau de son père à la tête de la boutique familiale, “Le Foyer”, un petit restaurant-grill, du moins quand elle aurait pu canaliser son tempérament de feu, qui la conduisait à exploser facilement face à des clients pénibles. Le jeune homme restait souvent cantonné au coeur de la mégalopole, où il officiait en tant qu’inspecteur des locaux commerciaux.
Mais un jour, une rupture de canalisation aspire Flack dans la cave du Foyer, où il fait la connaissance de Flam. La rencontre de l’eau et du feu provoque une certaine ébullition. Le premier contact est assez difficile, à cause de l’appréhension naturelle que leurs espèces peuvent avoir l’une envers l’autre, mais surtout du zèle administratif de Flack, qui, faisant son travail d’inspecteur, ne peut s’empêcher de dresser une contravention au restaurant, qui va obliger Flam, pour la première fois de son existence, à quitter son quartier pour aller découvrir le centre-ville, afin d’essayer de faire annuler la sanction. C’est ainsi qu’elle apprend à découvrir Flack. Peu à peu, elle se laisse séduire par son flow et son côté hypersensible (très larmoyant). Lui apprécie le caractère explosif de la jeune femme, son côté “tête brûlée”. Evidemment, ils vont tomber amoureux. Mais peuvent-ils vraiment vivre ensemble ? Ne risquent-ils pas de se détruire l’un l’autre? Comment leurs familles vont-elles accepter une telle complicité?

Pourquoi on s’embrase pour le film ?

Après deux décennies flamboyantes, ponctuées de succès commerciaux et critiques, de récompenses prestigieuses et de films qui se sont imposés comme des classiques de l’animation, les studios Pixar ont connu quelques années plus difficiles : problèmes juridiques, départ du cofondateur, John Lasseter, suite à des accusations de comportement inapproprié, pandémie de COVID-19 qui a retardé des diffusions et obligé à revoir le calendrier des sorties, conflit entre Disney et les exploitants de salles autour de la plateforme Disney +…  Presque tous les derniers longs-métrages de la firme ont été diffusés directement sur ce service de streaming de Disney, afin d’inciter un maximum de personnes à s’y abonner. Ainsi, En avant, Soul, Luca et Alerte rouge n’ont pas eu les honneurs d’une sortie en salles, sauf dans les pays ne donnant pas encore accès à la plateforme. Cela a-t-il eu l’effet escompté sur les demandes d’abonnement? Rien n’est moins sûr, alors que les offres concurrentes pullulent et que l’inflation incite le consommateur à y réfléchir à deux fois avant d’investir quelques euros par mois pour un énième service de streaming payant.
Il est difficile de savoir si ces films ont attiré beaucoup de spectateurs. En revanche, il est clair qu’ils n’ont pas autant marqué les esprits, malgré leurs qualités graphiques et scénaristiques, que les plus grands Pixar.
Le seul qui est sorti en salles, Buzz l’éclair, est loin d’être allé vers l’infini et au-delà. Loin, en tout cas des scores des quatre films de la saga Toy Story. Et avant la crise COVID-19, on se rappelle que certains films récents avaient eux aussi reçu un accueil mitigé (Le Voyage d’Arlo, Cars 3).

En présentant Elémentaire en  clôture du Festival de Cannes, avec les honneurs du tapis rouge, comme jadis Là-haut ou Vice versa, Pixar entend rappeler que la firme est toujours active. Elle propose encore des films de cinéma, de haute qualité et se retrouvant sublimés sur un grand écran, face à un public ressentant les mêmes émotions de concert.
D’aucuns trouveront probablement que le long-métrage de Peter Sohn ne possède pas la perfection technique de certains des chefs d’oeuvre des studios, de Toy Story à Ratatouille. C’est exact, mais cela reste malgré tout de la belle ouvrage. L’animation est fluide (en même temps, il vaut mieux pour animer des “aquatiques”), le design des personnages est plutôt sympathique, d’autant qu’il est source de nombreux gags et permet de communiquer rapidement les émotions, et on se laisse séduire par la cohérence visuelle de cet univers chamarré et plein de vie.

Côté scénario, Elémentaire trouve son équilibre entre une partie aventure/action assez rudimentaire, mais offrant quand même quelques scènes spectaculaires, et une partie plus intimiste axée autour de la relation d’abord amicale, puis amoureuse de Flam et Flack, qui permet aussi quelques jolies séquences, tout en délicatesse.
Le film de Peter Sohn s’inscrit dans la lignée des films Pixar, en réussissant à embarquer un large public. Les plus petits apprécieront cet univers fantastique coloré et découvriront avec intérêt une belle variation autour de la xénophobie, la peur de l’Autre, et du “vivre ensemble”. Evidemment, adolescents et adultes ont eux-aussi le droit d’apprécier ce beau message de tolérance et d’ouverture aux autres, mais ils seront peut-être également sensibles à toute la partie autour du besoin d’émancipation de Flam, qui découvre qu’elle a besoin d’écrire sa propre histoire, sans pression ni contraintes, quitte à bousculer les plans de ses parents. D’une certaine façon, la trame narrative rappelle un peu celle d’Alerte rouge, qui tournait autour d’une adolescente en train de devenir jeune femme (en plus d’un panda roux géant) et réclamant davantage de liberté et d’autonomie. Les deux films montrent qu’il est dans la logique des choses qu’un adolescent quitte le nid familial pour voler de ses propres ailes, qu’il fasse ses propres choix de vie et que les parents n’ont pas d’autre choix que de l’accepter.
Evidemment, les plus grands pourront aussi comprendre plus facilement certains gags plus matures, comme l’effeuillage coquin des “terriens”, par exemple, ou sauront apprécier différemment certaines références culturelles. Mais le film est bien conçu pour tous les publics.

Espérons qu’Elémentaire parvienne à trouver son public en salles. Dans le cas inverse, cela pousserait probablement Pixar à ne produire que des oeuvres destinées aux plateformes, formatées dans tous les sens du terme (conçues pour être être vues exclusivement sur téléviseurs, mobiles et tablettes, et fortement édulcorées) et cela marquerait inéluctablement le déclin de ces studios que l’on pensait pourtant indestructibles, comme certains de leurs héros emblématiques…

Contrepoints critiques :

”Quelque chose ne prend jamais dans ce film qui enchaîne les rebondissements les plus attendus. Scolaire de bout en bout, Élémentaire échoue surtout à exploiter le potentiel comique de son duo, réduit à une suite d’oppositions téléphonées ou de gags répétitifs, et atténue dans le même temps la dimension potentiellement tragique du récit.”
(Corentin Lê – Critikat)

”On a la sensation que les concepteurs se sont contentés de remplir un cahier des charges, soucieux de cocher toutes les cases de ce que l’on attend d’une production d’animation consensuelle pour tous publics. (…) On aura compris qu’Élémentaire nous semble être un Pixar mineur et formaté, malgré de réelles qualités”
(Gérard Crespo – A voir à lire)

”Si Élémentaire n’a pas la liberté du précédent film de Peter Sohn, Le Voyage d’Arlo, il retrouve ce qui en faisait sa beauté : la sincérité des émotions.”
(Aurélien Allin – Cinemateaser)

Crédits photos : Copyright 2023 Disney/Pixar. All Rights Reserved.

REVIEW OVERVIEW
Note :
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Rédacteur en chef de Angle[s] de vue, Boustoune est un cinéphile passionné qui fréquente assidument les salles obscures et les festivals depuis plus de vingt ans (rhôô, le vieux...) Il aime tous les genres cinématographiques, mais il a un faible pour le cinéma alternatif, riche et complexe. Autant dire que les oeuvres de David Lynch ou de Peter Greenaway le mettent littéralement en transe, ce qui le fait passer pour un doux dingue vaguement masochiste auprès des gens dit « normaux »… Ah, et il possède aussi un humour assez particulier, ironique et porté sur, aux choix, le calembour foireux ou le bon mot de génie…

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